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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Procès contre la corruption. Et Chakib Khelil?

Photo DR

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Au moment où d'anciens gouvernants sont jugés comment expliquer l'impunité dont bénéficie l'ancien ministre de tutelle de Sonatrach? Le Matin d'Algérie a posé la question à Djilali Hadjadj, président de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC).

"Chakib Khelil, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, ou qui auraient encore des doutes, est l’homme des Américains et est donc sous leur protection en tout point de la planète. D’ailleurs votre question me fait rappeler l’entrevue que j’ai eue avec les diplomates américains à Alger, à leur demande, en avril 2013, « Le Matin » avait eu l’amabilité de publier le communiqué de l’AACC à ce sujet.

Lors de cette rencontre, mon côté provocateur avait pris le dessus : j’avais commencé par rappeler l’importance de la loi américaine de lutte contre la corruption de 1977 - enrichie et amendée depuis à plusieurs reprises-  dans un contexte international marqué ces derniers mois ( nous sommes en 2013) par les révélations sur un nombre important de grands scandales de corruption transfrontalière où l’Algérie est citée notamment : la «Foreign Corrupt Practice Act» (FCPA) - loi sur les pratiques de corruption à l'étranger -, loi américaine fédérale.

J’avais aussi rappelé à mes interlocuteurs que cette loi confie aux Cours américaines une compétence extraterritoriale pour juger les citoyens et entreprises américains qui auraient corrompu ou tenté de corrompre des fonctionnaires gouvernementaux étrangers, ou des candidats à des postes gouvernementaux. Et j’avais ajouté : « ce qui pourrait être le cas de l’ancien ministre algérien de l’Energie, Chakib Khelil, ayant la nationalité américaine et possédant d’importants biens immobiliers aux USA notamment, cité dans plusieurs grands scandales de corruption, tant au niveau de la justice algérienne que ses homologues italienne et canadienne ».

Il fallait voir la tête de ces diplomates : venir les tancer de la sorte, qui plus est, dans leurs murs ! L’impunité totale dont continue de jouir Chakib Khelil illustre bien le haut niveau de protection assuré par les Américains et leurs diverses officines.

Texte intégral : Le Matin d'Algérie

L'impunité

En août 2013, Hocine Malti, l'un des fondateurs de Sonatrach   écrivait dans El Watan:

"Comment voulez-vous qu’ils extradent un individu, que le pays qui en demande aujourd’hui avec désinvolture l’extradition, a laissé filer il y a peu de temps avec une telle facilité, alors même que de très sérieuses charges pesaient déjà sur lui ? Les Américains savent que les affirmations de la justice algérienne, selon lesquelles elle n’a pas jugé utile de l’empêcher de quitter le territoire national car elle n’avait rien à lui reprocher à cette date, sont du pipeau. Ils font certainement plus confiance aux magistrats italiens qui, eux, n’ont pas tergiversé, ont fait leur métier correctement et ont apporté sur un plateau à leurs collègues algériens ce qu’ils recherchaient depuis janvier 2010.

Ils ont bien compris que ces derniers ne voulaient tout simplement pas révéler la vérité, à savoir qu’un proche du Président était englué jusqu’au cou dans un scandale de corruption sans précédent. Et que ce scandale ne s’arrêterait pas au niveau de Khelil. Ils savent que si ce dernier venait à vider son sac, c’est toute la coupole du pouvoir actuel qui serait éclaboussée par les affaires de corruption qu’il dévoilerait.

Ils savent aussi qu’il révélerait alors comment des membres de cette coupole ont collaboré avec les services secrets US et avec le lobby militaro-industriel américain. Par ailleurs, les Américains connaissent parfaitement les liens d’amitié qu’entretenait Chakib Khelil avec Abdelaziz Bouteflika, depuis Oujda où ils ont grandi ensemble. Ils connaissent également les liens qu’il a tissés durant les 15 dernières années avec certains haut gradés de l’armée algérienne, auxquels il a permis de renforcer leur pouvoir et de s’enrichir en les laissant téter les mamelles de Sonatrach.

C’est parce qu’ils savent que c’est grâce à ce réseau de connivences du citoyen américain et ex-ministre de l’Energie algérien, que leur pays a pu obtenir d’énormes avantages financiers et politiques en Algérie, qu’ils ne souhaiteraient pas voir s’ouvrir la boîte de Pandore.

Comment voulez-vous que les Etats-Unis extradent Chakib Khelil, lui qui a permis à Halliburton de réaliser plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires par l’intermédiaire de sa filiale Brown and Root, associée à Sonatrach dans BRC ? Des milliards de dollars qui ont aussi profité aux corrupteurs et aux corrompus des deux bords. Comment voulez-vous que les Etats-Unis extradent leur ressortissant dont l’action a fait que BRC, une entreprise d’engineering pétrolier, ait passé commande de mallettes de commandement destinées aux officiers supérieurs de l’armée algérienne ?

