"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
24 Juin 2019
"Le pouvoir, qui prétend s’accrocher à une légalité qu’il n’a jamais lui-même mise en œuvre, veut absolument appliquer la Constitution, de force, alors qu’au moins formellement, tout s’arrête le 4 Juillet, et que surtout le peuple, lui, n’en veut pas. C’est une impasse, très difficile à surmonter et qui bloque les convergences attendues par le peuple avec son armée.
L’obstacle le plus important est le sens donné à «Etnaahou Gaa », qui revient comme un leitmotiv populaire inépuisable.
Les dirigeants interprètent cela comme étant une liste de personnalités à enlever et ils en sont aujourd’hui à proposer des têtes, sans les garanties de clarté et d’adoption par tous d’un schéma qui ne soit pas juste la tentative d’éliminer un clan. Et cela pour essayer, dans une course contre la montre, d’avoir un minimum de légitimité et d’acceptation par la population. Une population qui prend note et continue à dire « Etnaahou Gaa ». Y-a-t-il incompréhension, parce que la population à besoins de mots d’ordre simples ?
Sous ce mot d’ordre, se cache une réalité fondamentale, parce que le « Etnaahou Gaa » est toujours accompagné du « Djeich- Chaab, KhawaKhawa».
Un tel mot d’ordre est une reconnaissance de ce que l’armée a accompli, pour la préservation du pays quand dans notre partie du Monde, les États s’effondraient.
Ceci étant, que la hiérarchie militaire puisse penser que, par ou au-delà du règlement de comptes, on peut allonger la durée de vie du système antérieur, parce que celui là a permis d’assurer certains équilibres internationaux et certains équilibres nationaux, démontre à tout le moins que les acteurs d’aujourd’hui n’ont pas compris que l’International, tel qu’il existe dans le contexte actuel, n’est même plus capable d’assurer sa survie et que, de toute façon, le peuple algérien est déjà passé à autre chose…
Le « Djeich- Chaab, Khawa-Khawa », est un mot d’ordre en marche, qui dit à l’armée : nous, peuple, avons avancé et nous voulons que l’Armée avance, à la même vitesse que nous, nous voulons que le «Djeich » avance, dans la même direction que nous.
Parce que nous voulons construire un pays ensemble et savons que, par une armée puissante, la population peut travailler en paix, et grâce à une population puissante, cultivée et majeure, une armée tient. Ce n’est pas par l’appui de l’étranger qu’une armée est légitime et assurée de sa stabilité.
Ce que recouvre la fraternité de la population, c’est l’attente de messages qui lui fassent sentir que l’armée se situe dans cette nouvelle phase de développement de l’Algérie, sur la base d’une logique républicaine de mise en œuvre de la loi, de respect de la population civile mais aussi des élites qu’elle se choisit démocratiquement. Et le « Etnaahou Gaa », c’est la volonté d’en finir, de passer à un système qui ne repose plus sur l’armée, qu’il est temps que l’armée se repose sur des institutions légitimes, qui garantissent sa mission historique en tant qu’héritière de l’ALN. Grâce à des instituions civiles sur lesquelles elle peut s’appuyer, plutôt que derrière des institutions paravents qu’elle serait obligée de maintenir de manière artificielle, ou d’en subir les dérives et perversions.
Ce que veut la population, c’est un mode de fonctionnement où l’armée garde tout son sens, qu’elle soit encore, pour la prochaine période, dans le cœur du système autour duquel sera reconstruit le pays, dont la population a conscience de l’état de détérioration des institutions civiles.
Elle a besoin de sauvegarder, d’approfondir la puissance exemplaire, la puissance évocatrice qu’est pour elle une armée moderne, dans un contexte de troubles internationaux qui ne peuvent que s’accentuer.
Extrait de la contribution approfondie de l'ancien gouverneur de la Banque centrale d'Algérie intitulée: Le Hirak pour surmonter l’impasse