"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
21 Juin 2011
Communiqué.
Le Haut Commissariat des Nations unies pour
les réfugiés (HCR) a dénombré à la fin de mai quelque 1500 victimes de noyade parmi les boat people qui, depuis février dernier, s’efforcent de gagner l’Europe à partir des côtes du Maghreb et du
Machrek.
Face aux
centaines de naufrages mortels en Méditerranée, peut-on se contenter de dénoncer le silence assourdissant dans lequel des vies disparaissent à nos portes ? Doit-on se résoudre à l’impuissance
devant des politiques migratoires auxquelles on ne pourrait rien changer ? Ces noyé·(e)·s ne sont pas les victimes de catastrophes naturelles, mais de décisions politiques mises en œuvre par des
exécutants dont les responsabilités doivent être pointées. Devant ces atteintes au droit le plus fondamental – le droit à la vie – il faut que des procédures soient engagées et que justice soit
rendue. Il faut mettre fin à cette hécatombe. (…)
Ces drames ne font que s’ajouter à tous ceux qui se déroulent, dans l’indifférence, depuis plus de vingt ans ; Fortress Europe enregistre 17 317 décès documentés depuis 1988. Mais combien
d’autres victimes invisibles de la politique européenne de lutte contre l’immigration qu’elle appelle illégale ?
De ces naufrages, des épaves transformées en cercueils flottants d’hommes, de femmes et d’enfants morts d’épuisement, de faim et de soif après de longues dérives en mer, l’opinion a pris
l’habitude. Elle a pu croire à leur caractère inéluctable. Elle a pu ignorer que les équipements anti-migratoires de l’agence européenne Frontex étaient forcément les témoins de nombre
de ces drames, en Méditerranée comme ailleurs…
Mais la donne a changé depuis qu’une coalition internationale et les forces de l’OTAN interviennent en Libye. Aujourd’hui, awacs, drones, avions, hélicoptères, radars et bâtiments de guerre
surveillent tout ce qui bouge en Méditerranée. Ils ne peuvent pas ne pas voir les bateaux des exilés originaires d’Afrique subsaharienne qui cherchent à fuir la Libye. Ils ne peuvent pas ne pas
voir lorsque, de Tunisie, du Maroc ou d’Algérie, des jeunes sans espoir s’entassent dans une embarcation fragile pour gagner l’Italie ou l’Espagne.
Non-assistance à personne en danger
En n’intervenant pas, ils se rendent coupables de non-assistance à personne en danger. Ceci ne peut rester impuni.
Les États puissants de la planète se sont mobilisés militairement pour, disent-ils, empêcher le massacre de populations civiles
et mettre en œuvre « la responsabilité de protéger » dont l’ONU est garante. Mais la responsabilité de protéger ne passe-t-elle pas aussi par le respect du droit maritime, des conventions
internationales en matière de sauvetage en mer et des textes sur la protection des réfugiés ?
Nous ne pouvons plus contempler les images de corps ramenés à terre après des naufrages, ou apprendre par des survivants combien de personnes étaient à bord d’un bateau disparu en mer. Nous
voulons savoir qui sont les responsables de ces morts : l’Union européenne ? l’agence Frontex ? l’OTAN ? les États de la coalition formée en Libye ?
C’est pourquoi le Gisti s’apprête à lancer - avec ceux qui voudront s’associer à cette démarche - une campagne de plaintes, sur la base d’éléments recueillis auprès de victimes et de témoins de
ces drames. À l’heure des révolutions arabes, les États européens ne peuvent plus continuer à considérer les boat people comme des vies sans valeur. La Méditerranée doit cesser d’être le champ de
bataille de la guerre aux migrants pour redevenir un espace de droits et de solidarités.