Des mallettes qui ont permis à leurs services de renseignement, qui y ont placé les moyens de captage adéquats, de pénétrer au cœur de l’ANP et de découvrir ses données les plus secrètes ?

Souvenons-nous comment, une fois le scandale révélé, le directeur général de BRC – encore un sous-fifre, comme d’habitude en Algérie – a été condamné pour intelligence avec l’ennemi. Souvenons-nous également que c’est BRC qui avait été chargée de la construction d’une base aérienne dans l’extrême Sud algérien, mise à disposition de l’armée américaine pour ses interventions au Sahel et au Moyen-Orient.

Comment voulez-vous que Chakib Khelil soit extradé des USA vers l’Algérie, lui qui a ferraillé durant cinq longues années pour mettre en place en Algérie, au travers d’une loi sur les hydrocarbures, la doctrine de l’administration de George W. Bush en matière d’énergie ? Une loi algérienne, établie aux Etats-Unis sous les auspices de la Banque mondiale, par des bureaux d’études américains, qui avait pour but ultime de faire tomber dans l’escarcelle des compagnies américaines les réserves pétrolières algériennes et de ramener ainsi l’Algérie et tous les pays de l’OPEP derrière elle, au système de concessions en vigueur jusque dans les années 1960.

Je suis pour ma part fier de m’être opposé à cette loi dès ses prémices en novembre 2002 et d’avoir ainsi contribué un tant soit peu à son rejet. Cette loi venait confirmer la profession de foi exprimée par Abdelaziz Bouteflika, dans un article écrit de sa propre main, publié dans le Washington Times du 22 novembre 2002. «L’Algérie ambitionne de devenir le premier producteur de pétrole du continent africain et d’assurer ainsi aux Etats-Unis la sécurité énergétique supplémentaire dont ils ont besoin», y disait-il.

Ceci se passait au moment où il pensait faire ami-ami avec le président américain afin de se débarrasser, pensait-il, de la «quinzaine de chats» qui l’avaient installé au sommet du pouvoir algérien. N’oublions pas que même lorsque, contraint et forcé, Abdelaziz Bouteflika a finalement renoncé, en 2006, à son projet de mettre entre les mains de prédateurs étrangers la source de vie des 35 millions d’Algériens, son compère, Chakib Khelil — ce «brillant» PhD en Petroleum Engineering, mis à disposition de l’Algérie pour y occuper les fonctions de ministre de l’Energie, par les milieux pétroliers américains — a révisé la loi pour laquelle il s’était tant battu et s’est arrangé pour en faire un repoussoir pour les investisseurs étrangers. Cette nouvelle version de la législation en matière d’hydrocarbures a aussi causé un autre dommage collatéral : elle a permis à une compagnie pétrolière américaine, Anadarko en l’occurrence, de gagner quelques milliards de dollars supplémentaires sur le dos de l’Algérie et obtenir la prolongation de ses droits sur les gisements qu’elle y exploite.
(...)
J’ai oublié de dire que les mafieux en tous genres se sont eux aussi enrichis un peu plus, vu que cette manne supplémentaire a généré des commissions supplémentaires. Sachant tout cela, la grande question que l’on se pose est bien entendu la suivante : les Etats-Unis extraderont-ils un de leurs ressortissants après les nombreux services de la plus haute importance qu’il leur a rendus ?

Peut-être faudrait-il d’abord s’assurer, me diriez-vous, que l’Algérie a demandé son extradition. Vous auriez raison de penser ainsi, car l’exemple de Khalifa est encore là, présent dans l’esprit de tous et permet effectivement d’en douter.

Les Américains, donneurs de leçon en matière de justice et de lutte anticorruption, sauront-ils se hisser au-dessus des contingences triviales de la politique et agir conformément à la noblesse des principes qu’ils prêchent par ailleurs ? Admettront-ils que le préjudice causé à l’Algérie par Chakib Khelil est aussi grave que celui d’Edward Snowden ?

Ils accusent ce dernier d’intelligence avec des puissances étrangères. N’en auraient-ils pas dit autant de Chakib Khelil, si celui-ci avait été ministre de l’Energie aux Etats-Unis et avait servi avec un tel dévouement les intérêts d’une puissance étrangère au détriment des intérêts nationaux, comme il l’a fait en Algérie ? A défaut de l’extrader, engageront-ils une procédure judiciaire contre lui là-bas, chez eux ? Cela aussi la loi américaine le prévoit. J’espère que nous ne devrons pas attendre plusieurs années avant d’avoir la réponse à ces questions.

Source :
El Watan

 

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