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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Mohamed Merah : encore un nouveau mystère de la lutte anti-terroriste

Les impressions du jeudi

 

Par Saoudi Abdelaziz

 

 

Marine Le Pen et ses communicants avait adopté un profil bas, lorsque les médias avaient d’abord envisagé l’hypothèse d’un tueur aryen xénophobe à la Norvégienne. A l’annonce du profil du tueur ce fut un lâche soulagement.

 

Lorsque Mohamed Merah a été localisé et cerné, le ministre Guéant présente l’information comme s’il venait d’apprendre un scoop livré par le tueur : ce dernier a informé les policiers avec lesquels il négociait sa reddition, de son séjour en Afghanistan.

 

Est-ce vraiment une découverte ?

 

Robert Follorou, l’enquêteur du Monde  dégonfle la baudruche : « Selon nos informations, il s'est rendu, à deux reprises, en 2010 et 2011, au Pakistan pour intégrer des groupes de combattants basés dans les zones tribales pakistanaises, une région montagneuse semi-autonome qui longe l'Afghanistan sur 1 360 km et héberge le Tehrik-e-taliban Pakistan (Mouvement des talibans du Pakistan, TTP). Après avoir été entraîné dans des camps qui accueillent des talibans pakistanais, des djihadistes étrangers et des membres du puissant réseau Haqqani, il aurait franchi la frontière au sein de groupes envoyés se battre contre les soldats de l'OTAN en Afghanistan. »

 

Les services français pouvaient-ils ignorer ces faits ? Non : « Sa présence a été signalée aux services de renseignements afghans qui ont transmis l'information aux Occidentaux ». C’était hier, en 2010 et en 2011.

 

On connait la réputation d’extrême efficacité des services secrets occidentaux et particulièrement des services français, contre le terrorisme, servis par les grandes marges opérationnelles qu’offrent les lois anti-terroristes d’exception.

 

Comment ce djihadiste, fiché pour son appartenance au TTP, organisation pakistano-afghane qui accueille des djihadistes occidentaux et qui «a lié son destin à Al-Qaida » selon Jacques Follorou, a-il pu échapper au contrôle des services français pendant la période, nécessairement longue, de préparation des assassinats de Montauban et Toulouse ?

Encore un nouveau mystère de la lutte anti-terroriste.
Saoudi Abdelaziz, 22 mars 2012
Le tueur présumé de Toulouse aurait fait la guerre avec les talibans

 

Par Jacques Follorou

 

Tous les spécialistes du renseignement français le redoutaient : le passage à l'action d'un "loup solitaire djihadiste" français, radicalisé en dehors des réseaux et groupuscules connus placés sous surveillance, en Francecomme à l'étranger. La décrépitude d'Al-Qaida, avant même l'élimination d'Oussama BenLaden par les forces spéciales américaines, le 1er mai 2011, est sans effet sur un système déterritorialisé échappant à toute forme d'organisation et de structures, alimenté par un mécanisme de "franchise" où la simple invocation d'Al-Qaida vaut appartenance.

 

Mohammed Merah, 24 ans, le suspect présumé des attaques de Montauban et de Toulouse, présente ce profil. Selon nos informations, il s'est rendu, à deux reprises, en 2010 et 2011, au Pakistan pour intégrer des groupes de combattants basés dans les zones tribales pakistanaises, une région montagneuse semi-autonome qui longe l'Afghanistan sur 1 360 km et héberge le Tehrik-e-taliban Pakistan (Mouvement des talibans du Pakistan, TTP).

 

Après avoir été entraîné dans des camps qui accueillent des talibans pakistanais, des djihadistes étrangers et des membres du puissant réseau Haqqani, il aurait franchi la frontière au sein de groupes envoyés se battre contre les soldats de l'OTAN en Afghanistan.

 

 

Repéré par les services de renseignements

 

 

Il aurait ainsi d'abord séjourné dans les agences du Waziristan, dans les FATA, avant de se rendre dans le sud de l'Afghanistan, notamment dans les provinces de Kandahar et de Zaboul. Lors d'un séjour dans la région, il a été contrôlé par une patrouille de policeà l'entrée de la ville de Kandahar. Sa nationalité étrangère a attiré l'attention mais n'a pas constitué un motif d'arrestation. Néanmoins, sa présence a été signalée aux services de renseignements afghans qui ont transmis l'information aux Occidentaux.

 

Il appartenait donc à un groupe de talibans pakistanais auxquels s'adjoignent des étrangers venus prêter main-forte aux talibans afghans. Ces insurgés migrent de province en province dans toute la partie est de l'Afghanistan, en particulier lors de la saison des combats qui atteint son pic au cours de l'été. Les retours au Pakistan et en France du suspect s'expliquent notamment par l'arrêt, l'hiver, de ces déplacements d'insurgés venant du Pakistan.

 

Si les talibans afghans sont avant tout des religieux nationalistes, ils acceptent le soutien de ces étrangers qui conservent le plus souvent le visage masqué et ne parlent pas la langue locale.

