"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
24 Novembre 2012
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Par saoudi Abdelaziz
Avant-hier jeudi, Naguib Sawiri relatait dans Le Financial Times le début de l’aventure algérienne qui lui a rapporté gros : « Dans le début des années 2000, la possibilité d'investir en Algérie, sortie d'une longue période d’instabilité, a été extrêmement attrayante à la lumière des promesses et des incitations offertes par le gouvernement algérien aux investisseurs étrangers.
Abed Charef dans la Nation note à propos de ces « incitations » : «Bénéficiant d’une conjoncture favorable, qu’il a exploité à fond, le milliardaire égyptien avait non seulement fait fortune, mais il avait réussi à devenir un homme d’influence en Algérie, une influence qui, par ricochet, assurait son succès dans les affaires qu’il entreprenait. Avec une mise de départ de deux cent millions de dollars, et des complicités à plusieurs niveaux, l’homme a réussi à créer un empire qui vaut entre cinq et huit milliards de dollars ».
Le groupe Sawiris avait installé sa succursale à Algérie, dès la fin des années 90, dans un contexte de déliquescence des capacités de décision de l’Etat que décrit Hadj Nacer, dans son essai La Martingale algérienne. L’ancien gouverneur de la Banque centrale écrit (Page 50) : « La nature a horreur du vide. La disparition, depuis 1992, de toute tentative d'élaboration d'un processus d'arbitrage, a conduit à la délocalisation de la décision stratégique à l'extérieur du pays. Pendant que Carlyle décide qu'Orascom sera le détenteur de la licence de téléphonie mobile, l'arbitrage se résume au partage du reliquat de la rente. Il ne concerne plus les grandes orientations du pays mais se résume à une peau de chagrin qui, à bien y regarder, rétrécit d'année en année ».
Dans notre article Wikileaks, Orascom, Carlyle et Ben Laden, du 8 septembre 2011 nous écrivions : « Mais qui est ce puissant Carlyle qui a le pouvoir de choisir nos partenaires ? On sait qu’il a été le principal initiateur de la création, en 2006, du Fonds souverain libyen, doté d’une centaine de milliards de pétrodollars injecté par Kadhafi dans les opérations boursières (et gelé sur décision de l’Otan en avril dernier). On dit que Carlyle orchestrerait en sous main, depuis 2007, la campagne médiatique pour la création d’un fonds similaire dans notre pays. On peut lire sur le net, dans l’encyclopédie Wikipédia : « Le Groupe Carlyle est dirigé depuis janvier 2003 par Louis Gerstner, ancien patron d'IBM. Parmi ses dirigeants, de nombreuses personnalités se sont succédé, telles que George H. W. Bush ou encore Olivier Sarkozy ». Il s’agit de Bush père, le président de la première guerre du Golfe ; l’autre est le frère ainé du président français. Ce fonds d’investissement américain, crée en 1987, avait été pris en main en janvier 1989 par Franck Carlucci, ancien directeur adjoint de la CIA, conseiller à la sécurité nationale puis secrétaire à la Défense de Ronald Reagan. Sous la présidence de Carlucci, le groupe réalise sa première grande affaire, en 1997, lorsqu’il acquiert la société américaine United Defense, gros fournisseur de l'armée américaine en véhicules de combat et en artillerie. »
Comment Carlyle et Sawiris ont pu influencer à ce point les mécanismes de décision dans ce secteur d’avenir juteux qu’est la téléphonie mobile ?
Dans son ouvrage Histoire secrète du pétrole algérien, Hocine Malti l’ancien vice-président de Sonatrach écrit : « Le coup de génie de Naguib Sawiris a été de choisir l’homme qu’il fallait pour le poste de directeur général de la filiale algérienne d’OTH, Orascom Telecom Algérie (OTA), lors de son installation en Algérie fin 1999. Au cours des années 1980 et 1990, cet homme, Mohamed Shorafa, Palestinien d’origine, avait été directeur du protocole et chef de cabinet du cheikh Zayed Ibn Sultan Al-Nahyane, émir d’Abou Dhabi et président de la Fédération des Emirats Unis, durant la période où Abdelaziz Bouteflika occupait le poste de conseiller de l’émir. A ce titre, Mohamed Shorafa était chargé de s’occuper du quotidien du futur président de la République algérienne… (Algérie-focus)
Mais sans doute Sawiris a-t-il trop abusé. En 2008, le vent avait commencé à tourner, on a voulu lui faire payer des impôts, ce qui l’avait amené à appeler à la rescousse ses protecteurs américains (Wikileaks)et à engager ainsi un processus qui a conduit à la rupture avec l’Etat algérien).
Saoudi Abdelaziz, 24 novembre 2012