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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Plaidoyer pour l’autonomie des vrais acteurs économiques – Par Mohand A. Cherifi

Expert International, Mohand A. Cherif est membre de l’Instance présidentielle du FFS. Photo DR

19 décembre 2017

La guerre économique fait rage dans le monde. La mondialisation veut imposer un ordre néolibéral sur la planète afin de capter des marchés et des matières premières. Les barrières tarifaires et non tarifaires que l’Algérie a mises en place pour se protéger ne suffisent pas à contenir la pénétration étrangère sur notre territoire. Nos ressources du sol et du sous-sol, de la mer et du soleil, notre vaste territoire subissent des assauts multiples et multiformes. La vigilance s’impose à tous les niveaux.

Sous couvert d’un partenariat public-privé vanté comme mutuellement avantageux, des investissements directs étrangers occupent le terrain avec pour véritable finalité la captation du marché national pour leurs produits sans perspective réelle d’intégration économique. Le cas d’unités de montage automobile sans sous-traitance nationale effective illustre bien cette stratégie de conquête. La guerre économique n’est qu’à ses débuts. Il est temps de se ressaisir. La raison de notre inaction n’est pas due à la force de nos adversaires mais à la faiblesse de nos entreprises.

Face aux agressions extérieures, l’entreprise nationale se trouve désarmée

Dans le monde, l’entreprise est soutenue par l’Etat car rempart de la mondialisation prédatrice et vecteur de l’indépendance économique nationale. L’entrepreneur est considéré comme un héros car créateur d’emplois et de richesses.

Dans notre pays, qu’elle soit publique ou privée, l’entreprise placée sous la tutelle administrative de l’Etat centralisé, peine à naître, à fonctionner ou à se développer.  L’entrepreneur algérien, dans le secteur public n’est médiatisé que pour ses fautes de gestion ou ses mauvais résultats. Quant à celui du secteur privé, il est présumé coupable même quand il s’enrichit légalement alors que ceci est légitime puisque le profit est sa raison d’être.

Observateur du développement d’autres pays dans le monde dans le cadre de mes fonctions au sein du système des Nations Unies, je suis arrivé à la conclusion que pour promouvoir la création d’entreprises, densifier le tissu des PMI et PME existantes pour diversifier l’économie et hisser les grandes entreprises au niveau international, il faudrait lever les préjugés, rétablir un climat de confiance  entre l’Etat et les opérateurs économiques et prendre les mesures appropriées pour donner une impulsion nouvelle à l’entreprise publique et privée nationale et l’armer face à la compétition internationale. Pour cela, un bref rappel historique du statut de l’Entreprise algérienne depuis l’indépendance de notre pays s’impose pour en tirer les leçons.

En même temps, il faudrait analyser par comparaison  le cadre dans lequel évolue l’entreprise moderne dans le monde. Et partant de cet éclairage faire ressortir les mesures appropriées à prendre par l’Etat pour libérer l’entreprise des contraintes d’ordre juridique, administratif, technique ou financier afin qu’elle contribue effectivement au développement du pays en répondant aux besoins du marché national et en valorisant nos ressources par nos moyens propres.

Quelles sont les leçons à tirer du rapport de l’Etat à  l’Entreprise

De l’autogestion des entreprises nationalisées au lendemain de l’indépendance nationale dans les années 60 à la gestion socialiste des entreprises publiques dans les années 70, à leur restructuration dans les années 80 puis à leur organisation en holding dans les années 90 et en groupements dans les années 2000, il ressort une continuité dans la politique économique de l’Etat.

L’Entreprise publique demeure toujours sous tutelle administrative de l’Etat et n’a pas de réelle autonomie de gestion. Il y’eut certes une évolution vers plus d’autonomie mais l’entreprise reste dépendante à la fois du département ministériel concerné pour ses orientations et du conseil de participation de l’Etat  pour ses investissements.

La faiblesse de ses résultats de gestion ou la faible rentabilité de ses investissements ne doit être imputée  ni au caractère public de l’Entreprise ni à son encadrement, ni à ses travailleurs, mais surtout à son environnement bureaucratique et restrictif pour son financement et ses approvisionnements. La législation du travail et la réglementation des marchés et des prix sont autant de contraintes pour son fonctionnement et son développement.

S’agissant de l’entreprise nationale privée, elle a toujours été considérée par l’Etat comme un acteur secondaire du développement depuis l’indépendance du pays. Elle est tenue à l’écart des secteurs vitaux de l’économie et reléguée dans une position complémentaire et minoritaire au niveau des activités de transformation de biens et services de consommation, en aval de la production contrôlée par l’Etat. Une raison à cela. La crainte de l’émergence d’une bourgeoisie compradore qui investisse les rouages de l’Etat et accède au pouvoir par l’argent pour changer la nature du régime à son profit.