 

Interrogé le 16 mars, à Ghazni, une ville afghane proche de la frontière pakistanaise par laquelle transitent de nombreux groupes insurgés, le général Sayed AmirShah, chef des services de renseignements afghans de la province, évoquait pour Le Monde l'existence de ces combattants venus des zones tribales.

 

"Il existe près de deux cents madrasas [écoles religieuses] dans les FATA qui enseignent le djihad aux futurs insurgés qui reçoivent ensuite, voire en même temps, un entraînement militaire." Le TTP a lié son destin à Al-Qaida et disposerait, selon les services de renseignements militaires américains basés à Khost, dans le sud-est de l'Afghanistan, d'une centaine de camps d'entraînement tout du long de la frontière. De la petite cour intérieure d'une maison au camp retranché, ces centres fournissent les troupes qui alimentent à la fois l'insurrection contre les forces occidentales en Afghanistan et contre l'armée d'Islamabad au Pakistan.

 

 

Des cellules combattantes éparpillées

 

 

Les frappes de drones américains qui se sont multipliées depuis 2009 contre ces centres d'entraînement et leurs responsables (423 en 2010 contre une en 2007) ont éparpillé ces cellules combattantes et ces lieux d'endoctrinement. Le parcours du tueur djihadiste de Toulouse montre la mobilité de ces individus qui peuvent se rendre du Pakistan aux zones tribales puis en Afghanistan avant de rentrer en France. De source britannique à Kaboul, on assurait, en février 2012, que les filières djihadistes se dirigeaient désormais vers l'Afrique.

 

A la différence des talibans afghans, le TTP a adhéré aux projets djihadistes d'Al-Qaida. Il a fourni son aide et même revendiqué, en mai 2010, la tentative d'attentat à la voiture piégée de Times Square, à New York. Le TTP a aussi prêté main-forte à l'opération d'infiltration menée par Al-Qaida contre la CIA par un médecin jordanien. Cet agent double avait fait sauter, le 30 décembre 2009, sa ceinture d'explosifs sur la base de Chapman, en Afghanistan.

 

Fidèle au chef des talibans, le mollah Omar, la puissante famille Haqqani a aussi ouvert ses camps et ses finances à Al-Qaida tout en maintenant des liens étroits avec les services secrets militaires pakistanais (ISI). Selon les services français, Haqqani a ainsi collaboré avec Abdul Hadi Al-Iraqi, chef militaire d'Al-Qaida pour l'Afghanistan arrêté en 2006, puis avec Abou LaithAl-Libi, responsable d'Al-Qaida pour l'Est afghan tué en 2008. Un parent du djihadiste jordano-palestinien Abdallah Azzam, connu sous le nom d'Abou Harès Al-Filastini, aurait également longtemps fait fonction d'agent entre le réseau Haqqani et Al-Qaida.

Selon les services de renseignement occidentaux, à Kaboul, "une centaine d'Européens seraient actuellement dans les zones tribales après avoir été pris en charge par des filières djihadistes". De source diplomatique, on indiquait, fin 2011, que la moitié de ces volontaires possédaient un passeport allemand et une dizaine de Français étaient recensés parmi eux par les services spécialisés. Des réseaux belge et algérien ont été identifiés et les individus ont souvent la double nationalité, germano-marocaine ou italo-algérienne.

 

Jacques Follorou, 21 mars 2012, Le Monde .fr

 

 

 

 

«D'origine algérienne»

par K. Selim

 

L'insistance des médias français à mettre en évidence «l'origine algérienne» du tueur présumé de Toulouse n'est pas marquée seulement du pur souci d'informer dans le détail. Cela semble obéir davantage à une volonté de marquer une altérité fondamentale, «l'origine algérienne» de l'auteur présumé des tueries l'emportant sur sa nationalité française, l'abolissant même. C'est un «autre» qui a commis le crime, un«étranger», pas un Français.

Le fait que les premières victimes, des militaires français ayant la même origine maghrébine que lui, est quasiment insignifiant. Un jeune de 24 ans né en France, de nationalité française, reste ainsi marqué et identifié, cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, par ses lointaines origines et surtout par sa religion. Des tueurs fous qui invoquent des idéologies de toutes sortes ou le simple plaisir pour commettre des carnages, on en connaît de la Norvège aux Etats-Unis. Et ils sont de toutes les couleurs et de toutes les confessions.

Cette «origine algérienne», martelée comme une sorte d'empreinte génétique et ethnique du crime, est d'autant plus insupportable que dans tout l'échiquier politique français qui attend la levée de la fausse trêve électorale, on n'arrête pas de ressasser qu'il faut éviter l'amalgame. Il est pourtant déjà là. Dans cette manière puissamment suggestive de servir l'information sur un délinquant à la dérive, comme il en existe par centaines dans les banlieues de l'ennui de France ou d'ailleurs.

