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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

« A qui nous plaindre ? A qui nous en prendre ?». Par Ghania Mouffok

11 juillet 2019

Le mouvement du 22 février a mis à nu – depuis sa puissante capacité de mobilisation au service d’une contestation radicale qui, du « non au cinquième mandat » est très vite passé à « Système dégage » – la totalité des appareils politiques en Algérie, pouvoir et opposition.

A l’échelle d’une vie, c’est assez vertigineux d’assister à un tel échec historique de toutes les générations qui ont prétendu incarner du politique après l’indépendance. 

Si cet échec est criant pour ceux qui nous gouvernent, il ne doit pas cacher qu’il n’épargne aucun des trois grands courants représentatifs des opinions en Algérie qui a grands traits se répartissent entre les islamistes, les nationalistes et les démocrates. C’est du moins ainsi qu’ils étaient apparus après les premières élections législatives ouvertes en Algérie, après un règne sans partage du parti unique le FLN, en 1992, et qui avaient permis de mesurer l’audience de chacun comme un sondage grandeur nature. 

Porté par le FIS aujourd’hui interdit, le courant islamiste fut couronné premier parti d’Algérie avec pas moins de 3 millions de voix, suivit de loin par les nationalistes, le FLN avec 1, 5 millions de voix et enfin le FFS avec 500 000 voix qui pouvait à l’époque prétendre incarner le courant démocratique même s’il n’a jamais vraiment réussi une implantation nationale, victime entre autres, de sa naissance en Kabylie dans les violences de 63. 

27 ans plus tard de cette carte politique il ne reste que des lambeaux. Des lambeaux qui témoignent de la férocité avec laquelle ceux qui ont pris la responsabilité d’annuler les élections de 92, ( coup d’état, viol de la constitution, lois d’exception, option militaire pour résoudre le conflit plutôt qu’option politique par la négociation avec toutes les forces en présence) sont parvenus à leur fin : interdire toutes organisations politiques qui pourraient mettre en danger le pouvoir absolu qui s’est installé en Algérie en 1962 par la force des chars et des armes dirigés par un certain colonel H. Boumediène. 

Mais ces lambeaux questionnent aussi les partis d’opposition qui portent aussi leur part de responsabilité : il suffit de les fréquenter, de les observer, de les questionner pour voir à quel point ils ont été incapables d’inventer, de produire une autre culture politique que celle du parti unique. 

Un parti unique redoutable en Algérie parce qu’il s’est nourri de deux univers écrasants toute individualité, toute singularité : le nationalisme, version FLN (né pour faire la guerre de libération nationale dans la crainte du traître) et le socialisme, version stalinienne, comme réponse à la domination capitaliste après l’indépendance. 

Tous les partis d’opposition ont ainsi emprunté à ce télescopage historique cette même structure fortement hiérarchisée entre le chef absolu et la base des militants conçue comme une organisation de masse à laquelle il est simplement demandé de faire foule et d’applaudir aux directives de l’appareil bureaucratique simple courroie de transmission entre le chef et la base. La moindre critique, le moindre débat est vécu comme une dissidence et c’est l’ensemble du corps qui va s’organiser pour exclure l’intrus comme un microbe menaçant. Au point de devenir des structures stériles orpheline à la mort du leader irremplaçable et dont le successeur ne le devient que par défaut. 

Cet interdit du débat, cette crainte incroyable que provoque la moindre dissidence, la moindre expression d’une liberté individuelle, la moindre critique est au cœur de la grave crise de représentation qui nous paralyse tous aujourd’hui, pouvoir et société. Le vide n’est pas constitutionnel, il est un défi historique. Un défi qui se complique quand l’institution des institutions l’armée se déclare territoire sanctifié.

« A qui nous plaindre ? A qui nous en prendre ? », chantaient avec mélancolie un 22 février les voix révolutionnaires de la Casa d’El Mouradia, ouvreuses de rue et d’imaginaires avant de nous abandonner à nos « avant-garde » et à nos impasses.

Source : Le Quotidien d'Algérie

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