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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Journaux algériens-Les émois de deux patrons de presse et les "beaux rôles" du DRS

Par Saoudi Abdelaziz, 29 mai 2013

  L’un sèche devant une page blanche, l’autre prend le thé sur les hauteurs d’Alger avec Monsieur X., en attendant délicieusement le scoop. Ces deux anciens journalistes d’El Moudjahid, devenus patrons de la presse « indépendante », vivent des émois très différents ce matin.   

On sait que les anciens journalistes d’El Moudjahid ont bénéficié en 1990-1991 de subventions confortables pour lancer la « presse indépendance ». C’est unes des conséquences  des évènements d’octobre 88 et de l’instauration du pluralisme sous contrôle, qui continue de structurer la vie politico-médiatique en Algérie.

Maamar Farah est directeur du Soir d’Algérie. Sa chronique quotidienne est intitulée aujourd’hui « Feuille blanche ». C’est un curieux coup de blues nostalgique sur sa jeunesse à El Moudjahid, au temps où il n’avait qu’un seul chef. Il écrit

« Savez-vous que la seule autorité qui pouvait intervenir dans la ligne éditoriale était le ministère de l'Information. Le Parti avait ses organes et l'armée éditait El Djeïch. Quant à la sécurité militaire, elle n'avait pas encore de journaux et se chargeait de nous surveiller au sortir des bureaux. Nous découvrions toujours un ou deux de ses agents, attablés dans le café que nous fréquentions, et qui avaient l'oreille tendue vers nos discussions. Nous étions journalistes, un point barre ! Engagés, socialistes, soutenant la ligne politique révolutionnaire de l'époque, nous n'étions ni flics, ni indics ! Maintenant, dans certains journaux dits indépendants, le planton est déjà un sergent en civil. Le chef de rubrique, un capitaine et le rédacteur en chef un colonel ! Et certains enfants de généraux éditent même des quotidiens ! »

Coup de cafard du directeur délaissé, en manque de « sources » pour alimenter les scoops et l’audience qui va avec ? « Tout le monde le sait », que comme pour de nombreux confrères, la matière made in DRS est habituellement le pain quotidien du Soir et des autres indépendants. On sait aussi que la Présidence dispose dans la presse écrite de ses propres canaux concurrents, depuis quelques années déjà.

Digression. Récemment encore, le feuilleton de révélations made in DRS, signé Ali El Hadj Tahar, a bien boosté les ventes du Soir d’Algérie. Il nous a démontré, avec une impressionnante masse documentaire, que tout ce qui s’est passé en 2011, en Tunisie compris, est une manigance du couple CIA-islamisme, manipulant les syndicats UGTT, les blogueurs et autres ONG. L’ancien maître-espion et chef de la DST, Yves Bonnet, a confirmé la chose. Cela plaît aux chefs du FLN, du RND, mais aussi au PT de Louiza Hanoune. Chez nous, Sidi Saïd peut certes dormir sur ses deux oreilles, mais gare aux syndicats autonomes, à Belabbès et à son l’ONG des chômeurs! On les a à l’œil. Le 15ème épisode du feuilleton du Soir d’Algérie titre en apothéose : « Le printemps arabe : les néoconservateurs américains à l’assaut du monde ».

 « Beaucoup parmi vous, chers amis lecteurs, ne connaissent pas l'angoisse de la feuille blanche », confie donc Maamar Farah. Hier, la météo était morose à Alger et ce matin, il le sait sans doute, la une de son journal n’aura pas beaucoup de succès. Elle est consacrée à l’aspirant-président Ahmed Benbitour, ex-premier ministre, qui assure la permanence médiatique, en ces temps creux d’une actualité politique incertaine. « Benbitour, qui était l’invité du talk-show de la web radio de Maghreb Emergent, estime n’avoir pas fait d’erreur stratégique en annonçant prématurément sa candidature », rapporte le Soir. On sait pourtant qu’en cas de bavardages prolongés tous azimuts dans les colonnes des journaux, le taux marginal de satisfaction des lecteurs a tendance à baisser.

 Cette une Benbitour va-t-elle faire le poids face à celle d’Ahmed Fattani, directeur de l’Expression et  ancien collègue d’El Moudjahid qui titre sur huit colonnes en première et en dernière pages  sur «Le retour au bercail »  de Bouteflika ? Sans doute pas, car le président malade reprend du service dans quelques jours annonce Ahmed Fattani, qui a été choisi pour ce scoop (on verra bien s’il est authentique) sans doute parce qu’il s’est bien tenu pendant  la controverse sur la santé de Bouteflika.

 En relatant sa rencontre avec monsieur X, son informateur, Ahmed Fattani ne cache pas son exaltation :

« Ce lundi après-midi, l'homme qui me reçoit dans une villa, sur les hauteurs d'Alger, compte beaucoup par son poids et l'influence qu'il exerce sur les rouages de la République. Ce responsable tient à garder l'anonymat. Il a ses raisons. Ce «verre de thé» laisse déjà exhaler de belles promesses sur le sujet des révélations qu'il s'apprête à me faire. Sa démarche est officieuse, cela s'entend bien. »

Le journaliste fréquente dorénavant du beau monde. Belle revanche de ce fondateur de Liberté, qui s’était fait piquer son journal par le patron milliardaire Rebrab, auquel il avait malencontreusement vendu des « parts »...

Post-scriptum

Le DRS s’invite dorénavant, sans intermédiaires, dans les journaux. Il fait la une d’El Watan ce matin (journal appartenant aussi à d’anciens journalistes d’El Moudjahid). Mohand Aziri explique :

« A rebours de sa réputation de sinistre police politique, le DRS, héritier de l’ancienne Sécurité militaire, du MALG, endosse depuis 2010 les beaux rôles, passant, depuis, pour le défenseur de la veuve et de l’orphelin, le nettoyeur des écuries d’Augias, le sauveur de la République menacée par des légions de pourris. Et au DRS de se mettre en scène. Sans complexe… »

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