Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Messahel, Akram Belkaïd, banques marocaines et blanchiment d'argent sale

Messahel, Akram Belkaïd, banques marocaines et blanchiment d'argent sale

"Que M. Messahel le veuille ou non, les banques marocaines ont un degré de professionnalisme et de technicité inexistant en Algérie", écrit le chroniqueur Akram Belkaïd contestant les propos jugés peu diplomatiques du ministre algérien des Affaires étrangère qui  affirmait : “Le Maroc recycle en réalité l’argent du haschisch via ses banques dans le continent”

On peut certes épiloguer sur les mobiles diplomatiques du ministre algérien lorsqu'il met ainsi les pieds dans le plat. Mais, notons que l'année dernière un des best-sellers chez nos voisins de l'ouest est un roman intitulé La Noirceur du blanchiment. Son auteur Khalil Aziz, né à Casablanca, sait sur quoi il bâtit sa fiction : il est ingénieur financier et directeur de société. Le livre est présenté ainsi par l'éditeur : "Cette fiction est inspirée de la réalité dramatique du blanchiment d'argent au Maroc et de l’afflux de l’argent sale surtout en provenance de l’Europe. Par cet ouvrage, l’écrivain veut dénoncer le mal qui ronge le pays sur les plans économique, social et politique".

En avril 2004, le très sérieux site marocain l'Economiste titrait : "Blanchiment de l’argent sale. Le Maroc, une «énorme machine à laver». EXTRAIT :

"Les banques ont leur part de responsabilité dans le recyclage de l’argent sale. Elles ouvrent volontiers des comptes à terme ou vendent des bons de caisse qu’elles gardent en nantissement pour garantir les crédits de trésorerie des sociétés. Dans ce système, la banque est, en définitive, gagnante sur tous les plans. Elle bloque l’argent en versant des intérêts créditeurs minimes et facture des frais financiers sur le débit du compte de la société. Le circuit bancaire n’est pas le seul moyen de blanchir l’argent sale. La Bourse a également ses adeptes. Les succès surprenants des offres publiques de vente auprès des petits épargnants laissent perplexe plus d’un analyste financier. «Mais enfin, d’où proviennent ses gisements de liquidité?» L’offre la plus importante jamais proposée aux particuliers (plus de 26 millions d’actions Maroc Telecom) a été sursouscrite plus de 5 fois...Les réseaux de financement parallèles ont aussi leur part du gâteau. «Il suffit de se rendre devant les tribunaux pour constater le nombre de personnes spécialisées dans l’achat de créances, de chèques notamment, moyennant un taux d’usure de 25%». Reste que l’investissement immobilier constitue le «débouché» classique de prédilection. Le blanchisseur opte volontiers pour le haut-standing afin d’accélérer son ascension sociale et liquider le maximum d’argent disponible. L’agriculture constitue également une activité favorable pour le recyclage de l’argent sale. Et pour cause, le secteur est défiscalisé... Tous les secteurs défiscalisés sont d’excellents endroits de production et de recyclage d’argent pas bien propre. Hormis les secteurs défiscalisés, il existe des zones défiscalisées, de fait ou de droit. Le Sahara est une zone d’exemption fiscale à partir de laquelle s’organisent des activités de blanchiment. Mêmes phénomènes de blanchiment sur la frontière algérienne et autour de Sebta et Mellilia (...)

Le blanchiment des capitaux

Par Mohammed Benmoussa, Economiste et chef d’entreprise

10 mai 2015

Le Maroc est coutumier des amnisties fiscales de tous genres. Il en use comme mode de gestion des finances publiques. Ceux qui n'ont pas la mémoire courte se souviennent sans doute que la prescription fiscale anticipée fût accordée à deux reprises durant la décennie 1980, contre le paiement de sommes assez modiques. La contribution libératoire fixée par l'amnistie de 1984 représentait pour le contribuable «repenti» le 1/4 du montant de l'impôt annuel sur les bénéfices professionnels, tandis que celle de 1990 s'élevait à 0,25% de la moyenne des chiffres d'affaires annuels de la période couverte par la prescription anticipée.

