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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Retour à Erraguène, la nouvelle randonnée de Karim Hadji

Je l'avais depuis longtemps désiré. J'y suis allé. Je souhaitais revoir Erraguène et Bida, deux localités perdues et coincées à l'extrême sud-ouest de la wilaya de Jijel, à la limite des frontières de Béjaïa et de Sétif. Je voulais encore visiter ces contrées touchées de plein fouet par les décennies d'isolements, de migrations, de pauvretés, puis des tueries et des déplacements. Je désirais tâter le pouls des montagnes généreuses mais abandonnées, faire comme un médecin de campagne au chevet de ses nombreux patients brusquement affaiblis.

 

 

Un nouveau reportage de Karim Hadji, mars 2014

EXTRAITS

 

Ces cités rurales, avec Selma, sont situées aux confins de la géographie et des administrations locale et centrale ; dire ainsi, pour mieux expliquer, dès le départ, un terme générique malheureux applicable à ses régions : l'isolement durable. Pourtant la commune d'Erraguène, par exemple, n'est qu'à une quarantaine de kilomètres de Jijel et on mettra, figurez-vous, deux heures environ pour y arriver. On est assurément loin des autoroutes, loin des routes et de la communication tout court.

Cependant, je disais, j'y suis retourné.

L'occasion s'est donc présentée le 22 mars 2014. J'étais invité par l'association « SAFIR pour le Tourisme » qui active dans la wilaya de Jijel. J'en remercie ses membres en passant. Mais je devais en retour leur rendre l'amabilité du geste, par ce texte, en décrivant même furtivement la visite d'Erraguène et la randonnée qui s'en est suivie à la pittoresque Bida. J'espère que d'autres en feront de même pour publiciser la région.

Rendez-vous est donc pris pour le matin à 8 heures, comme indiqué sur l'invitation, sur laquelle mon nom en arabe a été mal transcrit, alourdit d'un aleph inoffensif et que, dès le départ je pardonne la faute. Dix minutes avant, un monde bigarré attend déjà près de l'esplanade de la mairie, baignée par un soleil du matin, et lieu du rassemblement. Trois bus sont également garés au bord du trottoir : un particulièrement peint en orange embellit de sa chatoyante couleur l'ambiance de l'attroupement, il sert généralement au transport scolaire dans nos communes montagneuses. Mais un contretemps s'en est mêlé. Deux ou trois bus qui devaient venir d'Erraguène sont en retard. Un imprévu qui aurait du être traité la veille. En effet, il aurait été judicieux, comme l'a affirmé un convive, que les deux bus passassent la nuit au parc de la mairie de Jijel et que leurs chauffeurs soient pris en charge localement pour la nuit, pour qu'ils soient tout à fait prêts pour le lendemain.

Sans attendre leur arrivée, un responsable du voyage règle les derniers détails et, invite chaque association à regrouper ses membres pour qu'ils prennent les bus déjà présents. Un autre, s'en est fait transmetteur. Sa voix est transportée par un haut parleur qui en dénature la voix, le son qui en émane se ballade au gré des circulations d'un jeune, se faufilant entre les groupes d'hommes ou de femmes assez compacts, et trimballant, tantôt de sa main droite, tantôt de sa main gauche moins forte, l'enceinte du porte-voix qui siffle dès qu'il s'approche du communicateur. Mais tout le monde comprend.

Finalement, deux bus tout aussi orange viennent d'arriver d'Erraguène. Tout le monde est soulagé et l'heure du départ approche joyeusement. Moi, venant à titre individuel, suis pris dans une voiture convoyée par un ami de l'université de Jijel et membre de l'association « Safir », un autre invité est avec nous.

Nous quittons Jijel et nous nous dirigeons vers Texenna, 22 km plus au sud. Le trajet est vite consommé, la route large et goudronnée est praticable malgré la montée. Après le col, on se gare à quelques dizaines de mètres plus loin, pour attendre le reste du convoi. Il est presque neuf heures. Certains profitent pour boire de l'eau ou un café oublié du matin.

Quelques minutes après les bus arrivent, ils sont rejoins par un autre de Texenna qui les attendait, celui-ci transporte une troupe de jeunes garçons et filles scouts joliment parés et tout aussi beaux. Les autocars ne se s'arrêtent pas, à raison, ils continuent leur chemin.

Le trekking roulant débute. On prend aussitôt la bifurcation droite menant vers Selma. La route, ancienne piste, est tracée à même les flancs sud des montagnes abruptes du littoral jijelien. Elle est à équidistance des sommets et du lit de l'oued Djendjen, cours d'eau qui a buriné et déchiqueté la région. La route en lacets, à faire vomir, nous montre d'époustouflant paysage.

On longe ainsi, les djebels Msid ech Cheta (1543 m) et Fedj el Teffah (1400m env.). À notre gauche, des pentes en précipices dévalent en direction de Djendjen, rabotées par les affluents de ce dernier. Sans vie qui s'observe, la nature s'éclate. Les lueurs du matin illuminent encore plus le décor. Sans que les humains n'y participent, le soleil grimpant à l'est met en relief les contreforts abrupts du Tamesguida. J'aperçois et je reconnais alors des endroits qui m'étaient familiers, ils s'échelonnent sur la rive droite de l'oued Djendjen : Djebel el Kalaâ, Djebel Tirourane, Oued Bou Nassa sortant en cascade d'un défilé, oued Asmassene frayant son chemin entre deux flancs en "V " impressionnants et sans doute dangereux. Lui aussi vomit en cascade, trahissant là, la limite des terrains imperméables et les affleurements calcaires du dessus. Une bonne et simple leçon de géologie.

Sur l'exiguë route, depuis Hmara et Tarakecht, plusieurs engins de travaux publics sont essaimés le long du parcours. Ils s'attellent à la réfection de la route, une piste muletière ancienne devenue subitement et miraculeusement une voie routière. Celle-ci n'est pas très large et deux véhicules peuvent difficilement s'y croiser. D'ailleurs, je me pose la question, pourquoi on n'a pas élargie plus encore le tracé et, traiter davantage les talus. Le cas aurait satisfait davantage les habitants, qui par ailleurs ont déserté les lieux à cause de l'insécurité ancienne et le dénuement. Cette région depuis Hmara jusqu'à Bida, c'est-à-dire à la frontière de la wilaya, en passant par Selma et Erraguène, est frappée par le sceau de l'enclavement et de l'isolement. En agrandissant la route, on aurait réglé le problème du transport sur une cinquantaine d'année, peut être plus. À l'instar des vaisseaux sanguins, et grâce à la communication, les âpres terrains auraient été derechef retravaillés et revivifiés. Le tourisme de montagne, qu'il soit culturel, sportif, ou scientifique, aurait également trouvé un début de pratique salvateur. D'énormes potentialités existent. La léthargie et la dormance publiques tout autant. À moins que la région ne s'agrippe qu'au dicton ou aux complaintes chroniques comme pourrait le suggérer la source qui coule près de Kebaba : Aîn Mechaki (source des lamentations). Cela reste de la fatalité. On préfère l'appeler source des doléances, celle qui absout les souffrances. Et c'est notre appel aux autorités pour qu'il en soit ainsi (...) 

Reportage intégral illustré: http://www.jijel-archeo.123.fr/randonnee/index.php?folder=nature&page=erraguene_2014

Le lac du Barrage d'Erraguène, photo Karim Hadji

Le lac du Barrage d'Erraguène, photo Karim Hadji

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