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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Face à la fièvre sociale, le pouvoir choisit de casser le thermomètre

Ghada Hamrouche, directrice éditoriale. Photo DR

Ghada Hamrouche, directrice éditoriale. Photo DR

Par Ghada Hamrouche, 24 janvier 2018

En Égypte, l'autoritarisme brutal du régime prend des tours ubuesques où le plus court chemin pour aller en prison, y compris pour des généraux, est de se porter candidat à la présidentielle face à Sissi.

L'Algérie n'a pas encore atteint ce stade dans le tragi-comique mais la conjonction de la montée des contestations sociales et de la préparation, à peine cachée, de la présidentielle de 2019 accentue le recours à des dispositions d'état d'exception en cours depuis plus de deux décennies.

Ailleurs, l'expression publique des contestations sociales par des grèves et des manifestations, constitue un thermomètre que les pouvoirs publics doivent surveiller avec attention. Et la pire des réponses consiste à casser le thermomètre. C'est ce que fait le gouvernement algérien en recourant de manière abusive à la justice pour déclarer illégaux les mouvements de grève.

Casser le thermomètre ne guérit pas de la maladie, malheureusement ceux qui sont aux commandes semblent le croire. Les dispositifs mis en place durant la longue période d'état d'urgence -et intégrés depuis dans la loi ordinaire- permettent de priver les Algériens de droits consacrés par la constitution : le droit de grève, la liberté d'expression.

Aujourd'hui, le mouvement de grève des médecins résidents qui bénéficient d'un soutien dans l'opinion vient à son tour d'être décrété "illégal" par voie de justice. Pourtant ce débrayage enregistre un suivi bien supérieur aux 30% légalement exigé, sans compter que les grévistes ont assuré le service minimum. Où serait donc "l'illégalité" du mouvement qui a été prononcé par un tribunal algérois? Dans les aspects léonins des lois qui remettent en cause ce qui est clairement énoncé dans la loi fondamentale...

Les pouvoirs publics, ce n'est pas nouveau mais cela s'amplifie avec les difficultés économiques et l'approche des Présidentielles, ont recours à des subterfuges pour entraver les actions syndicales : blocage des demandes d'agrément, persécution des cadres syndicaux, retenues sur salaires...Les militants syndicaux savent que tout est mis en œuvre pour briser leur combativité et que pour le régime il faut que rien ne bouge.

Le recours à la justice prend l'allure d'un harcèlement. Les dispositions qui consacrent et protègent formellement l'action syndicale sont de facto neutralisées. Tout comme le droit de manifester -qui fait partie des libertés consacrées par la Constitution- est bafoué par un ukase administratif depuis la manifestation des arouchs en juin 2001.

Le seul moment où l'on a dérogé à cette interdiction de manifester a été lors des marches de policiers vers la présidence en octobre 2014. La police n'allait pas mater la police. Les "civils", c'est à dire l'écrasante majorité des Algériens, n'ont pas droit à ces égards et ils n'ont plus la capacité de s'exprimer pacifiquement dans leur capitale. Toutes les tentatives sont étouffées dans l'œuf. Les médecins-résidents et les retraités de l'armée ont été les derniers à subir, dans la violence, cet "interdiction" de la capitale.

Alger, capitale du pays, est de fait en état de siège non déclaré. Officiellement les dispositions de l'état d'urgence ont été levées en février 2011 mais on continue à faire valoir une interdiction décidée par Ali Benflis en juin 2001 pour déroger à la règle constitutionnelle.

Dans la réalité, l'interdiction de manifester ne concerne pas Alger seulement. Tout le pays est soumis, non aux normes constitutionnelles, mais au bon vouloir du pouvoir. 2018 est une année charnière avant la présidentielle du printemps 2019. Et il faut craindre que la situation ubuesque de l'Égypte de Sissi ait son équivalent en Algérie où le pouvoir mène une dangereuse stratégie d'étouffement...

Source : HuffPost-Algérie

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