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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

De Bouteflika à Mbeki

par K. Selim

 

A Arzew, le chef de l'Etat est sorti du texte pour suggérer que les prochaines législatives étaient aussi importantes que le 1er Novembre et que la participation était une manière de conjurer l'ingérence étrangère. On peut partager, à l'aune de ce qui se passe dans la région, l'idée que les anciennes puissances coloniales sont dans des optiques de réoccupations agressives. Cela n'empêche pas de constater que la pratique du pouvoir ne correspond pas du tout à l'énoncé de la menace et de sa gravité.

L'importance hyperpatriotique donnée par le chef de l'Etat aux prochaines législatives aurait été plus largement partagée si elle avait été précédée de l'ouverture d'un vrai débat national sur la manière de préserver l'indépendance et la souveraineté du pays. Et cela implique nécessairement de faire un bilan de 50 ans d'indépendance qui se sont déroulés sous le même régime en dépit des changements superficiels. Or, ce débat national est refusé. Pourtant, ce qui se passe dans le monde arabe peut se lire de manière simple et sans théorie du complot : les pays où la population ne jouit pas des libertés et des droits avec des institutions représentatives et crédibles sont les moins aptes à défendre leur souveraineté. Et cela n'arrive pas qu'aux autres.

Les éléments du débat national, souhaité ardemment par feu Abdelhamid Mehri sans être entendu, nous sont donnés, à nous Algériens et à l'ensemble des sociétés africaines, par l'ancien président sud-africain Thabo Mbeki, dans un discours d'une haute densité prononcé jeudi dernier à l'université du Cap Occidental. Précisons d'emblée que Thabo Mbeki n'est pas un «radical» de l'ANC et il est même connu par sa «modération» et son optique libérale.

Dans sa conférence intitulée «Réflexions sur le maintien de la paix, la souveraineté des Etats et la gouvernance démocratique en Afrique», Thabo Mbeki tire les enseignements de l'affaire libyenne et de la Côte d'Ivoire, du jeu des puissances et de la faiblesse de la réponse africaine. Il en conclut que les puissances occidentales veulent garder l'Afrique comme «appendice» et qu'elles useront de tous les moyens pour y parvenir. Ces puissances, explique-t-il, «vont exploiter l'engagement universel à la démocratie, les droits de l'homme et la bonne gouvernance pour intervenir dans tous nos pays pour faire avancer leurs intérêts» ; elles vont intervenir «en particulier pendant les périodes de conflit violent, sans égard pour le principe de la souveraineté de nos Etats, en tirant parti du principe des Nations unies approuvé par le + droit de protéger + qu'elles vont interpréter librement pour servir leurs intérêts».

L'analyse qui pourrait jusque-là être partagée, au moins formellement, par l'ensemble des régimes - y compris le régime algérien -n'est pas sans conséquence. Elle a une conclusion pratique - ou patriotique - qui n'est toujours pas mise en œuvre. L'intrusion occidentale, explique Mbeki, n'est évitable que si nous assumons nos responsabilités en matière «d'avancement de la démocratie, de la protection des droits de l'Homme et de la réalisation de l'objectif de la bonne gouvernance sur notre continent» Et, avertit M. Mbeki, «nous devons nous attendre à ce que de telles interventions soient soutenues par des forces nationales, nos propres parents et amis, que les puissances mondiales concernées présenteront comme les véritables représentants de nos peuples, sans tenir compte de la vérité à cet égard».

On ne saurait trop conseiller la lecture de ce texte de Thabo Mbeki (*), qui a le mérite de ne pas tourner autour du pot. Et de souligner que la souveraineté n'est pas séparable de la démocratie, des droits de l'homme, de la bonne gouvernance. S'il fait bien le constat de l'existence de menées extérieures allant jusqu'à une volonté de « re-colonisation», Mbeki évite l'incantation. Il explique simplement que la perte de souveraineté n'est pas inéluctable. Et qu'elle se défend par la démocratie, le respect des droits de l'homme et par des institutions dont la crédibilité et la solidité sont intimement liées à la libre adhésion des citoyens.

K. Selim, 25 février 2012. Le Quotidien d’Oran

 

(*) http://www.cameroonvoice.com/news/news.rcv?id=6024

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