"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
13 Mai 2017
Par Sarah A. et Chafik Aït M’barek, 12 mai 2017
Le chef de daïra de Bouzeguène, une quarantaine de kilomètres à l’est de Tizi Ouzou, vient de s’illustrer une nouvelle fois par l’interdiction d’une rencontre littéraire.
Initié par l’association culturelle locale Ti3winin (les sources), ce rendez-vous littéraire devait se tenir aujourd’hui, samedi, à 14H, au Centre culturel de la ville, autour du roman « Slow avec le destin », de Hiba Tayda. Contre toute attente et sans justificatif aucun, le chef de daïra a signifié son interdiction. Une interdiction dénoncée avec force par l’association organisatrice qui appelle à un rassemblement des citoyens le même jour et la même heure de la tenue du café littéraire devant le centre culturel.
L’appel est lancé à tous « les progressistes, écrivains, éditeurs et l’ensemble des citoyens pour dire non et mettre fin à ces pratiques totalitaires et tyranniques dont l’objectif est d’assassiner la culture et de provoquer un désert culturel à Bouzeguène ». Le même geste d’interdiction a été prononcé à l’encontre de l’écrivain Kamel Daoud qui devait donner une conférence à Bouzeguène en mi-mars dernier. Dans le même laps de temps, l’écrivain algérien Karim Akouche, résidant au Canada, venu faire la promotion de son dernier roman, la Religion de ma mère, s’est vu interdit de tenir la séance de vente-dédicaces à la librairie Cheikh de Tizi Ouzou.
Le Café littéraire de Béjaïa se solidarise et dénonce
Aussitôt informés, les organisateurs du café littéraire de Béjaïa ont manifesté leur solidarité à l’égard de leurs homologues de l’association de Bouzeguène. Ils dénoncent cette ultime interdiction. Un acte similaire dont ils furent victimes, il y a quelques mois. En effet, dans une déclaration rendue publique, hier, le Café littéraire de Béjaïa s’est dit « inquiet au plus haut point», suite à l’interdiction de la conférence de la jeune romancière Hiba Tayda.
« Il nous importe de réagir sans coup férir pour défendre nos libertés en commençant par apporter notre soutien réel au Café littéraire de Bouzeguène auquel nous témoignons notre reconnaissance pour l’effort qu’il accomplit dans l’animation d’une vie culturelle de qualité dans sa région », notent les animateurs du Café littéraire de la ville des Hammadites, tout en soulignant que «l’interdiction d’une 3e conférence à Bouzeguène nous interpelle à plus d’un titre». Pour les rédacteurs de ladite déclaration, cela exprime plus clairement « la persistance du pouvoir à vouloir mettre un terme à la liberté d’expression et au débat d’idées qu’animent habituellement nos auteurs ». L’autre motif d’inquiétude et de colère, soutiennent-ils, réside dans « l’absence de réaction du monde de la culture devant l’ampleur prise par cette série d’interdictions de conférences visant indifféremment de plus en plus d’associations, d’écrivains et d’organisations des Droits humains ».
« Nous ne devons pas nous taire ! »
Sur un autre registre, le Café littéraire de Béjaïa déplore qu’« il est sidérant de constater que nos intellectuels, artistes et scientifiques, forts de leur pouvoir d’expression, puissent rester aphones, indifférents, continuant à se murer dans leur tour d’ivoire en se refusant à contribuer de quelque manière que ce soit, à la défense de nos libertés et des espaces de libre expression ».
Ce silence «compromettant », estime-t-on, encourage le pouvoir à « poursuivre son offensive contre toute initiative culturelle échappant à son contrôle tatillon. De ce fait, nous ne devons pas nous taire ! ».