Sur Facebook, en réaction à cette insidieuse«externalisation» hors de la nation française du présumé tueur, quelqu'un a suggéré «d'écrire de manière systématique : Nicolas Sarkozy, le président français d'origine hongroise. Jusqu'à ce qu'on y réfléchisse à deux fois avant de présenter telle ou telle personne comme étant d'origine maghrébine».

De fait, de nombreux Français «d'origine» maghrébine se retrouvent aujourd'hui avec le même sentiment qui les avait envahis après les attentats du 11 septembre 2001, où parfois des amis qui les connaissaient de longue date les appelaient pour leur hurler «pourquoi vous avez fait cela !». Même quand on appelle à ne pas mettre les musulmans «à l'index», on n'en pense pas moins
qu'ils sont tous «quelque part» comptables du crime que d'autres musulmans commettent. Et pourtant, personne n'a songé qu'il puisse exister un quelconque gène du crime ou une quelconque responsabilité de l'ensemble des Norvégiens après le carnage commis par l'un d'eux. Et cela aurait été absurde.

Cependant, les «musulmans» de France, notion très élastique, sont présumés responsables des actes commis par un jeune délinquant djihadiste délirant. Le climat électoral - où le halal a servi d'argument dans une concurrence odieuse entre la droite et l'extrême droite - mettait déjà les musulmans de France dans une posture défensive. Avec cette terrible affaire, et malgré le discours anti-amalgame, les musulmans de France risquent de se retrouver dans la posture de l'accusé.

K. Selim, 22 mars 2012. Le Quotidien d’Oran

 

 

Tuerie de Toulouse ou l’islamisme au secours d’une droite en difficulté

 

Par Hassane Zerrouky

 

Le meurtre d’enfants juifs à Toulouse a été commis par un islamiste. Un homme de 24 ans, visiblement connu des services de police et de renseignements français. La nouvelle a fait presque jubiler Marine Le Pen qui craignait qu’il s’agisse d’un acte commis par des fascistes, des gens de son bord politique. De son côté, l’UMP de Nicolas Sarkozy paraît également soulagé que ce ne soit pas un acte de type raciste.

C’est ce que la droite et l’extrême-droite française ont rivalisé dans la stigmatisation des populations de confession musulmane française et immigrée. Elles craignaient, après la tuerie de Toulouse, que leur campagne anti-viande hallal et autres thèmes anti-immigrés ne produise l’inverse du but recherché. A savoir créer un climat et un terreau propices à toutes les dérives et excès de nature raciste ou autre. Mais visiblement, Nicolas Sarkozy savait de quoi il en retournait. L’assurance affichée, sur fond d’émotion feinte, le jour même de ce crime odieux, montrait qu’il avait sa petite idée sur l’auteur de cet acte. En effet, juste après le meurtre des trois soldats français, la DCRI (services spéciaux français interne et externe) avait localisé le meurtrier et mis sous surveillance.

 

L’homme n’était pas un inconnu. C’est un djihadiste fiché par les services de police. Les renseignements français savaient qu’il s’était rendu à maintes reprises au Pakistan et sans doute en Afghanistan comme un vulgaire touriste européen se rendant aux îles Baléares. Les services de police avaient donc la possibilité d’intervenir avant que le tueur qui, après avoir tué à deux reprises, ne récidive une troisième fois. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Gageons que tout sera fait pour qu’une question aussi mesquine ne soit pas posée à ceux qui ont la charge d’assurer la sécurité du territoire français. En attendant, et bien que ça a déjà commencé, toute la question est de savoir comment la droite au pouvoir compte exploiter un tel acte pour rebondir électoralement. Et dans quelle mesure ce sera payant politiquement. Car, le moins qu’on puisse dire, est que ces crimes odieux commis par un islamiste se revendiquant d’Al Qaïda tombent à point nommé pour une droite et une extrême droite en manque cruel d’arguments frappants en mesure de faire basculer un rapport de force qui, pour l’heure, leur est défavorable.

 

Ce crime leur permettra de donner du sens à la campagne de stigmatisation des Français nés de parents non européens déjà pointés par Nicolas Sarkozy dans son discours de Grenoble quand il avait proposé de déchoir de leur nationalités les «voyous» qui se rendraient coupables de meurtre d’un policier français ! Et ce, avant que son ministre de l’Intérieur Claude Guéant ne prenne le relais sur des sujets aussi divers que la prétendue supériorité de la civilisation occidentale sur les autres, l’interdiction d’embauche des étudiants étrangers sous prétexte qu’ils prennent l’emploi normalement dévolu aux étudiants français et autres fadaises pêchées dans le discours de l’extrême droite ! En tout cas, au moment où s’écrivent ces lignes et, quelle que soit l’issue de cette affaire, tout porte à penser que le cours de la campagne électorale en France va s’en trouver modifié. Il y aura un avant et un après Toulouse. Les thèmes sécuritaires et de l’immigration=criminalité vont faire un retour remarqué dans la campagne électorale. Et comme une dérive peut en appeler une autre…

Hassan Zerrouky, 22 mars 2012. Le Soir d’Algérie

 

 

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