"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
5 Mars 2013
Gamal al-Banna-© Ian Hamel
« Le frère d'Hassan al-Banna assénait que "le plus important, c'est la foi et non la forme", et que le Coran est "un guide pour les lecteurs, par une science exacte". "Il faut réintégrer le Coran à l'aune de nos préoccupations actuelles."
Par Ian Hamel
« Le voile n'est pas une obligation dans l'islam. L'essentiel est dans la décence. Si une femme souhaite cacher ses cheveux, elle peut aussi bien porter un chapeau",répétait Gamal al-Banna avec un petit sourire. Né en 1920 à al-Mahmudiyah, un petit village du delta du Nil, ce petit homme était le frère d'Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, la plus ancienne et la plus puissante organisation islamiste dans le monde. Il est mort de 30 janvier dernier au Caire, des suites d'une pneumonie, presque dans l'indifférence générale.
Gamal al-Banna, qui dirigeait la Fondation pour la culture et l'information islamiques, était un théologien de renom, auteur de dizaines d'ouvrages. Ancien responsable du Syndicat général des ouvriers de l'industrie textile, il avait enseigné pendant plus de trois décennies à l'université ouvrière du Caire. Seulement, voilà, ce réformiste musulman, qui osait affirmer que "l'islam est arriéré de quatre siècles", dérangeait les Frères musulmans, aujourd'hui au pouvoir en Égypte.
Le plus jeune frère d'Hassan al-Banna avait été un compagnon de route des Frères musulmans, dirigeant notamment leur journal al-Ikhwan Al-Muslimum dans les années quarante. Mais depuis la mort du fondateur des Frères musulmans, assassiné par le régime en 1949, ce syndicaliste s'était peu à peu éloigné de la confrérie. Spécialiste du monde ouvrier, il s'est penché pendant des dizaines d'années sur les syndicats aux États-Unis, au Royaume-Uni, en URSS, en Suède, en Malaisie.
Gamal al-Banna dénonçait également la récupération totale du mouvement syndical par le pouvoir égyptien, le leader de l'Union syndicale étant "généralement nommé ministre du Travail, les chefs syndicaux accédant aux postes de député du parti au pouvoir", écrit Mouna A. Akouri, qui a publié un ouvrage en français en 1997 sur L'enseignement de Gamal al-Banna.
Mais ce sont surtout ses prises de position sur l'islam qui lui valent les foudres répétées d'al-Azhar, la principale autorité religieuse de l'islam sunnite. Elle exige notamment la saisie d'un pamphlet intitulé La responsabilité de l'échec de l'État islamique. Le vieil homme souriait. "Cette interdiction m'a plutôt fait de la publicité. Je considère que l'islam des cheikhs d'al-Azhar n'est pas l'islam du Coran. Ils n'ont pas une culture générale très étendue, ils s'encombrent de détails", avait-il déclaré à l'auteur de cet article.
Entouré de 30 000 ouvrages, qui couvraient sa fondation du sol ou plafond, appuyé par quelques fidèles, le frère d'Hassan al-Banna assénait que "le plus important, c'est la foi et non la forme", et que le Coran est "un guide pour les lecteurs, par une science exacte". "Il faut réintégrer le Coran à l'aune de nos préoccupations actuelles." Le vieil homme était apparemment si dérangeant que ses deux neveux, l'islamologue Tariq Ramadan et son frère Hani Ramadan, dirigeant du Centre islamique de Genève, n'ont guère pensé à lui rendre hommage
Ian Hamel, 5 mars 2013. le point.fr