La décennie suivante fût également une période de grande mansuétude fiscale. D'abord une première mise à niveau comptable des bilans en 1996, contre l'abandon par l'administration fiscale de 60% des redressements exigibles.

Ensuite, une seconde mise à niveau des bilans et une amnistie fiscale instituées par la loi de Finances 1998/1999, officiellement pour corriger les incohérences de la précédente réévaluation légale des bilans, mais en réalité pour offrir aux opérateurs économiques un système encore plus favorable dans un contexte politique marqué par le gouvernement d'alternance dirigé par Abderrahmane El Youssoufi.

Pour justifier ce type de décision de politique fiscale, la même logorrhée est employée par les gouvernements en place, puis relayée par leurs préposés au sein de l'administration : favoriser la transparence, instaurer un climat de confiance, relancer l'activité économique, soutenir l'investissement privé, renforcer la structure financière des entreprises, etc.

En fait, il n'en est rien ! La réalité est souvent masquée par le prisme des apparences. Par delà les sens cachés et les intentions inavouées des mots et des actes politiques, deux raisons et seulement deux ont toujours dicté la décision d'accorder une amnistie fiscale : d'une part, renflouer les caisses de l'Etat en situation de tension budgétaire et, d'autre part, répondre favorablement au lobbying du patronat dans le cadre d'une négociation bilatérale, une sorte de contrat synallagmatique implicite où chacune des deux parties accorde une faveur à l'autre, certains sans convaincre diraient «à l'insu de leur plein gré».

Échec de la morale politique

La dernière amnistie décidée par l'État marocain n'est pas fiscale, mais porte sur la réglementation des changes, un domaine tout aussi lucratif pour les finances publiques et sensible pour les agents économiques et les ménages en raison de sa dimension pénale. Elle a été adoptée dans le cadre de la loi de Finances 2014, après qu'elle fût proposée lors des travaux en commissions au sein de la Chambre des Conseillers. Ni la première version du projet de loi de Finances 2014 adoptée en Conseil de gouvernement, ni même la version approuvée en première lecture à la Chambre des Représentants, ne prévoyait cette amnistie. C'est dire la profondeur de réflexion politique qui a sous-tendu cette décision de finances publiques !

A croire les déclarations officielles et les campagnes publicitaires enflammées des banques, l'amnistie des changes a été un succès sans précédent. Ce sont pas moins de 27.9 MM DH d'actifs monétaires, financiers et immobiliers qui ont été déclarés générant 2.3 MM DH de recettes fiscales au titre de la contribution libératoire, au moment où les prévisions tablaient sur 5 MM DH de déclarations.

Force est de reconnaître que la réussite de l'opération d'amnistie est spectaculaire au niveau bancaire, mais l'échec politique et moral de la décision l'est tout autant. En effet, une loi d'amnistie, comme n'importe quelle loi régissant une fonction régalienne, peut servir les intérêts financiers de l'Etat mais desservir les principes de la morale politique lorsqu'elle absout la fraude. Ce fût justement le cas.

Black out total

Sous prétexte de garantir l'anonymat des déclarants, aucun bilan de l'opération d'amnistie n'a été publié par l'Office des changes. Aucune analyse n'est fournie concernant les statistiques des déclarations, la dispersion des volumes par décile, la répartition géographique à l'étranger et au Maroc, la nature et la structure des actifs, les sources de provenance des fonds, l'identité des banques émettrices et réceptrices et la répartition des volumes entre elles, les flux de transferts liquides effectivement rapatriés au 31 janvier 2015, l'échéancier prévisionnel des futurs rapatriements, les statistiques des déclarations de modification d'allocation d'actifs, etc.

Ces données d'intérêt général devraient être publiques, car elles sont de nature à faciliter la compréhension du phénomène de fuite des capitaux à l'étranger, bien entendu sans aucune intention de recherche de responsabilité auprès des déclarants. Elles permettraient de mieux cibler à l'avenir les investigations et d'améliorer radicalement l'efficacité des instruments de lutte contre la criminalité financière.

