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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Les inondations du Tassili n’Ajjer unissent les habitants de Djanet et Ghat

Photo : elwatan week-end

Photo : elwatan week-end

Par Bouda Brahim, 7 juin 2019

Les inondations de la ville de Djanet ont mis à nu les capacités institutionnelles sectorielles pour faire face aux catastrophes naturelles, dans cette partie de l’extrême sud-est du pays distante de 2200 km d’Alger.

C’est peut-être à cause de cette longue et ennuyante distance qu’on ne se soucie pas précocement pour ce genre de catastrophes, bien que les inondations d’Illizi, en 2006, servaient de référence et ont été à l’origine d’une prise de conscience des autorités locales. Mais qu’est ce qui a changé, depuis, pour protéger les habitants de ce risque majeur ? Cette fois-ci, la douleur est partagée entre les deux peuples algérien et libyen. Du côté algérien, les habitants de la ville de Djanet, malgré leurs souffrances, lancent un appel humanitaire au profit de leurs familles vivant dans la ville de Ghat, livrées à elles-mêmes.

«La civilisation du Tassili n’Ajjer s’étend de Taflellat en Algérie jusqu’à Akakous en Libye. Ce sont des tribus et des familles unies et entretiennent des relations historiques et des échanges commerciaux. C’est uniquement la frontière terrestre qui les sépare. D’ailleurs, les habitants de Djanet ne cessent de réclamer la réouverture de la frontière à Tin Alkoum», explique Abdelkader Attaouat, un habitant de Djanet.

De son côté, Ibrahim Ghouma, membre du Conseil de la nation et amenokal des tribus du Tassili n’Ajjer, a lancé, mercredi, un appel aux autorités algériennes ainsi qu’aux organisations humanitaires de venir en aide aux habitants de Ghat, ville située à l’extrême sud-ouest de la Libye.

Le village d’In Abaghbagh, à Djanet, sinistré

«Nous sommes en détresse et dans l’isolement total, les eaux boueuses sont arrivées d’un coup dans nos maisons, dont certaines sont effondrées. Je n’arrive pas à voir les membres de ma famille durant les jours de l’Aïd. Et nous ne pouvons pas rejoindre le centre-ville de Djanet pour nous approvisionner en produits alimentaires et en viande.

Ici il n’y a que peu de commerces et c’est trop cher», nous confie Asma Mechar, une habitante du village d’In Abaghbagh, près de Djanet, qui tient à saluer les forces de l’Armée nationale populaire et de la Protection civile qui ont pris en charge le transport des citoyens et des écoliers du village vers la cité de Zelouaz, lors de l’examen de 5e année primaire.

Notre interlocutrice précise que les malades du village, notamment les femmes enceintes et les insuffisants rénaux, empruntent une piste secondaire sur les montagnes de Tisras, en passant par le désert de Takrankaret, pour rejoindre l’oasis d’Adjahil et par la suite l’établissement hospitalier de la ville, et ce, grâce à l’aide des propriétaires de véhicules 4×4.

En effet, la situation dans le quartier d’Adjahil, situé sur la rive ouest de Djanet, est presque identique à celle d’In Abaghbagh : «Des palmiers sont tombés sur les routes, déjà portés par les crues, à cela s’ajoute de longue coupure d’électricité.

C’est insupportable, même le numéro de la cellule de crise est hors service et ses membres n’ont pas encore visité le quartier», lit-on sur la page facebook de Tadokilt tan Aghrem n’Adjahil (l’association du ksar Adjahil). «Les citoyens doivent faire preuve de vigilance et ne pas prendre le risque de traverser l’oued», alertent les services de l’Armée nationale populaire et de la Protection civile sur les réseaux sociaux.

Mercredi soir, l’isolement du village d’In Abaghbagh a été rompu par une visite symbolique du chef de daïra de Djanet, Ouassila Bouchachi. Pour leur part, les services techniques de l’Algérienne des eaux, de la Société de distribution d’électricité et du gaz et de la Protection civile travaillent d’arrache-pied pour rétablir les coupures et entretenir leurs réseaux respectifs afin de garantir leurs prestations et venir en aide aux citoyens. Mais la réalité du terrain dépasse de très loin leurs capacités d’intervention.

Quelle est l’origine de l’ampleur de cette catastrophe ?

Convaincus que la catastrophe dépasse largement les capacités des instances locales, un élan de solidarité s’est manifesté entre les jeunes de différents quartiers de la ville de Djanet afin de venir en aide aux familles sinistrées avec les moyens du bord. L’heure est à l’estimation des dégâts, car à vrai dire, les causes de ce lourd bilan sont loin d’être d’origine pluviométrique.

Ces inondations sont bien plus dues la gestion anarchique de l’espace urbain par les pouvoirs publics à la construction illicite dans le lit de l’oued. Les internautes ont manifesté leur colère envers «les soi-disant entrepreneurs et projets de développement local», mais aussi et surtout sur «l’irresponsabilité cumulative des institutions étatiques qui se rejettent la balle et se cachent.»

Cette multitude de causes aurait de quoi plonger une population entière dans la tristesse, l’incompréhension et le désespoir. Sur sa page facebook, Bilel Mansouri, membre de l’Assemblée populaire de la wilaya (APW) d’Illizi, s’interroge sur les raisons de la non-activation du plan d’Organisation des secours (Orsec) et la passivité des autorités locales.

Pourquoi Djanet n’est-elle pas déclarée zone sinistrée comme le prévoit la loi n°04-20, relative à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes dans le cadre du développement durable ?

Pour sa part, Salim Beltou, un habitant de Djanet, dénonce le silence radio observé par les télévisions et autres médias de masse. «Les médias nationaux ignorent les évènements de Djanet, le Sud est le cadet de leurs soucis», écrit Salim sur sa page facebook.

En attendant que l’eau se retire des zones inondées et que les secours parviennent à atteindre des endroits inaccessibles, les habitants du Tassili n’Ajjer sont dans l’obligation de gérer leur quotidien et de supporter leurs souffrances en silence.

Source : El Watan

 

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