"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
17 Novembre 2011
Les impressions du jeudi
Après les nominations d’anciens dirigeants de la banque d’affaires Goldman Sachs à la tête des gouvernements iltaliens et grecs et à la présidence de la Banque centrale européenne, on pourrait logiquement penser que l’aristocratie financière internationale, dont Goldman sachs est le Grand duc, tend à prendre directement le pouvoir.
Cette aristocratie s’abrite depuis toujours derrière le terme fantômatique de Marchés qu’il faut rassurer. Comme l’Empire derrière celui de Communauté internationale.
Soit dit en passant, le nouveau président du conseil italien est en outre le président de la délégation européenne de la Trilatérale et membre du club de Bilderberg, lieux où les maîtres mondiaux de la finance, des Etats et des médias, se rencontrent pour parler en secret des grands problèmes de la planète.
Après ces nominations, Marc Roche le clairvoyant journaliste financier du journal Le Monde reléve la curieuse implication trop visible de Goldman Sachs : « La banque d’affaire aime placer ses hommes sans jamais laisser tomber le masque. C'est pourquoi ses hommes liges cachent cette filiation quand ils donnent une interview ou mènent une mission officielle ».
Pourquoi cette montée au créneau des hommes liges connus de la Mondialisation financière et de la Trilatérale?
Cette entorse à la règle de la discrétion est évidemment motivée par la nécessité pour l’aristocratie financière de donner un tour plus volontariste et plus anti-social à l’austérité et de mobiliser toutes les compétences de ses spécialistes pour trouver des « martingales » plus efficaces et plus redoutables pour les peuples que les actuels bricolages des classes politiques ordinaires.
Mais, est-ce vraiment un signe de force pour l’aristocratie financière internationale que de ne plus pouvoir compter sur la classe politique « classique » et d’être obligée de se découvrir ?
On peut d’une certaine manière se féliciter de ce que le loup sorte des bois. Ce serait peut être chez les salariés, dans l’opinion, dans les milieux tournés vers la production réelle, un passage obligé, une clarification opportune sur les méfaits des mécanismes occultes de décisions inspirés par l’aristocratie financière qui engagent l’avenir des humains.
En France, Nicole Sarkozy, contrairement à son confrère grec, semble avoir décidé de lier directement son sauvetage politique à l’application stricte de la rigueur insensée commandée par les bourses.
Avec la montée du mouvement d’occupation des Bourses par les jeunes instruits, on peut aussi espérer que les métiers de la finance apparaisent dans l’avenir moins attrayants pour les lauréats des grandes écoles dont les meilleurs matheux sont, on le sait aspirés vers ces métiers devenus de nobles aventures depuis deux décennies. Des observations récentes indiquent que cette filière d’excellence serait de plus en plus boudée par les élites universitaires aux Etats-Unis et en Europe.
Retour de bâton ou souci de donner le change? Le FMI a annoncé ce matin dans un communiqué la démission avec effet immédiat d’un autre Goldmanien, Antonio Borges "pour raisons personnelles". Le journal économique La Tribune note aujourd’hui : « Cet économiste n'aura passé qu'un an à Washington, à des fonctions qui l'ont amené à superviser des prêts parmi les plus grands de l'histoire de l'institution, à la Grèce (30 milliards d'euros) et à l'Irlande (22,5 milliards), deux membres de la zone euro ». La Tribune conclut : « Ce chantier est laissé inachevé par Antonio Borges, malgré un CV considéré idéal dans cette crise : il combinait une expérience à la Banque du Portugal où il aura été l'un des architectes de la création de la monnaie unique européenne, et une autre chez Goldman Sachs International, où il avait pu parfaire sa connaissance des marchés financiers ».
Saoudi Abdelaziz. 17 novembre 2011
Le Morceau choisi du jeudi
« Pendant que l'aristocratie financière dictait les lois, dirigeait la gestion de l'État, disposait de tous les pouvoirs publics constitués, dominait l'opinion publique par la force des faits et par la presse, dans toutes les sphères, depuis la cour jusqu'au café borgne se reproduisait la même prostitution, la même tromperie éhontée, la même soif de s'enrichir, non point par la production, mais par l'escamotage de la richesse d'autrui déjà existante. C'est notamment aux sommets de la société bourgeoise que l'assouvissement des convoitises les plus malsaines et les plus déréglées se déchaînait, et entrait à chaque instant en conflit avec les lois bourgeoises elles-mêmes, car c'est là où la jouissance devient crapuleuse, là où l'or, la boue et le sang s'entremêlent que tout naturellement la richesse provenant du jeu cherche sa satisfaction. L'aristocratie financière, dans son mode de gain comme dans ses jouissances, n'est pas autre chose que la résurrection du lumpenprolétariat dans les sommets de la société bourgeoise ».
Karl Marx. La lutte des classes en France