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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

William Klein, le dernier Panafricain

Par Amine K, 13 septembre 2022

Le cinéaste, photographe et graphiste s’est éteint samedi 10 septembre à l’âge de 96 ans. Le film Festival Panafricain d’Alger 1969 occupe une place unique dans son œuvre. En ce jour caniculaire du 21 juillet 1969, des centaines de milliers d’Algérien.nes défilent dans les rues de leur capitale, Alger, plongés dans un tintamarre indescriptible où se mêlent chants divers, bruits de tambours, karkabous, corps en fusion, cris, bousculades joyeuses, processions et défilés, joutes traditionnelles et performances de tous genres, concerts improvisés et scènes de fantasia à soulever haut les poussières d’une ville qui, pendant dix jours, a oublié de dormir.

C’est assurément, pour l’Algérie, le second moment de jubilation sans mesure, après celui du 5 juillet 1962, date de proclamation de l’indépendance.

S’il est une œuvre dont le Festival Panafricain d’Alger en 1969 a accouché, et qui se perpétue par-delà les décennies, c’est bien le film de William Klein, dont l’évènement est éponyme. Une œuvre d’une valeur rare, exaltante. Un film qui épouse l’évènement, le sublime, le caresse, l’interroge au plus près des visages.

Bien plus que les témoignages écrits par divers acteurs (politiques, culturels et intellectuels) de l’époque, c’est bien cette œuvre qui magnifie le plus cet évènement majuscule dans l’histoire de l’utopie panafricaine. Klein n’a pas filmé le Panaf’ avec la distance de l’observateur qui interroge, il n’a pas non plus cherché l’image qui conforterait les scepticismes rabat-joie d’hier et d’aujourd’hui devant des peuples entiers en situation de « soulèvement ».

Le film est une œuvre appartenant davantage à l’évènement, faisant corps avec lui, et non une œuvre sur l’évènement. Il n’y a qu’à voir l’absolue générosité, l’équité du regard du cinéaste entre les visages anonymes de la foule algéroise, ses invités, et ceux des célébrités présentes: Miryam Makeba, Nina Simone, Archie Shepp, Aminata Fall, Amilcar Cabral, Osmane Sembène, Barry White, Manu Dibango, Oscar Peterson, Albert Memmi, Mrio Pinto de Andrad, René Depestre, et bien d’autres.

L’extraordinaire énergie, la beauté militante de tous les personnages saisis, les espaces urbains, les stades, les salles de spectacles, les estrades, les vues aériennes, tout s’enchevêtre et se rejoint dans un même élan de vie et d’espérance.

Affiche du Film © DR

Contrairement aux œuvres atteintes par le temps qui passe, le film du new-yorkais fils d'immigrés juifs hongrois, est porté par une jeunesse inaltérable. Il continue de rappeler par la force de ses images que si malheur il y a aujourd’hui en Afrique, du Nord au Sud, c’est que quelque chose s’est perdu sur la route, qu’une promesse a été rompue, un chemin a été contourné ou abandonné.

En 1970, un an après le Festival Panafricain, William Klein a réalisé Eldridge Kleaver, Black Panther, dont une partie se déroule pendant l’exil du militant afro-américain à Alger. Et c’est dans ce film qu’on voit poindre les questions posées au monde par l’élan panafricaniste, ainsi qu’aux mouvements d’émancipation à travers le monde…

En 2009, l’Algérie a bien tenté une seconde édition de son Panaf’. Cette édition, quarante ans après la première, n’a pas fait davantage que choyer des artistes et des producteurs à coup de cachets démesurés. Le film de William Klein a été restauré et numérisé pour l’occasion. Invité à le présenter dans la mythique salle de la Cinémathèque d’Alger, le réalisateur a remercié la dizaine de spectateurs venus assister à la projection. Et dire, ému : « Merci d’être venus si nombreux… il y avait une urgence, une nécessité de faire ce film. De par les gens présents en 1969, ce n’était pas un festival de pur spectacle, et je ne le dis pas pour critiquer la présente édition, mais à aucun moment de l’histoire l’Afrique n’a pu s’exprimer comme elle l’a fait à ce moment-là. Je pense que c’est un des films les plus importants que j’ai jamais fait ».

Source : blog Mediapart

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