"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
16 Novembre 2012
Par Saoudi Abdelaziz
Dans une article intitulé Pauvre Mao , je notais en novembre 2011: « Le parti communiste chinois a mené avec succès, en son temps, la lutte pour la réhabilitation de la Nation chinoise, ce qui lui vaut un prestige historique dans la société chinoise. Ce prestige est utilisé aujourd’hui par la classe dirigeante de ce pays pour imposer sa domination. Comme on a essayé de le faire chez nous en utilisant le nom du FLN. Aujourd’hui la Chine est un pays capitaliste avec les contradictions de classe qui en découlent ».
Le PC Chinois a imposé son hégémonie en réussissant à prendre la tête du processus d’affirmation nationale engagé contre l’occupation japonaise. Leur rôle d’avant-garde dans cette lutte de libération nationale a transformé les noyaux communistes-constitués dans l’émigration en Occident et dans les villes chinoises- en une vaste force enracinée dans la paysannerie et le prolétariat rural. Un processus que nous avons connu en Algérie, après le premier novembre 1954 et surtout à partir du basculement qui a suivi l’insurrection d’août 1955.
Le grand mérite du PCC fut de soulever mais aussi de structurer dans une vision nationale commune, les masses populaires chinoises, atomisées par des rapports sociaux archaïques, vivant dans l’humiliation nationale imposée par les Occidentaux, depuis le 19ème siècle.
Après l’installation au pouvoir en 1949, l’autre grand mérite du PCC fut d’avoir engagé, de manière indépendante, le développement national des forces productives. Cette ambition nationale de développement a été portée par le PCC d’abord sous la contrainte de l’isolement (et de l’autarcie qui en découle), avec l’industrialisation lourde forcenée du Grand bond en avant. Puis, avec le retour au pouvoir de l’élite historique citadine du PC, en 1978, et avec la nouvelle politique de développement des forces productives et d’accumulation du capital, dirigée par Deng Tsiao Ping.
Cette nouvelle politique d’accumulation prend appui sur l’exportation en restreignant la demande sociale. Deng a donc engagé la NEP que Staline avait refusé au début des années 20. Le capitalisme d’Etat de Deng Tsiao Ping diffèrera de celui de Staline par le rôle donné à la libre entreprise. En URSS, c’est par les moyens de l’emprise bureaucratique que s’affirmera au cours des décennies l’émergence de l’hégémonie bourgeoise qui triomphera avec Boris Elsine. Les Chinois furent en quelque sorte moins hypocrites, avec l’affirmation du mot d’ordre : « enrichissez-vous ».
En réalité, le PC chinois est dans la continuité du modèle stalinien. Comme le PCUS, il a opéré le détournement historique du projet communiste, au profit d’une caste bureaucratique, débouchant fatalement sur des systèmes économiques mus par l’exploitation de l’homme par l’homme. Les deux PC ont détourné au profit de minorités le modèle de la prise et de la conservation du pouvoir consigné dans Que Faire ? Mais sans les soviets et sans l’objectif de dépérissement de l’Etat que Lénine avait en vue, dans la continuité de Karl Marx.
Dans un article du blog, en novembre 2011, nous notions que cet ouvrage de Lénine fut aussi détourné dans le monde arabe. En Algérie, il fut considéré depuis l’Etoile nord africaine, comme un recueil utile de recettes. Il inspirera les fabricants du modèle FLN jacobin-conspirateur, qui s’est affirmé en 1957, tournant le dos à la ligne démocratique du congrès de la Soummam au cours duquel a prévalu le mot d’ordre de primauté de l’intérieur. Ce mot d’ordre ne doit pas être compris comme une simple localisation géographique des centres de décision de l’insurrection. Une nouvelle ligne de primauté clandestine d’un nidam extérieur au peuple s’est forgée à partir de 1957 par cooptation hors du territoire du peuple. On sait qu’elle a été théorisée dans la clandestinité par Boussouf, qui avait forgé le Parti-Malg continuant aujourd’hui encore à jouer un rôle moteur dans les affaires de l’Etat.
A la différence des Chinois, ce noyau dirigeant, constamment coopté comme à Pékin, n’a pas réussi chez nous à promouvoir une ligne patriotique-national de développement économique. C’est vrai aussi qu’il a égaré le peuple en chemin et aussi son Deng-Belaïd en cours de route.
Saoudi Abdelaziz, 16 novembre 2012