Depuis lors une évolution se dessine pour lui permettre de contribuer au développement du pays. Mais il faut savoir que dans tout Etat de non Droit et sans contrôle démocratique une telle ouverture fait émerger rapidement une classe d’affairistes spécialistes de la corruption, du transfert illicite de devises, de collusion avec des segments du pouvoir et des intérêts étrangers avec des velléités politiques, au point de dresser l’opinion contre cette ouverture.

La principale leçon à tirer de cette expérience est que pour renforcer l’entreprise nationale il faut instaurer une autonomie des vrais acteurs économiques. Une seule recette à cela : l’Etat doit faire confiance à l’Entreprise productive, la libérer de toutes les entraves. La régulation oui mais le contrôle, quant à lui, ne doit intervenir qu’à posteriori.

J’ajouterai à cela la nécessité de mettre en œuvre une planification stratégique, indicative mais non impérative, qui orientera la création et le développement des entreprises nationales. A ce sujet, je me réfère au séjour que j’avais effectué dans les années 70/80, en Hongrie, en Tchécoslovaquie et en RDA, pays communistes engagés dans des réformes économiques, pour me documenter, dans le cadre de mes recherches, sur le mode d’insertion du secteur privé dans les économies centralement administrées par l’Etat.

Ces réformes ont  toutes visé à décentraliser l’économie et à accorder progressivement une plus grande autonomie aux Entreprises publiques et privées dans le cadre d’un Plan indicatif et non plus impératif. Ce sont ces réformes qui sont à l’œuvre aujourd’hui dans ces pays et qui ont créé des tissus économiques publics et privés denses et compétitifs.

J’ai retenu de mes échanges avec les organes de planification de ces pays ceci. Libérer l’entreprise est tout bénéfice économique et sans risque pour l’Etat dès lors que l’Etat se fixe des objectifs à moyen et long terme dans le cadre d’un Plan stratégique indicatif favorisant un développement économique autocentré et une économie sociale de marché par opposition à un marché libéral non régulé. Les entreprises auront tout intérêt à y inscrire leurs activités pour bénéficier des avantages de l’Etat: crédit, exonération fiscale, assiette foncière et autres.

Dans quel sens orienter l’entreprise nationale

A cet effet, il suffirait de s’inspirer des économies émergentes qui -grâce à la redéfinition du rôle de l’Etat, régulateur et non gestionnaire et à la modernisation de leurs entreprises- ont pu affronter la compétition étrangère sur leur marché intérieur et à l’exportation, de préserver leurs secteurs stratégiques et de sauvegarder l’indépendance de leur économie.

Il faudrait également observer la tendance générale de leurs politiques publiques et l’orientation  économique et sociale de leurs entreprises performantes. Ces politiques publiques ont donné une large autonomie aux Entreprises, supprimé toute discrimination entre entreprises publiques et privées, et renforcé les entreprises nationales œuvrant dans les secteurs stratégiques.

Il est aisé de constater par ailleurs que les entreprises qui ont le mieux réussi sont celles qui  ont axé leurs activités sur le développement durable de leur territoire d’intervention dans le respect  de la Charte de l’Entreprise citoyenne, de la Responsabilité sociale de l’Entreprise, des 17 Objectifs du développement durable et des 10 principes du Pacte mondial des Nations Unies. Pour s’assurer que l’entreprise nationale inscrira désormais son développement dans le respect de ces critères, il faudrait élaborer un Code de bonne conduite en incitant les entreprises à y souscrire.

Armer l’Entreprise, oui mais comment ?

L’Etat ne doit pas s’immiscer dans la gestion des entreprises. Son rôle consiste à réguler et à faciliter leurs activités en leur créant un environnement favorable et des incitations fiscales et financières appropriées. Parmi les mesures préconisées, il suffit de se référer à la pratique des pays développés en la matière :

– Amélioration du cadre juridique (simplification des formalités de création d’entreprises)
– Simplification des procédures liées au fonctionnement et à l’investissement (approvisionnement, financement,  exportation)
– Accès aux marchés publics et paiement accéléré des créances
– Formation des jeunes à l’entreprenariat
– Encouragement des investissements (Zones d’activités économiques, crédits bonifiés, exonération fiscale)
– Encouragement des exportations (guichet unique, foires et expositions, diplomatie commerciale, importation des intrants en vue export)
– Promotion des partenariats public/privé national
– Protection de la production nationale naissante
– Encadrement des entreprises étrangères par des conditions strictes d’investissement (intégration locale, bilan devises positif, rentabilité économique et sociale, orientation vers des zones défavorisées, création d’emplois).

Source : ffs.dz

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