"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
24 Février 2013
DR
L’annonce de la nationalisation des hydrocarbures a été faite par le président Houari Boumediene, au nom de ce qu’il appelait mystérieusement « la direction révolutionnaire ». On le sait, la décision avait été annoncée après un conclave réunissant les officiers supérieurs et des officiers subalternes de l’ANP. On connaît l’impact international considérable de cette décision, les énormes pressions et mesures de rétorsion occidentales et d’abord françaises. Le 19 août 1953, L'éviction de Mossadegh, le premier ministre iranien, consacre l'échec de la première tentative d'un pays du Tiers Monde d'acquérir la maîtrise de ses richesses naturelles. Il faudra attendre vingt ans avant qu'un autre pays ose nationaliser son pétrole. Ce sera l'Algérie...
Le choix du 24 février, qui marque l’anniversaire de la création de l’UGTA, renvoie à une permanence incontestable dans la ligne politique de Houari Boumediene consistant à s’appuyer sur le monde du travail. On sait que cette ligne a été radicalement abandonnée par son successeur. La politique d’appui sur le monde du travail qui fut une constante chez Boumediene, s’accompagnait du refus tout aussi constant du plein exercice de l’indépendance syndicale et politique de la classe ouvrière, accompagné du recours à la repression, à l’infiltration et à la manipulation contre le Pags. C’est dans cette contradiction que se noue la fragilité des acquis du Boumedienisme et la facilité avec laquelle l’infitah chadliste a pu réussir.
Dans un article de mars 1994, je notais : « Vers 1976-1977, Boumediene commençait à prendre la mesure des infléchissements en profondeur qui travaillaient le régime politique et la structure socioéconomique du pays. Il a commencé à réagir et à engager un certain changement de cap dans le sens de la démocratisation. Il affichait une volonté de rupture des liens organiques entre le compradorisme et l’Etat. Ce qu’il appelait la ligne rouge entre l’Etat et l’affairisme. Avec les limites et les confusions de l’époque ».
La nationalisation du pétrole était depuis l’indépendance une revendication constante de l’UGTA, notamment durant le mandat de Mouloud Oumeziane (1965-1968) jusqu’à la caporalisation de l’automne 1968, qui a dévitalisé la centrale syndicale, la mettant à la remorque de l’exécutif du FLN des Kaïd Ahmed-Messaadia, mais sans détruire tous les syndicats nationaux et unions locales.
Les conditions clandestines dans lesquelles s’est créée l’UGTA, au début de la lutte armée, ont facilité l’idée fausse d’un pacte de dépendance de l’UGTA à l’égard du FLN. Mohamed Bourouiba, un des fondateurs de l’Ugta, farouche partisan de l’indépendance du syndicat après l’indépendance, a constamment combattu cette sornette.
Le Pags a, naturellement, soutenu avec vigueur la nationalisation. Nous avons soutenu cette mesure-clé pour le développement national, en dépit du fait qu’à la même date le pouvoir engageait une vague de répression anti-communiste. Ce soutien actif à la nationalisation fait partie des ponts-aux-ânes anti-communistes utilisés par les imbéciles, qui expliquent que le Pags était à la remorque du pouvoir de Boumediene. C’est aussi au mois de février 1971 que je fus contraint d’opter pour la clandestinité afin d’éviter l’arrestation. Cela va durer douze ans...