"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)
17 Janvier 2012
Il s'agit là d'objets de luxe, qu'au fond, seuls peuvent se payer quelques "nouveaux riches". Le lien avec les matières premières peut sembler ténu mais il est bien réel : qui sont en effet les acheteurs de ces produits de luxe ?
Des oligarques russes dont la fortune s'est faite dans l'énergie et les métaux (la potasse pour le repreneur du club de football de l'AS Monaco), des émirs du pétrole et du gaz (le Qatar) et puis des hommes d'affaires chinois, la Chine étant plus que jamais la clé de marchés mondiaux dont elle reste le débouché le plus dynamique.
Il y a en effet plusieurs manières de faire le bilan des marchés sur une année. Ainsi entre le début et la fin de 2011, les prix des matières premières ont diminué en moyenne de 10 %. Cela cache en réalité la forte hausse des premières semaines de 2011 suivie par un très net retournement à la baisse jusqu'à la fin de l'année, avant un léger rebond dans les premiers jours de 2012.
Mais si on raisonne en termes de moyenne annuelle (2011 par rapport à 2010), l'image est bien différente. En utilisant l'indicateur CyclOpe-Rexecode, on obtient une hausse globale de 35 % en 2011 (25 % si on exclut de l'indicateur énergie et métaux précieux).
Choc le plus important enregistré depuis les années 1970
Nous sommes bien au cœur du choc le plus important enregistré depuis les années 1970.
Les hausses les plus fortes ont été celles de l'argent (+ 75 %), qui devance le maïs (+ 68 %). Les seules baisses ont été celles du cacao (- 5 %) et surtout du fret maritime pour le vrac sec (- 44 %). La plupart des marchés ont terminé l'année à des niveaux de prix historiquement élevés. En dehors du cacao et du fret maritime, les seuls produits dont les prix sont insuffisants pour équilibrer les coûts moyens de production sont l'aluminium et le gaz naturel aux Etats-Unis.
En fait, au fil des mois, la dépendance des marchés vis-à-vis du débouché chinois n'a cessé d'augmenter. La Chine est devenue le paramètre incontournable de la quasi-totalité des marchés de commodités (à l'heure où les Chinois se mettent à sucrer leur café, le cacao demeure la notable exception).
Il en sera de même en 2012 et, selon que l'on situe la croissance de l'empire du Milieu à 7 % ou 10 %, on obtient des prévisions diamétralement opposées.
Mais, au-delà de la Chine, il faut aussi considérer les besoins de la planète : ceux-ci seront à moyen terme loin d'être satisfaits du fait de la montée en puissance de la consommation dans les pays émergents : qu'il s'agisse d'alimentation, d'énergie ou de métaux de base, les investissements actuels demeurent insuffisants alors que s'accumulent les obstacles (géopolitiques, réglementaires, environnementaux) à leur développement.
Les prix élevés du début de 2012 reflètent la réalité d'une situation dans laquelle la planète vit à crédit, mais en termes de ressources cette fois. Cela promet de beaux jours aux producteurs et à leur appétit pour tout ce qui brille.
Philippe Chalmin, université Paris-Dauphine, 16 janvier 2012. Le Monde Economie