Sur toutes ces questions, c'est le black out total qui prévaut. Ni le grand public, ni les médias, ni les universitaires, n'y ont accès. Quant au chef d'orchestre de l'opération côté administration, il aurait décidé très rapidement de «faire valoir ses droits à la retraite», emportant avec lui une courbe d'expérience ô combien précieuse ! Il appartient donc aux représentants de la nation au sein des deux Chambres de s'emparer de ce sujet par les voies constitutionnelles, comme il est du ressort des magistrats de la Cour des comptes d'évaluer la diligence de l'Office des changes et de vérifier la conformité des opérations déclaratives par rapport à la réglementation en vigueur.

Effet d'aubaine

L'amnistie des changes de 2014 se caractérise par plusieurs failles. Les bases de calcul de la contribution libératoire sont contestables, car elles reposent sur les valeurs d'acquisition des actifs et non pas sur les valeurs réévaluées au moment de la déclaration. Elles traitent indifféremment les actifs acquis en fonds propres et ceux financés par emprunt bancaire, favorisant les déclarants qui se trouvent dans le premier cas de figure et surestimant abusivement l'enrichissement patrimonial de ceux qui sont dans le second cas. Le barème de la contribution libératoire est identique quelle que soit la taille du patrimoine déclaré, n'entraînant aucun effet de seuil et ne créant aucune incidence de progressivité de l'impôt. Les contrevenants récidivistes à la réglementation des changes ou au droit fiscal, ne sont pas exclus du champ d'application de la loi d'amnistie.

Enfin, et c'est le manquement le plus grave, les professionnels de l'évasion de capitaux, les trafiquants en tous genres, les hauts fonctionnaires corrompus, les grosses fortunes bâties frauduleusement, tous ceux qui transfèrent illégalement à l'étranger des sommes colossales à une échelle industrielle, sont placés à la même enseigne que les petits épargnants.

En souscrivant à la contribution libératoire, le grand banditisme financier aura fait d'une pierre trois coups : primo, une mise en conformité avec la réglementation des changes au titre des pratiques de fuite des capitaux, secundo, des opérations de blanchiment de capitaux grâce à une réintroduction dans les circuits bancaires officiels, et tertio, une amnistie fiscale gratuite par le paiement spontané des droits exigibles sans l'application de la moindre pénalité de minoration d'assiette ou de recouvrement hors délai. Analysons de prés l'aspect blanchiment de l'argent, qui est un défi majeur à l'économie marocaine comme au reste du monde. Les opérations de blanchiment de l'argent sale reposent sur des méthodes de plus en plus difficiles à déjouer. Les fraudeurs rencontrent deux problèmes essentiels. D'abord, comment stocker et transporter d'énormes masses d'argent liquide sans éveiller les soupçons ? Ensuite, que faire pour que ce pactole ne reste pas improductif ?

D'où la nécessité de "blanchir" l'argent sale, ce qui revient à lui faire changer de nature (transformer un argent liquide encombrant en monnaie scripturale), lui donner une origine apparemment respectable (en dissimuler la source délictueuse ou criminelle et éventuellement le vrai propriétaire) et en disposer de façon profitable (le transformer en investissements immobiliers, financiers, industriels ou commerciaux générant des profits et plus-values).

Techniques artisanales et complexes

Les techniques de blanchiment des capitaux sont très nombreuses. Elles peuvent être plus ou moins artisanales. Elles peuvent augmenter en complexité jusqu'à des niveaux de sophistication extrêmement élevés, où les paradis fiscaux constituent le pivot du système de blanchiment. Parmi les plus simples, figure la méthode du «smurfing», qui consiste à fractionner de grosses sommes d'argent en plusieurs montants plus modestes, plus faciles à déposer sur des comptes bancaires.

Cette technique permet de contourner la réglementation bancaire d'identification liée à certains seuils de montants d'espèces déposées, et d'éviter un signalement à l' l’Unité de Traitement du Renseignement Financier. Le développement au Maroc des sociétés de transfert de cash affiliées aux réseaux Western Union ou Money Gram, se nourrit de ce besoin de discrétion des clients.

