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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Le programme de Macron: un copier-coller du programme de stabilité européen

Emmanuel Macron lors de la présentation de son programme le 2 mars. Photo DR

Emmanuel Macron lors de la présentation de son programme le 2 mars. Photo DR

"Pour Emmanuel Macron, la discussion ne semble pas avoir lieu d’être. La politique définie par l’Europe est la seule voie à suivre, comme pendant toute la présidence de Hollande. Une grande partie de ses mesures économiques et sociales sont même des copier-coller des recommandations adressées par le Conseil européen à la France dans le cadre du programme de stabilité en 2014, 2015, 2016."

Dans le détail du programme de Macron: un copier-coller des recommandations européennes

Par Martine Orange, 10 mars 2017 . Mediapart

Finances publiques, retraites, chômage, droit du travail et même grands projets comme le développement numérique, toutes les réformes structurelles que le Conseil européen demande à la France depuis plusieurs années se retrouvent dans le programme d’Emmanuel Macron. Mot pour mot.

Des milliers d’intervenants de la société civile, des comités locaux dans toute la France réunis par thèmes, des centaines d’experts pour débattre des projets, des groupes pour analyser les propositions et sélectionner les meilleures… Emmanuel Macron n’a pas manqué de souligner la démarche originale mise en œuvre pour l’élaboration de son programme et pour justifier le retard pris. Il fallait du temps pour élaborer le plan d’ensemble, a-t-il expliqué avant de dévoiler ses mesures le 2 mars.

Mais était-il vraiment nécessaire de mobiliser tant d’énergies ? Car à lire ses propositions économiques et sociales, il n’y a pas vraiment de nouveauté : elles sont en parfaite résonance libérale avec ce que souhaite l’Europe. En soi, ce n’est pas surprenant. Emmanuel Macron n’a jamais caché être en faveur d’une intégration européenne de plus en plus en poussée, passant par la mise en œuvre d’une harmonisation politique, fiscale et budgétaire. Cette adhésion se manifeste sans retenue. Il n’y a pas la moindre distance, le plus petit soupçon d’un doute sur les thèses économiques de l’Europe, qui ont quand même contribué à enliser la zone euro dans la stagnation économique et le chômage de masse entre 2010 et 2015. Pas le moindre écho non plus aux révisions importantes qui ont lieu dans les cénacles d’économistes aux États-Unis, dont certaines études concluent que le libéralisme a été survendu, aggravant les inégalités et compromettant les chances de retour d’une croissance durable.

Pour Emmanuel Macron, la discussion ne semble pas avoir lieu d’être. La politique définie par l’Europe est la seule voie à suivre, comme pendant toute la présidence de Hollande. Une grande partie de ses mesures économiques et sociales sont même des copier-coller des recommandations adressées par le Conseil européen à la France dans le cadre du programme de stabilité en 2014, 2015, 2016.

Finances publiques, retraites, chômage, droit du travail et grands projets comme le développement numérique, tout s’y retrouve. Même la manière de les décliner. À l’instar de la Commission européenne, le candidat d’En Marche !, qui pourtant ne cesse de se réclamer d’une vision, se refuse à donner un cadre général cohérent à sa politique. Il préfère énumérer une série de points, comme il l’avait fait dans le cadre de la commission Attali, ou pour sa loi sur la croissance (la loi Macron), comme le fait la Commission dans ses rappels à l’ordre aux pays de la zone euro, ramenant ainsi la politique à une énumération technocratique.

Emmanuel Macron y met cependant les formes. Parce qu’il sait qu’il existe des mots qui heurtent, il a rayé dans son programme toute référence aux politiques d’austérité. Il mentionne tout juste, au détour d’une simple parenthèse, un « déficit ne dépassant pas 3 % dès 2017 et [l’]atteinte, en 2022, de l’objectif à moyen terme de solde structurel soit - 0,5 point de PIB ». Comme si cela n’était qu’une mention accessoire, un petit rappel pour mémoire sur lequel il était inutile de s’appesantir.

Dans les faits, il s’agit pourtant de se conformer à la lettre aux règles budgétaires définies par l’Europe. Mais s’il n’insiste pas sur la règle mère, il en donne la traduction : les dépenses publiques doivent baisser de 60 milliards en 5 ans, afin de ramener le taux de dépenses publiques dans la norme européenne. Tout un panel de mesures est envisagé pour y parvenir allant de la suppression de 50 000 postes dans la fonction publique à l’encadrement des dépenses de santé, et à la réduction des dépenses des collectivités locales.

C’est exactement ce que préconise le Conseil de l’Europe dans sa lettre de recommandation adressée à la France en juillet 2016 : « Le Conseil recommande que la France s’attache à assurer une correction durable du déficit excessif en 2017 au plus tard, en prenant les mesures structurelles requises et en consacrant toutes les recettes exceptionnelles à la réduction du déficit et de la dette ; à préciser les réductions de dépenses prévues pour les années à venir et accentuer les efforts pour accroître le montant des économies générées par les revues de dépenses, y compris en ce qui concerne les dépenses des collectivités locales. »(...)

