"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
17 Novembre 2016
"Tous les experts sont médiatiques-étatiques, et ne sont reconnus experts que par là, écrivait il y a 30 ans le penseur français Guy Debord*. Tout expert sert son maître, car chacune des anciennes possibilités d’indépendance a été à peu près réduite à rien par les conditions d’organisation de la société présente. L’expert qui sert le mieux, c’est, bien sûr, l’expert qui ment. Ceux qui ont besoin de l’expert, ce sont, pour des motifs différents, le falsificateur et l’ignorant".Hier, Saad Ziane était moins catégorique dans Libre-Algérie: "Des experts on ne crache pas dessus, on n’est pas dans le populisme. Mais des experts libres qui n’insultent pas l’intelligence des Algériens et qui, surtout, n’humilient pas leur propre intelligence".
"L’Algérie au-dessus d’un volcan : le message liquidateur des hommes-sandwichs politiques et des experts « apolitiques ».
Par Saad Ziane, 16 novembre 2016
Extrait
C’est le dernier chic des hommes sandwichs politiques du pouvoir et des experts médiatisés de la «task-force» du gouvernement qui nous font découvrir l’eau chaude : il faut débureaucratiser, «libérer» les initiatives et… donner encore plus de pouvoirs à ceux qui en ont déjà et en abusent.
Nos experts nous apprennent – mille et un mercis ! – même les additions et les soustractions et nous refont le refrain du bon père de famille qui ne doit pas dépenser plus qu’il ne gagne et qui devrait même trouver le moyen d’épargner en prévision des mauvais jours. Attention, pères de famille d’Algérie qui pourraient être outragés par cette prétention qu’ils ont à leur apprendre l’ABC élémentaire de la bonne gestion d’une famille, les experts et autre « task-force » – quel joli nom, maman ! – ne font pas de politique. Non, non, ils sont des scientifiques, ils alignent des chiffres, tracent des courbes et émettent des ordonnances. Ils sont la «science » !
Élémentaire, mon cher, chez ces gens-là, on compte. Et les voilà ces «apolitiques » qui nous expliquent, à nous pauvres Algériens qui seraient fâchés avec les chiffres, comment faire des soustractions. Ils sont vraiment magnifiques ces experts. Ils s’adressent aux pères de familles d’Algérie – ces méchants bouffeurs de subventions, n’est-ce pas ? – avec un paternalisme à faire pleurer.
Des experts qui insultent l’intelligence des Algériens
Mais soyons, sérieux, des experts on ne crache pas dessus, on n’est pas dans le populisme. Mais des experts libres qui n’insultent pas l’intelligence des Algériens et qui, surtout, n’humilient pas leur propre intelligence. Préconiser des solutions «apolitiques » dans un contexte économique stressant qui est le fruit de choix politiques faits par des gouvernants toujours en place – même si on change parfois les hommes sandwichs – relève de la supercherie intellectuelle.
Depuis le début des années 2000, l’argent a coulé à flots en Algérie, cet argent n’a pas été géré en «bon père de famille » prévoyant. Les experts ne se posent pas cette question, ils ne se posent pas des «questions politiques », ils considèrent que le pouvoir détient cette fameux «patria potestas » (la puissance paternelle) de manière éternelle et qu’il ne faut donc jamais interroger ce qu’il fait.
Il faut toujours soutenir, comme allant de soi, comme étant naturelle, son pouvoir de vie et de mort sur les femmes et les hommes. Il ne faut jamais discuter du système qui renouvelle l’échec, il faut juste développer le discours magique qui lui permet de durer et d’imposer aux autres de payer le prix de ses propres échecs et turpitudes.
Les bons pères de familles et les subventions
Pourquoi les bons pères de famille d’Algérie qui ne manquent ni d’intelligence, ni de patience – faut bien le rappeler apparemment car des gens très intelligents en doutent – ne sont pas surpris de voir les experts qui gardent le temple tomber à bras raccourcis contre les subventions ?
C’est tellement facile à faire plutôt que d’aller chercher à mettre fin au filon des surfacturations, des transferts illégaux et de la fraude fiscale. Non, les associés de la SPA du pouvoir n’aimeraient pas cela. Avant d’arbitrer sur le partage de la rente en haut, il faut commencer à couper chez les «sans-dents », les « sans pouvoir ».
Les experts qui ne font pas de politique savent très bien ce qu’il ne faut pas toucher, ils font des arbitrages «naturels » en faveur des puissants, des héritiers et des forces d’argent nées de la rente de l’import-import qui se préparent à la succession (...).
Source : Libre-Algérie
* Commentaires sur la société du spectacle. 1988 éditions Gérard Lebovici
Texte intégral : http://1libertaire.free.fr/DebordCommentaires.html