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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

DE JOLIS MOTS POUR ACCUEILLIR M. HOLLANDE, par Abed Charef

 

François Hollande fait laune des quotidiens algériens.
 

 Par Abed Charef, 19 décembre 2012, La Nation 

C’est la nouvelle mode. A Alger, on ne jure plus que par le « partenariat stratégique gagnant-gagnant », qu’on veut instaurer grâce à la « co-localisation». Tout responsable, ou « khabir » (expert), qui intervient dans une conférence ou dans un média quelconque, se sent obligé de vous en parler. A peine si on ne vous dit pas que l’invention sera bientôt brevetée, et que le monde entier nous sera redevable d’avoir inventé ces nouveaux concepts.
 

Mais dans les faits, le pays continue à naviguer entre l’illusion et le mensonge. L’illusion, d’abord, quand des dirigeants et des experts en vue continuent de confondre leurs vœux avec les projets économiques ; quand des responsables ayant la lourde charge de gérer les affaires du pays n’arrivent pas à admettre que le système économique algérien n’est capable ni de relocaliser, ni de délocaliser, encore moins de colocaliser quoi que ce soit.

Pourtant, ces hommes sont là depuis des années ; ils ont tourné en rond, ils ont essayé diverses formules, ils ont lancé différentes tentatives qui ont coûté au pays des fortunes, sans déboucher sur quoi que ce soit, mais ils veulent, une fois encore, tenter les mêmes expériences, pour aller inévitablement au-devant des mêmes échecs. Ce n’est plus de l’illusion, mais de l’aveuglement. Ou tout simplement du mensonge.

Le projet Renault en est une illustration parfaite. Les responsables politiques voulaient leur gadget, une usine dont sortiraient des véhicules. Ils ont donné des instructions : signez. Faites ce que vous voulez, mais on veut une signature. Résultat : on débouche sur un projet absurde, sans consistance économique, sans contenu technologique.

Tous les experts indépendants le disent : tel que conçu, le projet Renault n’est pas viable. La plupart de ceux qui ont participé aux négociations le disent, en privé. L’ancien premier ministre, M. Ahmed Ouyahia, l’a dit, publiquement. Les dirigeants de Renault eux-mêmes le reconnaissent, et ils ne s’y sont engagés que lorsqu’on leur a forcé la main. Mais voilà : il fallait un cadeau à offrir lors de la visite de M. François Hollande à Alger, et ce cadeau, le voilà.

Ceci dit, l’Algérie a besoin de développer l’industrie automobile. C’est même devenu vital, avec l’explosion de son marché d’abord, et son ambition de se placer, ensuite, sur le marché international, au moins africain. Il est même possible de faire de l’industrie automobile une locomotive pour la relance industrielle, dans un processus long, quand le pays aura réappris à produire.

Mais l’Algérie est devenue « sarkozienne », en ce sens qu’elle prend une bonne idée, elle l’étudie, la déforme, pour finalement en faire un échec, et passer à autre chose, en pensant que l’amnésie effacera le passé. C’est douloureux, mais dans un passé récent, on a pensé que l’investissement interne pouvait relancer le pays. On a eu Khalifa. On a ensuite misé sur l’investissement externe : on a eu Orascom. On a pensé aux privatisations : on a eu les cimenteries Lafarge, etc.

Aujourd’hui, c’est donc le « partenariat stratégique gagnant-gagnant », avec comme navire amiral Renault. Quelques données pour montrer à quel point le projet Renault, tel qu’envisagé, est anachronique. Il frise l’absurde. L’usine de montage devrait produire 25.000 véhicules, et on envisage ensuite d’augmenter la production. Cela représente 5% du marché actuel, et 2.5% du marché algérien à l’horizon 2020, quand l’usine aura démarré. Il est absurde de vouloir faire d’un projet aussi modeste le point de départ d’une industrialisation du pays.

Mais cela n’empêche pas les dirigeants de présenter cela comme une grande victoire, ni de mobiliser les « spécialistes » de service pour en vanter la grandeur. Mais plus grave encore, l’Algérie a, en parallèle, pris une série de mesures qui l’empêchent de lancer une industrie. Elle a pratiquement supprimé les barrières douanières, qui pourraient favoriser le produit local. Résultat : à l’heure actuelle, l’industrie ne représente plus que cinq pour cent du PIB, selon un « expert ».

Un produit algérien coûte plus cher qu’un produit étranger, sans parler du volet qualité. Par quel miracle est-on arrivé à ce résultat ? Comment veut-on industrialiser le pays alors que tout est fait pour favoriser les importations ? Les mêmes ministres FLN-RND-MSP sont au gouvernement depuis au moins 1999. Ils ont pris les mesures pour décourager la production locale. Comment peuvent-ils aujourd’hui prétendre enclencher un mouvement inverse ?


Le problème n’est pas chez Renault, ni chez Lafarge. Il est à Alger. Il réside d’abord dans le système de décision, qui a perdu les deux qualités requises : il n’est pas crédible, et il n’est pas légitime. Aujourd’hui, le gouvernement algérien n’est pas en mesure de penser à une solution efficace, en mesure, par exemple, de doter l’Algérie d’une industrie automobile dans dix ou quinze ans.

Et si ce miracle se réalisait, si le gouvernement y arrivait, il ne peut pas mettre son plan à exécution, car cela nécessite une série de mesures : obligation d’investissement pour les concessionnaires, mesures décourageant l’importation, donc hausse des taxes, parallèlement à d’autres mesures incitant à la production, formation de techniciens, etc. Cela suppose que l’auteur de ces décisions est suffisamment légitime pour affronter les concessionnaires et leur puissance médiatique et financière, qu’il soit en mesure de convaincre les partenaires politiques et syndicaux, qu’il est suffisamment légitime pour aller à contrecourant de ce qui se fait aujourd’hui.

Le gouvernement ne peut pas mener cette tâche aujourd’hui. Les monstres qu’il a créés le dévoreront bien avant. Les lobbies sont devenus trop puissants ; ils sont en train de dépecer le pays, sous le regard impuissant du gouvernement, quand ce dernier ne leur sert pas la soupe.

 Source : La Nation.info

Mis en ligne le 19 décembre 2012

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