"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
7 Novembre 2019
Les magistrats ont repris le travail sans avoir reçu de réponse immédiate à la revendication d'"indépendance de la justice" qui a été largement soutenue par le mouvement citoyen. Déception et explications des éditorialistes.
Douche froide
Au sein de l’opinion, ce revirement a été immédiatement perçu comme le reniement d’un serment. Il fait l’effet d’une douche froide. Et nous rappelle alors une amère réalité : l’institution judiciaire ne peut se détacher et encore moins s’affranchir, du système politique qui, parce qu’il l’a enfantée et formatée par besoin, s’efforcera toujours de la maintenir dans son giron s’il veut rester en vie. Le fonctionnement de l’appareil judiciaire, son action quotidienne, ses poussées de fièvre syndicale, ses indisciplines occasionnelles et même ses révoltes sporadiques sont déterminés, pour toujours et à jamais, par le code non écrit du fonctionnement bien rodé du système. Saïd Chekri. LIberté
Etrangers au Hirak
Les « concessions » que le syndicat des magistrats a obtenues de Zeghmati sont, de par leur nature, étrangères au combat engagé contre le système et le pouvoir par le Hirak populaire et dénotent que ce n'est que par tactique que ce syndicat et ses adhérents ont fait mine d'en soutenir les revendications. Ayant obtenu satisfaction au plan étroitement matériel, les magistrats reprendront le cours d'une justice que le peuple dénonce et rejette dans le fond. Kharroubi Habib. Le Quotidien d'Oran
"Et voilà la grève réussie!"
Après les premières velléités de rejoindre le mouvement populaire et ses aspirations à un profond changement, les juges sont vite rentrés dans les rangs après avoir constaté leur erreur d’appréciation quant à la volonté politique au sommet de l’Etat de… changer. Ils sont rentrés dans les rangs et de quelle manière ! En… inventant, entre autres, des délits et des chefs d’inculpation pour envoyer des centaines de jeunes et de moins jeunes en prison ! Mais le mouvement populaire est tellement généreux, tellement soucieux de renforcer ses rangs et d’aller à l’essentiel qu’il a été tenté d’oublier ses désillusions pourtant encore fraîches et douloureuses. Il n’a, pour autant, rien oublié et voilà que ses appréhensions se confirment. Une augmentation de salaire avec une année de rétroactivité, des « recours » pour les mutations et une… commission pour l’indépendance de la justice et voilà la grève… réussie ! Slimane Laouari. Le Soir d'Algérie
Premier pas?
La protestation des juges a laissé poindre un moment l’espoir de voir ceux-ci se rebeller contre la «justice de la nuit», celle de l’obéissance aux injonctions «venues d’en haut» et de l’arbitraire des lettres de cachet où l’on emprisonne sans autre forme de procès.(...). Espoir de courte durée, malheureusement. D’ailleurs, comment pouvait-il en être autrement à partir du moment où l’on avait affaire à un mouvement corporatiste autour de revendications socioprofessionnelles, même si ses principaux animateurs ont cru bon, pour gagner la compréhension des justiciables et de l’opinion publique, de marquer un attachement au hirak en mettant en avant l’indépendance de la justice, comme un vœu pieux !(...) Mais au-delà de ce vœu pieux d’indépendance, il n’en demeure pas moins que beaucoup d’Algériens, notamment au sein des familles des détenus d’opinion, espèrent, attendent et demandent juste que les juges statuent et délibèrent en leur âme et conscience dans le respect de la loi, loin de toute sujétion. C’est là, sans doute, le premier pas vers l’indépendance. Indépendance à l’égard d’un pouvoir autoritaire, aujourd’hui décrié par des millions d’Algériens. Un difficile premier pas sur le long chemin de l’émancipation. Reda Bekkat. El Watan
Cet épisode fera date
Dans les méandres d’une crise politique complexe, les juges jouent un rôle multiple qui en dit long sur ce corps pas comme les autres au cœur du fondement du système judiciaire. L’incursion des péripéties du syndicat des magistrats, au travers d’une grève inédite, dans la crise politique qui tiraille le pays depuis bientôt une année, marque une évolution pleine d’enseignements. Malgré l’issue inopinée, décevante pour les contestataires du Hirak, cet épisode de la crise fera date. Jamais depuis l’indépendance un tel fait n’aura été imaginable, sans une arrivée vers l’ultime. Il semble, plus que jamais, que le temps de la rénovation est arrivé. L’intervention ahurissante des gendarmes à l’intérieur de la Cour de justice d’Oran pour déloger des juges en grève aura été une image éclatante dans cette situation de déliquescence accomplie. Rabah Serradj. Reporters