"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
12 Décembre 2015
Après l'adoption le 5 mars dernier par les députés des amendements au code pénal contre les violences faites aux femmes, les sénateurs se sont enfin décidé de suivre après plus de neuf mois d'atermoiements. La vague d'émotion qui a secoué les Algériens après le martyre de Razika n'est sans doute pas étranger à ce déblocage.
“C’est une réponse positive à nos attentes, après tant de souffrances, après le drame odieux de Razika ! note la déclaration de L’Association pour l’émancipation de la femme (AEF) C’est une avancée pour les femmes algériennes contre une violence planétaire, c’est d’ailleurs la première loi de ce genre dans notre région du monde ! C’est aussi un succès pour nos luttes, un encouragement ! Dans les années 2000, nous avons mené une campagne contre le harcèlement sexuel au travail, dans les années 2010, nous avons demandé une loi-cadre sanctionnant les violences faites aux femmes”. Cette déclaration signée par sa présidente, Soumia Salhi note : “Le martyre de Razika a révélé que le regard de la société est en train de changer, que désormais, on reconnaît aux femmes le droit de circuler dans l’espace public, même loin des grandes villes, qu’on lui reconnaît le droit à la dignité.”
L’Association pour l’émancipation de la femme relève les insuffisances du dispositif de protection des droits de la femme, notamment la clause du “pardon” voté par les sénateurs. Elle conclut : “Le combat contre les violences est encore long. Il se mènera dans la société, sur le terrain, pour faire reculer encore plus les mentalités patriarcales et les préjugés sexistes. Il y a aussi le combat pour abroger le code de la famille, pour l’égalité lors du mariage et du divorce, etc. Il y a aussi le combat pour l’accès massif au travail, pour l’égal accès aux postes de responsabilité. Et nos combats ne pourront faire l’économie de la lutte contre la précarité qui favorise le chantage et pour un développement qui assure les possibilités de promotion sociale”.
Les nouvelles dispositions
Parmi les nouveautés du texte de loi, un article portant sur la protection de l'épouse des coups et blessures volontaires, provoquant un état d'invalidité ou causant l'amputation, la perte d'un membre, une invalidité permanente ou la mort de la victime, en introduisant des sanctions en fonction du préjudice.
Dans un autre article, la loi criminalise toute forme d'agression, de violence verbale, psychologique ou maltraitance notamment en cas de récidive, précisant que la violence peut prendre plusieurs formes dont des agressions physiques n'entraînant pas forcement des blessures visibles.
Par ailleurs, il a été procédé à l'amendement de l'article 330 du Code pénal relatif à l'abandon de famille pour ne pas priver l'épouse de ses biens et ressources financières.
Pour ce qui est des dispositions relatives à la protection de la femme contre la violence sexuelle, le texte de loi prévoit l'introduction d'un nouvel article criminalisant toute agression attentant à l'intégrité sexuelle de la victime.
Il a été aussi procédé à l'amendement de l'article (341 bis) en vue d'alourdir la peine prévue pour harcèlement sexuel.
Le texte de loi contient, par ailleurs, un article qui criminalise et lutte contre le harcèlement contre les femmes dans les lieux publics, avec aggravation de la peine si la victime est mineure.
Il y a lieu de rappeler qu'un total de 7.375 cas de violences faites aux femmes, dont 5.350 cas de violences physiques et 7.375 cas de mauvais traitements, ont été enregistrés au cours des 9 premiers mois de 2015, selon les chiffres de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN).
Plusieurs associations de protection de la femme, affirment que l'arsenal juridique pour lutter contre la violence faite aux femmes "n'est pas suffisant", et plaident pour l'implication de toute la société, notamment l'élite intellectuelle et les médias, afin de faire connaître aux femmes leurs droits.
Source : APS