"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
21 Avril 2014
Bouteflika a donc confirmé sa place au centre du pouvoir. L'Institution présidentielle sera-t-elle en mesure de prendre les initiatives fortes pour faire évoluer le système dans la bonne direction, comme l'y pousse les aspirations et le rapport de force réel dans le pays profond? "Place au réalisme et à l’intelligence!" conclut l'éditorial de Libre Algérie, tandis que Kharroubi Habib clôt ainsi on analyse dans le Quotidien d'Oran : "Les «naïfs» qui croient que Bouteflika est hanté par la place qu'il occupera dans l'histoire de l'Algérie ont voté pour lui jeudi dernier avec le sentiment qu'ils lui ont octroyé l'opportunité d'achever son parcours par des actes qui le grandiraient".
Le coup d'après
Editorial Libre Algérie, 20 avril 2014
Le jour d’après le scrutin du 17 avril énonce un certain nombre de messages politiques, on ne peut plus clairs.
A travers le score attribué au chef de l’Etat sortant, le système veut montrer son unité ; même si la recomposition interne est déjà en marche. Désormais, toutes les séquences à venir dans la vie du pays, doivent se faire sous son contrôle ; le système entend bien garder la main et l’initiative.
L’importance du taux d’abstention, dont personne ne peut réclamer la paternité, est le résultat de facteurs intriqués, enchevêtrés les uns dans les autres ; dépolitisation et exclusion de pans entiers de la société des processus politiques et électoraux, sans compter leur marginalisation économique et sociale.
Il faut bien voir que la réalité économique et sociale est masquée par une dépense publique débridée et la distribution d’énormes subventions destinées à acheter la paix sociale, à la veille du scrutin.
Pourvu que cela dure, diront certains, il faut pourtant garder à l’esprit, que, malheureusement, ces largesses ne durent qu’un moment ; le temps des épreuves, c’est pour demain, c’est dans un futur proche. Plus dur sera le choc ; plus grandes seront les désillusions et les déceptions.
Aujourd’hui, chercher à ruser ou à différer la solution, la vraie, pour une issue viable et durable à l’impasse nationale, serait une faute politique grave. L’important, c’est le coup d’après ; la seule voie praticable reste et demeure la reconstruction du Consensus National. Il ne faudrait pas tuer cette approche, alors qu’elle commence juste à éclore, en cherchant à prendre le leadership ou en installant des lignes de clivages, réelles ou supposées ; ou en posant des préalables. Relancer la violence et les affrontements, sous quelle que forme que ce soit, sous quel prétexte que ce soit, et quelques que soient ses acteurs, serait tout aussi préjudiciable pour la réussite de la conférence de Consensus National.
Dans la situation actuelle, l’échec n’est pas permis ; ce serait prendre une grave responsabilité que de chercher à contourner, à dévoyer, ou à instrumentaliser cette dynamique.
Les premières mesures qui seront prises sont d’une importance cruciale pour le devenir du pays, qu’elles soient politiques, sécuritaires, économiques, sociales ou culturelles. C’est en cela que réside l’enjeu principal : dans la nécessité de réunir les conditions pour la tenue et la réussite d’une Conférence de Consensus National, et de dégager des politiques publiques urgentes pour redresser une situation déjà inextricable.
Place au réalisme et à l’intelligence !
Source: Libre Algérie
Et si Bouteflika…
Par Kharroubi Habib 21 avril 2014, Le Quotidien d'Oran
Bouteflika est trop bien renseigné sur l'ampleur du rejet populaire que suscite le système politique auquel il préside depuis 15 ans et sur celui qu'a rencontré sa candidature à un quatrième mandat pour être dupe de la présentation de sa réélection telle qu'elle a été faite par ses courtisans qui ont claironné sans retenue qu'elle a été un «plébiscite».
Il les laisse certes dire, mais a dû certainement se faire à l'idée que sa victoire n'est pas de celles qui lui octroient une large marge de manœuvre tant à l'égard de ses adversaires de l'opposition que du clan du pouvoir en conflit sourd avec le sien. Or les deux n'ont pas l'intention de lui laisser le champ libre dans l'après 17 avril et ne manqueront pas d'exploiter contre lui l'étroitesse du socle populaire qui a permis son maintien au pouvoir. L'opposition partisane en tentant, comme elle a déjà commencé à le faire, de constituer un front commun dont elle espère qu'il pourrait fédérer cette majorité de l'électorat qui dans le scrutin du 17 avril s'est réfugiée dans l'abstention désapprobatrice ou a donné ses voix aux compétiteurs du président candidat. Le clan rival au sein du pouvoir en faisant sentir à Bouteflika que sa «victoire» ne lui confère pas la légitimité de s'estimer en situation de remodeler à sa convenance le rapport de force entre les clans du système.
Pourtant le président réélu pourrait élargir la base populaire qui a permis sa réélection et ainsi amoindrir l'impact du front de l'opposition en gestation. Il le peut à la condition qu'il démontre qu'il n'a en vue avec son quatrième mandat que de propulser l'Algérie sur la voie de l'instauration d'un véritable Etat de droit et d'une démocratie construite sur des institutions respectées parce que respectueuses des normes qui fondent l'un et l'autre.
Il est vrai que ce n'est là qu'une hypothèse qui se veut optimiste sur les intentions que nourrirait Bouteflika ayant obtenu son quatrième mandat. Pour ceux qui ont déserté les urnes ou voté pour les compétiteurs du président candidat, elle relève évidemment de la pure spéculation car ils sont convaincus que celui-ci ne s'est accroché au pouvoir que pour assurer la continuité du système et sauvegarder les intérêts de son clan. Il n'est pourtant pas impossible que Bouteflika surprenne tout son monde en réalisant durant son quatrième mandat ce que l'on pense qu'il n'y songe même pas.
L'homme a tout obtenu depuis qu'il est arrivé au pouvoir, il ne lui reste qu'à faire une sortie qui le ferait entrer glorieusement dans l'histoire de l'Algérie. Il est parfaitement conscient que ce n'est pas en colmatant un système vermoulu et condamné qu'il fera une telle sortie. Son «ego» qui revendique une place au panthéon de l'histoire de l'Algérie lui fera peut-être avoir l'audace de bousculer le statu quo que sa réélection est censée devoir prolonger. Bouteflika a démontré son aptitude à surprendre ses ennemis comme ses partisans. L'on voudrait que dans l'après 17 avril il prenne des initiatives qui lui vaudront le «mea culpa» des premiers et signifieront aux seconds que l'ère de l'appropriation clanique et prédatrice de l'Etat algérien c'est terminé.
Les «naïfs» qui croient que Bouteflika est hanté par la place qu'il occupera dans l'histoire de l'Algérie ont voté pour lui jeudi dernier avec le sentiment qu'ils lui ont octroyé l'opportunité d'achever son parcours par des actes qui le grandiraient.