"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
4 Avril 2020
Avec environ 6 000 cas le continent africain reste pour l’instant relativement épargné. Mais selon les experts du Quai d’Orsay, la pandémie en Afrique va entraîner l’effondrement de plusieurs Etats du continent. Dans ce scénario catastrophe, ces experts recommandent à la France de s’appuyer sur quatre nouveaux acteurs « crédibles » : autorités religieuses, diasporas, artistes populaires et businessmen néo-libéraux .
C’est ce qui ressort de la note diplomatique du Centre d'analyse, de prévision et de stratégie (CAPS),intitulée « L'effet pangolin : la tempête qui vient en Afrique ? », obtenue par l’Agence africaine Ecofin. Le ministère français des Affaires étrangères prédit un effet quasi-apocalyptique du COVID-19 qui devrait révéler « l’incapacité » des Etats africains à protéger leurs populations. Les Etats les plus exposés à une déstabilisation seraient ceux du Sahel et de l’Afrique centrale.
Le Centre d’analyse du Quai d’Orsay propose que la France se tourne vers de nouveaux interlocuteurs avec qui coordonner les « efforts de gestion de la crise en Afrique ». Quatre catégories d’acteurs ont à cet effet été identifiées. Il s’agit des autorités religieuses, dont certaines « pourraient vouloir défier l’ordre public pour imposer le leur dans ce moment de faiblesse de l’Etat » ; les diasporas, qui ont « un devoir d’information civique » ; des artistes populaires qui sont « des autorités morales crédibles et façonnent les opinions publiques » ; et enfin les « entrepreneurs économiques et les businessmen néo-libéraux ».
« Anticiper le discrédit des autorités politiques signifie accompagner en urgence l’émergence d’autres formes d’autorités africaines crédibles » indiquent les experts du CAPS, visiblement convaincus que la nouvelle pandémie entraînera une véritable révolution politique dans les pays africains.
Moutiou Adjibi Nourou commente cette analyse sur le site économique Ecofin
« A la lecture de la note, il ressort que le scénario dressé par les experts du Quai d’Orsay ne laisse aucune place à l’optimisme quant à la capacité des Etats du Sahel et d’Afrique centrale à faire face à la crise. Pourtant, s’il est vrai que de nombreux pays africains sont considérés comme fragiles, sont-ils aussi démunis face à la nouvelle crise ?
Contrairement aux continents européen, américain ou asiatique qui enregistrent des centaines de milliers de cas et de décès, l’Afrique est encore très peu affectée par la pandémie. En plus d’avoir très tôt pris des mesures de restriction pour freiner la propagation du virus, la très forte population de jeunes que comptent les pays africains pourrait favoriser un taux de décès moins important que les autres continents.
Il faut également noter que, même si les données et contextes sont à chaque fois différents, ce n’est pas la première fois que les pays africains, précisément ceux du Sahel et d’Afrique centrale, font face à une épidémie de grande ampleur. Entre 2014 et 2016, les pays ouest-africains, avec l’aide de la communauté internationale, ont démontré une certaine résilience à l’épidémie d’Ebola qui a fait 11 310 morts dans la région. Plus récemment, malgré la crise sécuritaire en RDC, le pays a également réussi à maîtriser la maladie qui a fait au passage 2268 morts.
Au vu de ces éléments, l’espoir reste permis quant à une maîtrise de la pandémie du COVID-19 par les pays africains, soutenus par la communauté internationale. Même si la corruption et la mauvaise gouvernance ont souvent caractérisé de nombreux pays du continent, il convient de reconnaître que les nombreux efforts qui ont été réalisés jusque-là représentent des points positifs en ces temps de crise.
Une chose est sûre, les pays dits fragiles et défaillants, selon la note du Quai d’Orsay, ont déjà acquis beaucoup d’expérience en matière de gestion des crises, qu’elles soient politiques ou sanitaires. Considérer que ces expériences peuvent représenter un atout semble pour l’heure, nettement plus judicieux que de tabler sur un scénario aussi sombre que celui dressé par les experts du CAPS. »
Texte intégral : Agence Ecofin