La démolition programmée du système social français

(...) L’autre grande réforme mise en avant par Emmanuel Macron est celle de l’assurance chômage, passant par l’étatisation de l’Unédic. Une réforme majeure, insiste le candidat d’En Marche !, qui permettra de donner une assurance chômage à tous, « salariés, artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales, agriculteurs, et [de] faciliter les transitions d’un statut à un autre ». Cette unification conduirait à la suppression de tous les régimes spéciaux, à l’unification de tous les systèmes (37 au total). Là encore, le Conseil européen réclame cette réforme et la suppression des régimes spéciaux depuis des années.

Le financement de cette assurance chômage d’État est encore flou. Le plan d’Emmanuel Macron prévoit de remplacer les cotisations salariés (2,4 % du salaire) par un financement via la CSG. Mais les employeurs continueraient-ils encore à payer pour les cotisations chômage ? Le recours à la CSG, impôt non progressif qui concerne aussi les retraités, mettrait en tout cas à bas tout le système assurantiel actuel.

« Le risque est que les allocations chômage deviennent une allocation universelle dont le niveau serait très bas », avertissent les Économistes atterrés. La tentation sera d’autant plus grande que le système sera centralisé et, comme pour la retraite par points, il suffira d’un décret pour en fixer le montant.

Cette réforme de l’assurance chômage est, elle aussi, vivement souhaitée par le Conseil européen. « Des mesures structurelles sont nécessaires pour garantir la soutenabilité du système. En particulier, les conditions d’éligibilité, la dégressivité des allocations et les taux de remplacement pour les salaires les plus élevés devraient être réexaminés par les partenaires sociaux chargés de la gestion du système », écrivait-il dans sa recommandation de juillet 2015. « D’ici à la fin de 2016, entreprendre une réforme de l’assurance chômage afin de rétablir la viabilité budgétaire et d’encourager davantage le retour au travail… », insistait-il encore dans sa recommandation de juillet 2016.

Emmanuel Macron a bien entendu le dernier conseil : « Si plus de deux emplois décents, selon des critères de salaire et de qualification, sont refusés, ou que l’intensité de la recherche d’emploi est insuffisante, alors les allocations seront suspendues », est-il prévu dans son programme.

Ces réformes, qui touchent aux piliers du système social français, ont été annoncées sans aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux. Il est fort probable que les discussions soient réduites au minimum, voire inexistantes, si Emmanuel Macron est élu. Bien qu’il garde le silence sur le sujet, des observateurs pensent qu’il n’hésitera pas à tout mettre en œuvre par ordonnances, ces ordonnances dont il a abusé pour faire passer la loi qui porte son nom. Ce qui ne devrait pas trop chagriner le Conseil européen, lequel juge le paritarisme trop compliqué et trop peu sûr.

C’est notamment le cas dans le droit du travail. Les services de l’Europe jugent que les seuils et toutes les règles qui y sont fixées « limitent la croissance des entreprises françaises ». Ils ne cessent d’en demander la suppression, ainsi qu’une réforme « du droit du travail pour inciter les employeurs à embaucher en contrats à durée indéterminée ». N’ayant pas pu présenter la grande loi du travail qu’il souhaitait pour cause de rivalité avec Manuel Valls, Emmanuel Macron entend bien poursuivre le chantier et écrire ce qui n’a pu être mis dans la loi El Khomri. Il entend mettre « la négociation au plus près du terrain », en permettant de définir la durée du travail, les accords sociaux entreprise par entreprise, « adapter le droit du travail à la taille », comme il le propose.

Une seule règle nouvelle sera instituée au niveau national : un plancher et surtout un plafond pour les indemnités prud’homales. Un dispositif qu’il n’avait pas réussi à imposer dans le cadre de la loi El Khomri.

Parmi les recommandations faites à la France, l’une tient particulièrement à cœur au Conseil européen : c’est la pérennisation du CICE et tout ce qui peut permettre l’allègement du coût du travail, jugé « trop élevé » en France. « Des mesures ont été prises pour réduire le coût du travail et améliorer les marges bénéficiaires des entreprises, notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et [pour ce faire ] l’emploi de 20 milliards d’euros et l’allègement des cotisations patronales de 10 milliards d’euros […]. La manière dont ont été conçues ces mesures, qui représentent 1,5 % du PIB et contribuent à combler l’écart entre le coût du travail en France et la moyenne de la zone euro, pourrait limiter leur efficacité », note le rapport européen en juillet de 2016, avant de recommander de « veiller à ce que les réductions du coût du travail soient pérennisées ».(...)

Texte intégral : Mediapart

 

 

 

 

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