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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

L'Algérie, trois ans après le Printemps arabe

la liberté politique, oui, mais pas dans la soumission et la misère

Extrait de l'article de Hocine Bellaloufi, "l’Algérie et le "Printemps arabe". Cas singulier ou exemple précurseur ?"

 

 

(...) L’année 2011 va débuter par une explosion sociale provoquée par une augmentation des prix de produits de première nécessité dans un contexte marqué par une chute de 20% de la valeur du dinar. Cette explosion sociale sera suivie au mois de mars par un puissant mouvement de grèves pacifiques touchant les travailleurs de la fonction publique, du secteur économique d’Etat et du privé étranger et même les chômeurs et travailleurs précaires.

 

On assistera en parallèle à la poursuite de révoltes sociales locales portant sur les conditions de vie : logement, routes, santé…

 

Le gouvernement arrivera à contrôler la situation en :

  • satisfaisant les revendications sociales (augmentations de salaires) et en accordant des crédits et autres avantages aux jeunes sans emploi désireux de créer leur entreprise.
  • maintenant la contestation sur un terrain essentiellement social par une gestion pacifique des rassemblements évitant tout dérapage qui aurait transformé des conflits sociaux en révoltes politiques.
  • découplant la fronde sociale de l’opposition politique,
  • en prenant des mesures politiques pour calmer l’opposition :
  •  
    • levée de l’Etat d’urgence en vigueur depuis 1992,
  •  
    • autorisations de réunion attribuées plus facilement aux partis, syndicats et associations.
  •  
    • lancement d’un cycle de consultation des partis, personnalités et membres de la société dite civile avec promesse de réformes afin d’approfondir le processus démocratique.

 

Laminée, divisée, sans ancrage populaire et sans alternative crédible, aventuriste ou purement velléitaire, l’opposition sera incapable de trouver une réponse politique efficace.

 

On peut en conséquence affirmer que l’Algérie s’est singularisée vis-à-vis des autres pays de la région en ce sens qu’il n’y a pas eu d’ouverture d’un processus révolutionnaire posant la question du pouvoir.

 

Cette spécificité tient au fait que l’Algérie constitue effectivement un exemple précurseur.Contrairement à la plupart des autres pays arabes, le régime algérien n’est pas dictatorial. La révolte populaire d’octobre 1988 a ouvert la voie à une transition démocratique. Et en dépit de limites et de reculs réels et inquiétants, l’existence de libertés démocratiques permet au régime d’absorber une bonne partie de la contestation sociale et politique. La décennie 1990 pèse par ailleurs encore sur les consciences. La volonté de changement politique reste de ce fait limitée au niveau populaire.

 

Une autre particularité réside dans le fait que le régime algérien n’est pas un valet des grandes puissances impérialistes. Il n’a pas soutenu l’intervention de l’OTAN en Libye, a refusé d’envoyer des troupes au Mali, refusé de cautionner la décision de la Ligue arabe d’octroyer le siège de la Syrie à l’opposition et la menace d’intervention militaire américano-française contre cette même Syrie.

 

Dernière particularité de l’Algérie, les moyens financiers substantiels et les divergences au sein du régime – reflets d’une contradiction entre les fractions compradore et intérieure de la bourgeoisie – font que le passage à l’économie de marché, à l’infitah, n’a pas pris la forme d’un passage en force. Cela a quelque peu atténué le coût social de cette transition.

 

L’Algérie constitue ainsi à la fois un cas singulier et un exemple précurseur. Cela lui a permis « d’échapper au printemps arabe ». Certains s’en plaignent, d’autres s’en félicitent.

 

Ce statu quo s’avère cependant trompeur, car l’Algérie se trouve confrontée à trois grandes contradictions :

  • Si elle n’est plus dictatoriale, elle n’est toujours pas démocratique.
    On assiste même à un important recul illustré par les lois adoptées ces dernières années sur les élections, les partis, les associations, etc.
    Des attaques et entraves aux libertés syndicales sont régulièrement constatées, les rassemblements toujours interdits dans la capitale ou soumis à autorisation préalable ailleurs.
    Les élections n’ont quant à elles aucune crédibilité comme le démontre l’ampleur de l’abstention.
    Le pouvoir pilote la transition depuis 1988. Il l’accélère ou la freine en fonction du seul impératif de sa survie. Le régime autoritaire à façade démocratique donne des signes inquiétants de fermeture.
  • Par ailleurs, s’il n’est pas valet de l’impérialisme, le régime ne conteste plus la domination de ce dernier.
    L’infitah a entraîné l’intégration/soumission au capitalisme international, ce qui signifie un renoncement à tout développement économique souverain et acceptation de l’ordre politique impérialiste sur la région et le monde.
    Cela se traduit par une coopération avec l’OTAN, un soutien tacite à l’intervention impérialiste française au Mali, le refus d’un soutien franc et massif à la Syrie pourtant confrontée à une agression de l’impérialisme et de la réaction régionale, renflouement du FMI qui étrangle les peuples comme nous le savons pour l’avoir subi…
    Le régime ne conteste plus l’ordre mondial, mais l’accepte et cherche simplement à y trouver une place de puissance régionale.
  • Enfin le gouvernement refuse « l’ultra-libéralisme », mais renonce parallèlement à la perspective d’un développement autocentré et conserve fermement le cap sur le libéralisme. Cette attitude empêche toute perspective sérieuse de développement et se paie de plus en plus cher sur le plan social.

 

Voilà pourquoi la singularité de l’Algérie par rapport au reste du monde arabe est trompeuse. Le pays reste dans l’œil du cyclone, non pas tant à cause d’un cabinet noir qui ourdirait un complot à partir de Washington, Londres, Paris et Bruxelles, que du fait que notre peuple et notre Etat n’ont pas été en mesure, à ce jour, de résoudre ces trois contradictions.

Ce danger est d’autant plus grand que la crise mondiale du capitalisme aiguise les contradictions inter-impérialistes et pousse les grandes puissances à redoubler d’agressivité pour déstabiliser les pays qui leur résistent.

Texte intégral: socialgerie.net

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