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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Question amazighe. Des marches et des promesses. Par Mouloud Lounaouci

Mouloud Lounaouci est membre du Mouvement culturel berbère (MCB). Photo DR

Tizi Ouzou, le 11 décembre 2017

Peu importe les raisons qui font marcher les étudiants, elles sont toujours légitimes quand elles sont fondées. Dans tous les cas, elles rappellent que la question amazighe reste lancinante et que les solutions, les vraies, doivent arriver au plus tôt si on se soucie de la sauvegarde de la paix dans un pays qui a trop souffert. La balle est dans le camp des autorités politiques.

Une Constitution a été votée, avec ses lourdes insuffisances, depuis bientôt deux années. Mais trop de manœuvres dilatoires ont fait qu’à ce jour, point de loi organique et point d’académie. Bref, point d’avancées significatives.

Les promesses n’ont jamais cessé et continuent d’être faites, mais, trop souvent, les paroles ont été mensongères, et il est aujourd’hui difficile de les croire. Alors, forcément, chacun donne libre cours à ses manœuvres, y compris manipulatoires.

La loi de finances devait être votée quand, au niveau de la commission des finances, fut introduit, par le PT (qui, pour être honnête, a toujours soutenu la question amazighe), un amendement concernant l’enseignement graduel de la langue amazighe. Manipulation politique ? Probablement. Mais quoi de plus normal pour un parti politique qui saisit une opportunité ? Ce qui est curieux, c’est qu’il soit rejoint par le MSP et El-Assala, connus pour être aux antipodes des revendications du MCB. D’autres relais d’opinion ont probablement été mis en branle. Et alors ! Il faut-être naïf pour croire au paradis des politico-religieux. Dans ces cas-là, le mieux est de savoir se taire en attendant les grands dossiers. Ce qu’ont su faire deux partis attachés à l’amazighité, le FFS et le RCD.

Les questions de fond sont ailleurs. Tout citoyen doit pouvoir s’appuyer sur un système de valeurs qui ne lui est pas imposé. La liberté n’est pas synonyme d’assimilation et n’implique pas le renoncement à son identité réelle, à la dévalorisation de sa culture et de sa langue.
L’algérianité n’aura de sens que lorsque l’intégration culturelle accompagnera l’intégration politique. La citoyenneté est à ce prix. Autrement dit, il s’agit tout simplement de construire un État de droit qui œuvre pour une société de droit. Une société où les citoyens sont égaux en droits et en devoirs. Une société où les droits de l’Homme ne sont pas un slogan, et les droits linguistiques, culturels et identitaires en sont partie intégrantes. Enfin, une société où la diversité n’est pas synonyme de tare sociale.

Les Imazighen (tous les Nord-Africains, en fait) sont des “existants historiques” et doivent être reconnus comme tels. Et cela appelle des solutions politiques qui doivent forcément aboutir à une réforme de l’État. Des cadres institutionnels doivent être mis en place pour permettre aux citoyens qui revendiquent leur amazighité de devenir les sujets de leur propre histoire. Permettre à chacun d’être soi.

Pour qu’une langue et une culture vivent, elles doivent être l’objet d’un investissement symbolique important. Voilà pourquoi les marches, quand elles sont non violentes et correctement organisées, peuvent simplement être assimilées à des rappels de vaccination pour que perdure l’immunité sociale.

Ces marches rappellent aux pouvoirs publics leurs engagements non tenus.
Il y a bientôt deux années, une énième Constitution a été votée. Beaucoup d’espoirs vite déçus. De “partie intégrante du monde arabe”, l’Algérie est devenue “terre arabe”. Avec beaucoup de mansuétude, la langue amazighe est devenue petitement officielle puisqu’elle n’est pas langue d’État et l’amazighité ne fait pas partie des constantes irréversibles.

Malgré tout, l’opinion publique a considéré qu’il y a eu quelques petites avancées. Mais l’académie, maintes fois promise, tarde à venir. On parle d’une commission chargée de la réflexion. Composée de qui et sur quelle base ? Qui composera la commission chargée de la rédaction de la loi organique ? Des questions qui doivent trouver des réponses dans la transparence la plus totale.

Et puis, franchement, si la volonté politique y était, en attendant que soit réglés ces deux problèmes fondamentaux (qui ne sauraient dépasser 2018 si l’on s’en tient aux discours), les autorités auraient pu prendre en charge la publication d’un quotidien en langue amazighe (comme pour l’actuelle presse publique), Yennayer aurait pu être déclaré journée officielle, chômée et payée pour l’ensemble des Algériens qui se réappropriaient, ainsi, une partie de leurs traditions ancestrales, des campagnes d’amazighisation auraient pu être organisées dans les régions arabophones, des opérations d’amazighisation de l’environnement auraient pu voir le jour. Des classes d’enseignement de langue amazighe pouvaient être multipliées, et absorber ainsi le chômage des centaines d’enseignants sans ressources. Et la liste est loin d’être exhaustive.

La réalité est que l’idéologie arabo-islamiste continue de sévir dans et hors système. La finalité étant d’interrompre la transmission intergénérationnelle de la langue et de la culture amazighes. D’aliéner l’ensemble des Algériens pour en faire “des militants actifs de leur propre aliénation”, pour reprendre M. Lacheraf.  

Ce projet néfaste ne verra pas le jour, le témoin a été transmis. Il suffit juste que la jeunesse ne quitte pas la voie et évite l’écueil des basses manœuvres.
 

Source : Liberté

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