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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Après la révolution, la presse tunisienne peine à se relever

 

Beaucoup de choses restent à changer dans la presse tunisienne. Aux journalistes de se prendre en main.

 

Par Amel Bejaoui*

 

Plusieurs mois après la révolution tunisienne, l’information n’est toujours pas à la hauteur des attentes du peuple et de ses ambitions. Les choses ne sont pas simples après plus de deux décennies de règne dictatorial, où les médias ont été exclusivement au service d’un système et de ses intérêts, politiques et économiques. Outre une mentalité attentiste acquise par la plupart d’entre eux, les journalistes ont besoin de formation pour retrouver réfl exes et techniques rédactionnelles. Le plus compliqué est peut-être de décoder le nouveau champ politique, avec plus de soixante partis et des dizaines d’associations, sans

compter la polémique entre islamistes et laïcs. Nouveaux concepts et nouvelle « philosophie », que découvrent la plupart des journalistes tunisiens. La couverture des affaires de justice dans leur complexité (surtout celles concernant l’ex-famille régnante et son entourage) constitue une des attentes les plus importantes que doivent satisfaire les journalistes. Mais ces derniers ont toujours du mal à faire de l’investigation.

 

Une dictature pas complètement “dégagée”

 

Les patrons de presse de l’ancien régime tiennent toujours les rênes, au moment même où leur parti, le RCD (le « parti État » de Ben Ali), tente de se réorganiser sous d’autres bannières. Vingt-six partis parmi les quatre-vingts actuellement reconnus seraient composés d’anciens affi liés du RCD dissous. Les forces du changement ont réussi à créer des conseils de rédaction. C’est loin de suffire à améliorer la qualité

de l’information. Les mêmes têtes, ou presque, continuent d’apparaître à la télévision. D’autres, moins connues du public, oeuvraient en coulisses pendant la période noire de la presse. Elles se permettent aujourd’hui de donner des leçons d’éthique et de déontologie et dénoncent leurs maîtres qui, hier, payaient généreusement leurs services. En dépit d’un relatif changement de contenu, la presse souffre encore, tant au niveau de la forme que des méthodes. L’orientation n’a aucunement changé et laisse même penser qu’une tentative de faire avorter la révolution existe. La balle est dans le camp des journalistes. À

eux de se débarrasser de leurs mauvais réfl exes. Avec de l’aide, ils peuvent sauver la situation, car personne n’imagine faire machine arrière.

 

Un syndicat des patrons de presse

 

Les patrons de presse, eux, ont organisé un congrès pour élire l’équipe qui va diriger leur association. Ils créent aussi un syndicat, une première en Tunisie. Du temps de Ben Ali, ces personnes, nommées selon des critères d’allégeance, n’en avaient pas besoin. À l’inverse, les journalistes indépendants étaient virés, emprisonnés ou forcés à l’exil dès qu’ils en faisaient un peu trop au goût du système en place. Aujourd’hui, les patrons de presse utilisent d’autres méthodes. Une journaliste indépendante de l’Agence Tunisie Afrique Presse (TAP) l’avait prédit : « Jamais je ne me suis sentie aussi proche de la porte de sortie qu’en ce moment. Du temps de Ben Ali, au moins, les choses étaient claires. Ils avaient besoin de nous et les limites étaient bien définies pour chaque partie. Là, on ne sait pas qui tire les ficelles et on a l’impression qu’on vous cherche d’une manière encore plus sournoise que dans le temps ! » Il n’est pas exclu, par ailleurs, que le syndicat patronal ait droit de regard sur un projet de code de la presse, que les journalistes rejettent. Ils préfèrent un code de déontologie. Le code pénal fera le reste. Les journalistes doivent sortir de leur torpeur face à des patrons unis. Ajoutons à cela la précarité économique, qui les a toujours distingués, pour les maintenir sous la botte. Nous, journalistes tunisiens, avons conscience de notre responsabilité morale et historique. Morale en raison du silence de certains et de la connivence des autres. Historique car d’autres peuples ont suivi notre exemple et enterrent leurs morts tous les jours.

 

*Amel Bejaoui est Journaliste à l’Agence Tunis Afrique Presse (TAP).

Publié le 3 juillet par Témoins, la revue du syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT). France.

http://www.snj.cgt.fr/spip/

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