"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
18 Avril 2011
Après l’Algérois et la Kabylie, le « Complément d’informations » ayant circulé dans le PAGS en décembre 1988 poursuit la description sur le vif des évènements d’octobre, dans la région de l’Oranie.
5 – Oran :
Les émeutes ont commencé le vendredi 7 au quartier Victor Hugo, au centre-ville, puis se sont étendues aux autres quartiers. Les plus gros dégâts ont été relevés le vendredi et surtout le samedi (le « prisunic », le « printania », l’agence d’Air Algérie, l’Onat, quelques magasins privés,…). Les établissements scolaires n’ont presque pas subi de dégâts exceptés le lycée Lotfi (où étudient les enfants de personnalités et de riches) et un CEM dont le surveillant général est tyrannique avec les élèves. Il y a eu des dizaines de morts et de blessés. Les blessés étaient systématiquement arrêtés ainsi que tous ceux qui se trouvaient sur le chemin. Le couvre feu a été fixé à 18-19h. Des centaines de jeunes ont été arrêtés lors des manifestations mais aussi chez eux, de jour et de nuit, sans mandat.
Il y aurait plus de 600 emprisonnés. Il est à noter que ces jeunes, dont de nombreux mineurs, ont été parqués dans des commissariats, des casernes, au tribunal militaire de Mers-El-Kebir. Ils étaient entassés par dizaine dans des espaces très réduits, sans eau, sans nourriture, sans toilettes, pendant trois jours.
Le mardi 11 ont commencé les présentations devant les juges. Beaucoup de jeunes ont été libérés après avoir versé des amendes de 1500 à 30 000 dinars. Les autres ont été écroué ou devaient passer en « flagrant délit ».
Il est à noter que des groupes d’adultes (équipé semble-t-il pour mettre le feu vite et partout) qui ont incendié « le printania » ont travaillé à l’aise. Les voisins qui n’ont pas cessé d’appeler la police et les pompiers, ont vu les troupes anti-émeute passer au bout d’une heure, mais seulement pour constater les dégâts et continuer leur route. Quant aux pompiers, ils ne sont même pas intervenus pour éteindre le feu.
On a également vu une DS noire immatriculée 99 et une golf blanche tourner à vive allure dans la ville pendant que leurs occupants tiraient sur les passants.
Les avocats réunis autour de Gouadni (LADH) ont obtenu le respect des procédures en menaçant de ne plus plaider en cas d’irrégularités. Sur l’initiative d’un groupe de jeunes avocats, les défenseurs ont décidé de ne pas prendre d’honoraires.
D’autre part, les 7 et 8, de nombreuse arrestations pour délit d’opinion ont eu lieu, dont un membre de la LADH. Certains détenus ont été sauvagement torturés, l’un d’entre eux a même subi le « casque allemand ».
6 – Mostaganem :
Manifestations en ville, pacifique au début, puis violente avec destructions. On parle de la destruction de la zaouia Belahouel et d’une villa leur appartenant. Des dizaines de sacs de farine, semoule, légumes secs, cacahouètes, amandes et des cartons de produits alimentaires, trouvés dans la zaouia auraient été remis l’hôpital ou brulés.
Les samedi 8 octobre alors qu’à Tijditt des jeunes manifestants s’attaquaient aux édifices publics, les étudiants de l’ITA ont organisé une marche sur le siège de la wilaya, dénonçant les conditions de la rentrée et scandant « non à la répression ». Cette marche pacifique n’a pas été arrêtées mais le lendemain, la police investit le campus de l’ITA, force les portes des chambres et arrête 125 étudiants, 2 travailleurs, 2 enseignants. L’ITA a été ensuite fermée et les étudiants renvoyés chez eux.
Au 18 octobre, le nombre de mort lors des manifestations dépassait la soixantaine. Les autorités ont fait conduire les corps directement au cimetière, bouclé par les forces de police qui menaçaient les familles de représailles au cas où elles parleraient.
Lorsque les familles se sont présentées aux autorité militaires pour réclamer les corps, celles-ci ont répondu que l’armée n’avait tué personne et qu’il fallait s’adresser aux véritables responsables.
Des échos convergents confirment que l’armée effectivement tiré en l’air et qu’elle ne serait responsable que de la mort de trois personnes à la suite de l’affolement de jeunes doudous.
Sur un inspecteur de police qui torturait les jeunes : « C’est un véritable barbare. En short, torse nu, il mordait violemment les jeunes pour les faire parler ».
Un juge, dépêché dans un commissariat a eu la main lourde. Il infligeait des peines allant jusqu’à) 10 ans de prison.
Un policier est activement recherché par la population. Il aurait abattu 3 à 4 personnes de sang froid. La population a placé un cercueil vide devant sa maison. Ce policier serait « sous protection ».
7 – Relizane :
Le tribunal a jugé une cinquantaine de personnes, le 11 octobre. Les avocats ont refusé de plaider et d’être complice. Les peines étaient toutes de 18 mois s’emprisonnement, sans distinction.
A noter qu’un travailleur de l’ONACO a été arrêté pour délit d’opinion.
8 – Tiaret :
Les émeutes se sont soldées par 11 à 12 morts, 60 à 80 blessés et des centaines d’arrestations. Tout a commencé le vendredi 07, vers minuit. Le samedi 08, un important mouvement de masse s’est dirigé vers la mouhafadha. Au début la marche était pacifique. A l’approche de la mouhafadha FLN, des forces de police ont tiré sur les manifestants. Des morts et des blessés sont tombés. C’est à ce moment là que ça a dégénéré. Les manifestants se sont attaqués à des édifices publics (bureau de la main d’œuvre ; EDIE,…).
Dimanche la journée a commencé par une grève générale et les émeutes se sont poursuivies. Dans des quartiers populaires et certaines usines, il y a eu des meetings, prises de parole, distribution de tract,… Un comité de vigilance a été formé pour aider les familles touchées, défendre les édifices publics (centre de sécurité sociale, écoles,…) et détecter les provocateurs et indicateurs. Toujours le 9 octobre, une marche pacifique a été organisée (3 blessés malgré son caractère pacifique). Elle a regroupé près de 3000 personnes. La population a adhéré pleinement et a apporté son soutien aux manifestants (you-you, caches, soins,…). Les principales revendications qui revenaient dans la bouche des manifestants étaient : pouvoir d’achat, chômage, logement. Ils ont dénoncé le luxe insultant d’une frange de la population et clamé leur désir de s’exprimer ouvertement et démocratiquement. A noter que les travailleurs se sont mis en grève et ont mis sur place des comités de vigilance pour protéger leurs usines.
Les émeutes se sont arrêtées le 11 octobre.
A remarquer aussi que les personnes arrêtées dans cette ville ont été torturées dans les locaux de la police. A SUIVRE