"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
20 Novembre 2019
Par Alger Républicain 19 novembre 2019
La moudjahida de l’ombre s’en est allée discrètement dimanche à l’âge de 92 ans. Elle a été inhumée lundi 18 novembre, après la prière du dohr au cimetière d’El Kettar à Alger. La levée du corps a eu leu au domicile de son neveu, Mohamed Reggabi, dont le père fut affreusement torturé par les paras en 1957 avant d’être tué.
Z’hor Amrani est cette femme que ne connaissent pratiquement que les vieux patriotes pour la part qu’elle a prise dans la confection de l’emblème national en avril 1945, quelques jours avant la manifestation que le PPA préparait pour le 1er Mai.
C’est de ses propres mains de jeune couturière que surgit le premier modèle du drapeau sous lequel des millions d’Algériens engagèrent le combat pour mettre fin à 132 ans d’oppression coloniale et que des centaines de milliers de martyrs donnèrent leur vie pour la liberté et l’émancipation nationale. C’est ce drapeau que brandissent aujourd’hui des millions de jeunes pour se débarrasser des injustices sociales et d’un régime despotique.
Z’hor avait confectionné le drapeau sous les indications techniques minutieuses de Chawki Mostefaï, responsable au PPA, mouvement de libération agissant dans la clandestinité, et de son frère Saïd Amrani, son responsable organique national. En l’espace de quelques jours, elle en cousit des dizaines d’exemplaires qui seront répartis à travers les organisations de base du PPA.
Le drapeau brandi le 1er Mai 1945 pour la 1re fois dans l’histoire de l’éveil national n’est pas celui dont on attribue la conception et la confection à la femme de Messali. Sans diminuer son mérite, cette dernière avait créé un emblème qui symbolisait beaucoup plus le fanion d’une organisation, l’Etoile Nord-Africaine, que le drapeau d’une nation qui allait s’affirmer dans le feu du combat libérateur.
Un film documentaire a retracé avec minutie cette histoire passionnante du drapeau national.
Hommage et respect à la mémoire de Z’hor Amrani, une grande dame qui a vécu humblement sans chercher à se faire valoir.
Source : Alger Républicain
Comment le drapeau fut brandi la première fois.
Etait présent Boualem Khalfa, alors militant du PPA, futur membre de la direction du Parti communiste algérien (PCA). Il raconte le défilé historique du 1er mai 1945.
« Dans l’après-midi du 1er mai, il participe avec ses amis du PPA à la manifestation organisée à Alger. Sous la couverture des Amis du Manifeste, le PPA a appelé ses membres et sympathisants à défiler indépendamment de la CGT. Khalfa fait partie du cortège qui, de la Basse-Casbah, doit en fin de parcours rejoindre la Grande-Poste celui de la CGT. Les consignes données sont très strictes : pas d’armes, « pas même une épingle » ont formellement recommandé les dirigeants pour éviter toute provocation. Les mots d’ordre lancés sont précis et peu nombreux. L’un d’eux proclame « Liberté pour tous » et un autre, qui revient très souvent, demande la libération des détenus politiques et notamment celle de Messali Hadj.
Au cours de la manifestation tout à coup, de façon plus ou moins spontanée, un cri libérateur, scandé bientôt par la foule tout entière : « Yahia el Istiqlal ! » (Vive l’Indépendance) et, soudain au-dessus des têtes, le drapeau algérien interdit est brandi.
Dans la rue d’Isly (Larbi Ben M’Hidi), à la hauteur du Casino, tout près du siège de la XXème Région militaire, les forces de l’ordre barrent la route au cortège. Et, brusquement, sans semonces, les policiers ouvrent le feu. Les pavés se tachent de sang. Un des responsables de la daira (district) du PPA, Mohamed Belhaffaf, est tué par l’une des premières rafales. Trois militants, Abdelkader Ziar, Mohamed Laïmèche, et Ahmed Boughmalah sont eux aussi mortellement touchés. Sept autres, emportés par des amis, ne survivront pas à leurs blessures. Des dizaines d’hommes ensanglantés, soutenus par des manifestants valides, tentent de trouver refuge dans les couloirs et sous les portes cochères des immeubles avoisinants".
Source : L'Humanité