"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
23 Mai 2012
Par Z'hor Chérief, Les débats
Extraits
La prudence du peuple algérien n'est pas univoque. Elle obéit certainement à plusieurs facteurs. Je ne crois pas qu'elle obéisse à la volonté de défendre le
statu quo. Il n'y a qu'à observer l'ampleur des luttes sociales qui contraignent le gouvernement à céder sur nombre de revendications pour s'apercevoir que le peuple aspire au changement. Lorsque
l'on voit que la majorité de la nouvelle APN a été élue par près de 2 millions d'électeurs (en acceptant les chiffres officiels), on se dit que le soutien au régime actuel n'est pas massif. Mais,
le peuple sent en même temps que le changement auquel il aspire nécessite une alternative sérieuse, forte et crédible. Il a vu ce qu'a donné l'alternative du FIS. Il voit ce qu'a donné
l'alternative à Kadhafi en Libye. Il perçoit ce que pourrait être l'alternative en Syrie, si les grandes puissances impérialistes, leurs alliés régionaux (Qatar, Arabie Saoudite, Turquie…) et
leurs relais locaux prenaient le pouvoir. Il observe la situation au Mali.
Changer, oui, mais pour gagner, pas pour perdre. Je pense que le peuple algérien fait preuve de beaucoup de réalisme politique sans pour autant cesser de lutter pour le changement. Il revient aux
forces politiques d'adapter leurs tactiques à cette réalité.
Vérités stratégiques et vérités tactiques peuvent coïncider comme elles peuvent s'opposer, du moins en apparence. On peut donc
considérer qu'il faut un changement de régime, que l'actuel est incapable de se démocratiser – il vient d'en faire la magnifique démonstration – mais que les conditions, en particulier
subjectives, ne sont pas encore réunies. C'est pourquoi, il convient, aujourd'hui, de privilégier les batailles concrètes sur le terrain des libertés démocratiques : droits d'organisation
politique et syndical, de grève, de réunion, d'expression, loi électorale, contrôle des élections… Lutter contre la répression… C'est ce travail à la fois patient et en profondeur que réalisa le
mouvement national dans l'entre-deux-guerres mondiales. L'accélération de l'histoire au sortir du second conflit mondial découla du terrible massacre colonial du 8 mai 1945 et de la montée
impétueuse, à l'échelle internationale, du mouvement de libération nationale (Inde, Chine, Vietnam…).
Pour résumer, c'est l'arrivée à maturation des contradictions qui ouvre un champ de possibilités dans lequel les forces sociales et politiques doivent savoir s'engager. C'est là tout l'art de la
politique.
Interview réalisée par Z'hor Chérief, Les Débats, quotidien
Texte intégral. Lien : La Nation.info