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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

De Djelfa à Sidi-M’hamed, manifestations pour l’Etat de droit

Les correspondants locaux des quotidiens, relèvent, au cours de la semaine, les manifestations dans  de nombreuses villes d’Algérie pour contester les magouilles dans l’attribution des logements sociaux. Ces Algériens se battent pour le respect de l’Etat de droit, c'est-à-dire l’application des textes fixant les critères d’attribution des logements sociaux.

 

Jusqu’ici, les réseaux d’influences étaient en mesure d’imposer leurs protégés. Ce sont eux qui sont à l’origine des problèmes que le premier ministre Ouyahia a aimablement appelés «des cafouillages», à la télévision. La responsabilité du gouvernement  est directement engagée, à travers la complicité imposée aux représentants locaux de l’Etat algérien dans ces pratiques occultes. A l’opposé de leur mission première qui est le contrôle de l’application des critères définis par la Loi.

                                                  

                                                 Djelfa remet ça

 

C’est, semble-t-il, Ain-Defla, qui donne le signal, le 23 juin. Après l’affichage de la liste des 432 bénéficiaires, des citoyens en colère, venant notamment de la banlieue, se dirigent vers le centre-ville, et se rassemblent devant la Wilaya. Ils affirment que de nombreux bénéficiaires sont issus d’autres localités et, selon une technique connue, vont sous louer ou revendre les logements. Très vite, la brigade antiémeute prend position et provoque la dispersion de pacifiques pères et mères de familles, venus demander des explications.

Quelques jours plus tard, le dimanche 26 juin, les gens de Ain-Defla remettent ça. Dès le matin, un millier de personnes sont devant la wilaya, brandissant les preuves des irrégularités. Les anti-émeute font face. Les manifestants dénoncent « le détournement, au profit des possédants, des aides de l’Etat ». L’affrontement est évité par l’intervention du Wali, qui reçoit en personne les protestataires, les uns après les autres, pour examiner les doléances. Il déclare : «Je vous promets que cette liste sera réétudiée minutieusement et par mes propres soins (…) Cette liste a été établie avant ma venue à la tête de cette Wilaya. Je vous promets que ne bénéficieront que des citoyens qui le méritent.» Après ces engagements du wali, les manifestants mettent fin au rassemblement.

Les mouvements de contestation des listes d’attribution sont observés dans toutes les régions du pays, de Boumerdès à Tébessa. A N’gaous, dans le sud-est,  des jeunes se regroupent face au siège de l’APC pour refuser la liste des 163 bénéficiaires. Ils défoncent le portail du siège de la mairie avant d’aller s’allonger sur la RN 78, reliant N’gaous à Sétif. Mais, c’est surtout le siège de la daïra qui a fait les frais de la colère de la population.

 

                          Les réseaux d’influence attribuent, le chef de daïra encaisse les coups 

 

Ce sont surtout les chefs de la daïra qui cristallisent le mécontentement des familles lésés, soutenues par l’opinion locale. Les listes sont, en effet, définitivement établies par ce représentant de l’Etat central, qui patronne ainsi les magouilles. Cette manière d’utiliser l’Etat, je l’ai observé il y a une dizaine d’années, à Jijel, où l’on parlait de « système Karaoui » pour désigner un processus occulte de fonctionnement des processus d’attribution, qui permet aux caciques locaux des partis au pouvoir - RND, FLN et MSP- en rapport avec les officines de police politique, d’entretenir les clients de leurs réseaux d’influence et de contrôle. L’outrance dans la manipulation des listes est variable,  selon le rapport des forces et le niveau de soumission présumé de la population.

A Chelghoum-Laïd, la manière caricaturale de procéder du maire et du chef de Daïra explique la rage des habitants de cette ville, située à égale distance de Sétif et Constantine. Les manifestants  ont voulu forcer la grille du siège de la daïra, pour tenter de tabasser le chef de la daïra et le président de l’APC. «C’est le maire qui a foutu la pagaille. A lui tout seul, il a inséré sur la liste une cinquantaine d’agents de la mairie, dont un beau-fils.» affirme un manifestant. Ici, les affrontements ont été violents au centre-ville, où les habitants ont fait face aux assauts répétés de la brigade anti-émeute.

Dans la ville voisine d’El Eulma,  le siège de la Daïra a été carrément saccagé puis incendié, après l’affichage de la liste des 963 bénéficiaires. « Une réunion regroupant les responsables locaux a été tenue afin de régler le problème » affirme un correspondant de presse local. Tentative d’immolation par le feu, affrontement durs avec les policiers : ici la contestation est d’autant plus forte que, en plus des magouilles, la liste des attributions ne concerne que le dixième des demandeurs de logements recensés à l’échelle de la daïra d’El-Eulma.

                                    

                               Sidi M’Hamed : l’entrepreneur se rembourse

 

La contestation a gagné la capitale, où les premiers mouvements sont observés à Hussein-Dey, El-Madania et El-Harrach, localité où des heurts violents ont été observés. A Sidi M’Hamed, dès l’affichage des listes, les familles lésées se rassemblent devant le siège de l’APC, entourées d’un cordon de sécurité, commandé par le maire. Les accusations d’un père de famille sont directes : «Je ne comprends pas comment un entrepreneur  figure sur la liste alors qu'il est à l'aise. C’est l'ami du maire et à l'origine du financement de sa campagne électorale». Le maire, M. Bourouina, affirme à D. Mentouri, journaliste du Temps d’Algérie : «Il y a un avis qui stipule que la liste est provisoire, ce qui veut dire que les citoyens peuvent adresser des recours au cas où ils y décèlent des irrégularités».  Ah ! Les commissions…

Ce sont les Algérois défavorisés socialement qui sont les plus lésés dans l’attribution des logements «sociaux». Comme au Gué de Constantine, où aucune des 49 familles habitant un bidonville, souvent depuis une vingtaine d’années, n’a été retenue sur la liste. En 2002, la mairie leur avait promis un relogement définitif. Ils confient à Karim Aoudia du Temps d’Algérie : «Ils nous ont installés ici après avoir démoli nos baraques. Ils nous ont dit que notre résidence serait provisoire, mais comme vous voyez nous sommes encore là».

Un parlementaire confiera à ce même journaliste, sous le sceau de l’anonymat : «Dans bien des cas, ce sont des gens qui sont à l'abri du besoin, mais qui ont le bras long, qui bénéficient d'un logement, à chaque fois qu'il y a une opération de distribution».

 

Pendant ce temps, les Formations politiques sont silencieuses, comme elles le sont souvent à l’occasion des mouvements sociaux non étudiants, n’intervenant publiquement que sur les controverses et autres échanges politiques au sein de l’establishment. Il en va ainsi du principal parti d'opposition. Dimanche dernier, Karim Tabbou, secrétaire général du FFS affirmait : «C’est le peuple qui convoque les partis politiques et non l’inverse ». Le FFS a créé, dans son bureau national, des postes pour le soutien aux mouvements sociaux. Mais on ne voit rien venir.

 

Sources : les correspondants locaux des quotidiens Le Temps, Le Soir d’Algérie, le Quotidien d’Oran, Liberté, El Watan.

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