Les blanchisseurs de capitaux créent souvent des «front companies», qui utilisent beaucoup d'argent liquide en raison de la nature de leur activité. Ce sont des restaurants, cafés, pizzérias, boulangeries, blanchisseries, salons de coiffure, bijouteries, hôtels, commerces de détail ou sociétés d'import-export, où l'imposition au régime forfaitaire, le gonflement artificiel des factures ou l'usage de factures fictives, permettent de brouiller la traçabilité des flux d'activité et d'opacifier les fonds d'origine illégale.

La déclaration de faux gains aux jeux est une autre technique de blanchiment des capitaux. Elle suggère de porter une attention toute particulière à l'essor de l'activité des casinos, dont on ne cesse de dénombrer à Marrakech ou à Tanger une clientèle de plus en plus nombreuse et de plus en plus active sur les tables de poker, blackjack, roulettes, craps...La méthode consiste pour le blanchisseur à acheter en argent liquide des plaques de jeux au casino, puis de les échanger quelques heures après contre un chèque du casino qu'il déposera dans un compte bancaire.

L'argent sale est transformé comme par enchantement en gain au jeu. Certains casinos offrent à leurs clients VIP des services financiers particuliers, leur permettant d'ouvrir un compte, de disposer d'une carte de crédit ou de transférer leurs gains par simple virement dans un autre casino de la même chaîne. Les fraudeurs achètent aussi des biens de consommation de luxe, grandes berlines, voitures de sport, joaillerie, tableaux de maîtres, œuvres d'art, lingots d'or..., qu'ils réservent à leur propre consommation ou qu'ils revendent aux commerçants spécialisés à prix décotés, ces derniers étant soit complices de leur méfait ou simplement cupides et à l'affût d'une bonne affaire.

Certains produits d'assurance comme les contrats d'assurance vie peuvent être souscrits en espèces. La technique de blanchiment consiste à dénoncer le contrat peu de temps après sa souscription, pour obtenir un remboursement par chèque émis par la compagnie d'assurance, qui sera ensuite déposé dans un compte bancaire. Autre méthode classique de blanchiment : envoyer des sommes d'argent dans des valises, de préférence en grosses coupures pour faciliter le transport, vers des pays étrangers accueillants pour les évadés fiscaux et autres délinquants en col blanc.

Les techniques les plus complexes de blanchiment reposent sur un enchevêtrement de transactions successives et de sociétés écrans, le plus souvent domiciliées dans des paradis fiscaux, pour rendre impossible la remontée jusqu'à la source des fonds ou la reconstruction de la filière des transactions jusqu'à leur origine délictuelle ou criminelle. Les blanchisseurs ont souvent recours aux marchés financiers, pour transformer des versements d'espèces en instruments de paiement et placements en valeurs mobilières. Les méthodes employées sont très variables : les prêts adossés ou autofinancés, les cessions conventionnelles de prêts, le rachat de sociétés par LBO via des holdings off-shores, la réalisation d'opérations «straddle» (achats simultanés de puts et de calls) sur les marchés optionnels et à terme, les opérations d'aller-retour sur les marchés financiers...La dernière étude de Global Financial Integrity (GFI) portant sur la période 2003-2012, place le Maroc à la 59ème position sur une liste de 145 pays en matière de fuite de capitaux illicites à l'étranger : corruption, contrebande, évasion fiscale internationale...

Le Maroc perd chaque année une moyenne de 1 MM $ de flux financiers qui s'exportent frauduleusement. Sur la période étudiée par GFI, le volume cumulé des capitaux évadés atteint les 10 MM $. Les citoyens marocains ont avalé une énorme couleuvre en acceptant une loi amorale, pour que l'Etat puisse recouvrer 3 MM $ d'actifs. A quoi seront-ils prêts pour lui permettre de récupérer les 7 MM $ qui manquent à l'appel ?

Source : Les Eco-ma

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article