"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
24 Janvier 2016
La brutalité
"L’étonnante brutalité des forces de l’ordre" a noté hier dans TSA, la journaliste Radia Touri à propos de la répression contre l'élan populaire de Oued El Ma pour l'emploi. Dans El Watan les témoignages abondent ce matin. Lounes Gribissa note que même le député FLN Nouas Aziz, reconnaît "avec beaucoup d’hésitation" que «cette intervention est entachée de dépassements». Il y a deux ans, son confrère Farid Abdeladim rapportait de ce qui se passait à In Salah autre ville emblématique de l'intervention citoyenne sur les choix stratégique du pays : "Selon les manifestants, le passage à la violence est un acte prémédité et programmé depuis déjà quelques jours pour donner l’occasion aux services de sécurité de “casser le mouvement”.
La propagande
Le patriotisme de pacotille va-t-il de nouveau se déchaîner au moment où le mouvement social semble se déployer autour de questions stratégiques sensibles vécues concrètement par les gens? On pourrait le craindre en lisant cet article avant coureur dans le quotidien l'Expression où Saïd Boucetta donne le mot d'ordre du jour : "La résurgence de la violence sociale en Tunisie et les frappes de plus en plus précises de Daesh en Libye, placent l'Algérie en état d'alerte sur les deux fronts. L'arrestation de sept terroristes libyens au sud du pays dans une zone pas très éloignée du site gazier de Tinguentourine et la flambée de violence qu'ont vécue quelques communes dans l'est du pays, sont autant de signaux qui renseignent sur la similitude des risques pour tous les pays du Maghreb."
On se rappelle que lorsque en décembre 2014, au moment où le mouvement de In Salah contre la fracturation hydraulique prenait son essor, Louisa Hanoune alors championne de la paix sociale patriotique, expliquait à son bureau politique qu'il s'agit d'un «complot contre l'État et les citoyens», mettant en danger la sécurité dans la région. Un mois plus tard, on pouvait lire le 27 janvier 2015 sur TSA-Algérie cet article de Achira Mammeri : "En Janvier 2015, alors que le mouvement grandit à In salah Louiza Hanoune est très en colère ces derniers jours. Celle qui a brillé par son silence au début des manifestations à In Salah sort subitement de son mutisme sur Elle multiplie les déclarations ces derniers jours et crie fort « au complot ».
Constat de janvier 2016. Dorénavant, en Algérie les journalistes font de mieux en mieux leur travail sur le terrain, à l'écoute de ce qui bouge dans les profondeurs de la société. Le blogueur pressivore trouve tous les matins du bon grain à moudre. Quant aux éditorialistes-patrons de presse, ils continuent souvent de planer le plus haut possible. Dernières lignes d'un éditorial du jour: "Nous ne nous rendons pas compte, avec l'usure des siècles, que les zombies que nous sommes devenus ont besoin d'une bien autre révolution que celle des rues. Et qu'il s'agit d'habiller autrement et d'abord nos corps, nos cœurs et nos esprits pour être à la hauteur de ce siècle nouveau. corps, nos cœurs et nos esprits pour être à la hauteur de ce siècle nouveau". Niveau...
La lutte fait renaître la cité
En 2014-2015, le mouvement populaire de In Salah contre le gaz de schiste faisait de la ville un espace de convivialité décrit par les journalistes éblouis. "L'explosion sociale" de 2014-2015 a quasiment refondée cette ville du sud. Un an avant ces événements, en novembre 2013 , de passage dans le coin le chroniqueur-écrivain Kamel Daoud écrivait ": De sa vie, le chroniqueur n'a jamais vu une ville aussi sale, laide, abandonnée entre le vide et le coup de pied, morte depuis si longtemps qu'elle n'a plus que de sa pierre tombale et tellement loin de tout que la pièce de monnaie y a l'air d'un caillou inconnu. Le long du sud, on peut voir le vide, le désert, le Sahara, le néant et In Salah. Ruelles dévastées, poteaux aux dos courbés, maisons inachevées, gens tristes et presque en colère contre l'inconnu, des mouches sur la nourriture, du sable et le cratère d'un centre-ville qui n'existe pas que par son empreinte de pas de fuyard." Kamel Daoud a-t-il trempé sa plume à In Salah, depuis cet écrit où, de loin, il prenait ses distances d'avec le "néant"...