"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
15 Septembre 2018
A In Salah, les deux walis de Tamanrasset et In Salah ont rencontré conjointement de jeunes manifestants chômeurs. Ces derniers maintiennent leur exigence prioritaire d'embauche dans les sociétés pétrolières implantées "sur nos sols" disent-ils, dans l'Ahnet et notamment In-Salah.
A Ouargla, où les revendications de santé publique sont devenus ultra sensibles, la mobilisation s'annonce exceptionnelle aujourd'hui rapporte la correspondante d'El Watan qui note chez les autorités "la multiplication des sorties médiatiques à propos des projets en cours, (et) une reconnaissance publique des insuffisances". Avec les promesses habituelles de logements à la clé. Houria Alioua relève le travail de réflexion parmi les activistes avec l'apparition du mot d'ordre «Tanmiya chamila», littéralement «Le tout-développement».
Nouvelle manifestation aujourd’hui pour réclamer le «développement global»
Vive tension à Ouargla
Par Houria Alioua, 14 septembre 2018
Elle ne se réclame pas d’une «Milyounia»*, mais c’est tout comme. Après la riposte aux propos du ministre de la Santé sur le décès du Dr Aouisset Aïcha, jugés insultants, c’est l’appel et les préparatifs à une nouvelle manifestation, encore plus grande que celle organisée dernièrement, mieux structurée et avec des slogans impactants qui ont marqué la semaine.
Encore une fois, les réseaux sociaux s’imposent comme plateforme alternative au débat, parfois très virulent, aux échanges musclés et aux propositions de solution. Des appels à la sagesse ont fusé par-ci, par-là avec la montée en cadence des revendications qui ne concernent plus (seulement) le dégel immédiat du projet du CHU de Ouargla et la mise à niveau de l’EPH de Ouargla, considéré comme tel depuis que le gouvernement a mis dans le tiroir la maquette du grand CHU, un centre spécialisé dans l’envenimation scorpionique, un observatoire régional du scorpion et une annexe locale de l’Institut Pasteur, des doléances vieilles de plusieurs décennies et qui redeviennent d’actualité. Les manifestants veulent visiblement la tête du directeur de la santé (DSP) et celle du wali qu’ils accusent «de ne pas être à la hauteur des événements».
Un discours encore une fois mal pris par une frange d’intellectuels et de sages qui veulent apaiser les esprits enflammés des jeunes décidés, eux, à en découdre en mettant dans le même sac tous les problèmes et maux de Ouargla : l’emploi, la santé, l’éducation, l’aménagement urbain, le réseau d’assainissement et l’eau potable.
Abdelbaki Melouah, activiste de la société civile, a appelé à un slogan principal : «Tanmiya chamila», littéralement «Le tout-développement». Ibek Abdelmalek, leader de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC), a exhorté les organisateurs à bien choisir leurs mots : «Aux hommes libres de Ouargla d’opter pour des slogans forts et sans équivoque sur des banderoles suffisamment visibles pour que personne ne soit tenté de s’approprier ou revendiquer ce mouvement.» Des activistes de Touggourt, Taibet, El Hadjira, Hassi Messaoud, Illizi et In Salah ont manifesté leur volonté de participer à ce regroupement qui, selon certains d’entre eux, «ne concerne pas que Ouargla mais toute la région». Une phrase qui est revenue dans beaucoup de commentaires et qui a poussé les organisateurs à offrir le gîte et le couvert à tous ceux qui rejoindront le mouvement aujourd’hui.
Appels à la sagesse
Les appels à la sagesse ont pour la plupart émané de médecins, universitaires et personnalités reconnues de la place, dont les messages appellent à maîtriser l’encadrement du mouvement de protestation plutôt que de l’annuler. Pour Habib Mechri, enseignant de sciences politiques à l’université de Ouargla, imam et ancien élu de l’APW : «L’engouement pour ce mouvement pacifique qui a unifié les enfants de Ouargla doit démontrer au gouvernement la légitimité et la perspicacité des revendications.» Devant la fougue juvénile qui se découvre une cause mobilisatrice, les appels au calme et à la sérénité ne semblent pas trop plaire à certains organisateurs.
«La balle qui est partie et notre contestation prendra désormais le chemin de la rue et rien ne l’arrêtera», commentera Riad Souici, un des organisateurs du mouvement de boycott des soirées musicales du 26 juillet dernier. Le Dr Bechouni Kilani, pédiatre au CHU de Sétif et originaire de Ouargla, a lancé, via son compte Facebook, un cri du cœur appelant à ne pas «permettre à la colère, qui ronge la population depuis des décennies, d’aveugler les esprits et céder à la violence, car la légitimité des revendications connues de tous et en premier lieu des autorités et du gouvernement doit être la locomotive d’un mouvement citoyen conscient des enjeux de l’occupation de la rue».
Du côté des autorités locales, sur le qui-vive depuis la rentrée, un renforcement sécuritaire est bien visible et des essais pour cerner le mouvement ont bien été tentés, tant par le biais des notables que par la multiplication des sorties médiatiques à propos des projets en cours, que par une reconnaissance publique des insuffisances surtout en matière de programmes de logements. Mais c’est l’Assemblée populaire de la wilaya de Ouargla qui a pris son courage à deux mains en organisant, jeudi, une rencontre reprenant une à une les questions de l’heure et les préoccupations de la rue.
Prenant un ton solennel imposé par l’urgence et le risque d’embrasement, le communiqué rendu public le même jour a mis en exergue les efforts de cette instance élue pour convaincre le gouvernement du dégel immédiat du projet du CHU, la dynamisation de la restructuration de l’hôpital Boudiaf et les dernières tranches de l’équipement du nouvel hôpital 240 lits de Touggourt, sans omettre le dégel des hôpitaux de 60 lits chacun de Meggarine et Rouissat.
L’APW a également sollicité l’affectation d’un nombre suffisant de spécialistes à toutes les structures sanitaires de la wilaya ainsi que la mise à leur disposition de logements d’astreinte de standing. Des élus de l’APW auraient rencontré les membres de la commission d’enquête sur le décès de feu Aïcha Aouisset, dépêchée la semaine dernière par le ministère afin de lui remettre une liste de doléances identiques à celle de la rue, dans le souci de calmer les esprits et faire annuler ce mouvement qui ne cesse de grandir. Les organisateurs ont vite fait de répondre à ces tentatives qu’ils ont qualifiées de «diversion».
Source : El Watan
*«Milyounia» Mot d'ordre pour des marches massives le 14 mars 2013 rassemblant un million de participants.
POST-SCRIPTUM
Les chômeurs en colère à In Salah
Par Houria Alioua, 15 septembre 2018
600 postes dans des entreprises privées, alors que les jeunes manifestants de la semaine dernière réclamaient un plan de recrutement dans les différentes sociétés pétrolières opérant dans l’Ahnet et notamment In Salah Gaz (Tamanrasset).
Deux walis ont supervisé la réunion, voulant tempérer le mouvement de protestation des chômeurs d’In Salah, refusant d’être «exclus de l’embauche qui se déroule sur nos sols». Il s’agit de celui d’In Salah, qui a convoqué toutes les instances concernées par l’emploi dans la wilaya déléguée, mais aussi celui de Tamanrasset venu à la rescousse. Le débat a été franc et direct avec les manifestants, mais le mécontentement n’a pas pour autant baissé. Les jeunes d’In Salah réclament des postes à Sonatrach, un mouvement de contestation prend forme.
Source : El Watan