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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

«La question égyptienne est un danger plus préoccupant que l'Iran»

C’est ce qu’aurait affirmé le chef de la diplomatie israélienne. Ce ministre a demandé que « le commandement sud de l'armée israélienne soit renforcé de trois divisions », rapporte Adrien Jaulmes dans le Figaro d’aujourd’hui. Armin Arefi, plus nuancé dans le Point, cite un spécialiste qui rappelle  l'aide militaire annuelle de 1,3 milliard de dollars apportée par les États-Unis, en échange de la paix avec son voisin. Affaire à suivre.

 

 

 

 

 

 

Les relations se dégradent entre Israël et l'Égypte

 

 

 

 

 DÉCRYPTAGE- D'abord plutôt indifférente, la révolution de la place Tahrir ayant été marquée par l'absence quasi totale de la rhétorique anti-israélienne, l'opinion égyptienne manifeste depuis une hostilité croissante à la paix avec Israël.

La rupture du contrat gazier entre Israëlet l'Égypte constitue une nouvelle étape dans la dégradation progressive des relations entre les deux pays depuis la révolution égyptienne de février 2011. Un incident frontalier ayant occasionné la mort de plusieurs soldats égyptiens en août 2011, tués par l'armée israélienne lancée à la poursuite d'auteurs d'un attentat terroriste sur une route du sud d'Israël, avait déclenché de violentes manifestations, qui avaient culminé par le sac de l'ambassade israélienne au Caire en septembre. Depuis, les diplomates israéliens n'assurent plus qu'une présence symbolique quatre jours par semaine dans la capitale égyptienne, où ils n'arrivent plus à trouver à louer de locaux.

Le traité de paix entre Israël et l'Égypte, signé par Begin et Sadate en 1979 à la Maison-Blanche, n'a jamais été guère plus qu'une «paix froide» entre les deux voisins. Outre la coopération sécuritaire, et quelques contrats tels que l'accord gazier, les deux pays n'ont jamais établi de réelles relations commerciales ou culturelles.

 

Trahison de la cause arabe

 

Si l'armée égyptienne, principale bénéficiaire d'un accord qui lui assure depuis 1979 une colossale aide militaire américaine, a toujours défendu le traité, l'opinion égyptienne n'a jamais vu de réels avantages à cette paix. La rétrocession du Sinaïpar Israël n'a engendré des bénéfices que pour les puissants investisseurs, proches de Moubarak ou généraux à la retraite, qui ont depuis développé des stations balnéaires dans la péninsule.

Les islamistes, opposants historiques au régime Moubarak, n'ont cessé de dénoncer la normalisation des relations avec Israël comme une trahison de la cause arabe. Aujourd'hui majoritaires au Parlement égyptien et aux portes du pouvoir, les islamistes ont multiplié les assurances qu'ils ne remettraient pas en question la paix avec Israël, mais en les assortissant de déclarations ambiguës. En coulisse, les Américains tentent de sauvegarder un traité qui a longtemps constitué un élément essentiel de leur politique au Moyen-Orient.

Mais l'époque de l'étroite coopération entre le Mossadet les services de sécurité égyptiens est révolue, et les deux voisins se regardent désormais avec une méfiance accrue. Israël a lancé au printemps dernier des travaux de construction d'une barrière de sécurité le long de sa frontière désertique avec le Sinaï. La région sud, longtemps l'une des plus sûres d'Israël, connaît depuis plusieurs mois des états d'alerte réguliers. Les vacanciers israéliens, qui se rendaient régulièrement sur les plages du Sinaï égyptien, ont presque totalement déserté la péninsule, les autorités israéliennes déconseillant à présent formellement à leurs ressortissants de se rendre en Égypte.

 

«Un danger plus préoccupant que l'Iran»

 

L'armée égyptienne, avec l'accord tacite d'Israël, a quant à elle considérablement renforcé son dispositif militaire dans le Sinaï, ce qu'interdisait expressément le traité de paix de 1979, qui prévoyait que seules des forces de police réduites soient stationnées dans cette région.

Dimanche dernier, le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a expliqué avoir mis en garde Nétanyahou contre le danger que représente à présent l'Égypte, et demandé que le commandement sud de l'armée israélienne soit renforcé de trois divisions. «La question égyptienne est un danger plus préoccupant que l'Iran», aurait affirmé dans une réunion le chef de la diplomatie israélienne.

 

Adrien Jaulmes, 24 avril 2012. Le Figaro

 

 

Égypte-Israël : de l'eau dans le gaz

Premier pays arabe à avoir conclu un accord de paix avec Israël, l'Égypte, débarrassée de Hosni Moubarak, va-t-elle changer de politique vis-à-vis de son voisin israélien ? Relativement absents de la place Tahrir en 2011, les slogans anti-israéliens fleurissent désormais au sein de l'opinion publique égyptienne, quitte à influer sur le pouvoir détenu par l'armée depuis la chute du raïs. Cette hostilité s'est cristallisée dernièrement par la rupture d'un important contrat gazier signé entre les deux pays en 2005.

Dénoncé à l'époque par l'opposition islamiste, qui estimait que les ressources naturelles du pays avaient été bradées, il symbolise la frustration grandissante des Égyptiens quant aux conditions de l'accord de paix conclu entre les deux pays en 1979 à Camp David. Invoquant le "non-respect des conditions stipulées par le contrat", le président de la holding gouvernementale Egas, Mohamed Chouaïb, a annoncé dimanche l'annulation du contrat de 2,5 milliards de dollars portant sur la vente annuelle pendant 15 ans de 1,7 milliard de mètres cubes de gaz naturel à la Compagnie électrique israélienne (CEI).

Israël fait "profil bas"

 

Pourtant, au lendemain de l'annonce, le ministre égyptien de l'Électricité, Hassan Younès, a laissé entendre que son pays souhaitait avant tout utiliser le gaz pour ses propres centrales électriques, avant que la ministre égyptienne de la Coopération internationale, Fayza Aboul Naga, n'annonce que "la partie égyptienne n'a(vait) pas d'objection pour parvenir à un nouveau contrat, avec un nouveau prix et de nouvelles conditions". Pour Jean-Noël Ferrié (1), directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l'Égypte, "cette annonce de la rupture du contrat a un lien très direct avec l'arrivée des militaires égyptiens au pouvoir, à l'origine d'un refroidissement marqué des relations entre l'Égypte et Israël". À Jérusalem, le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Liberman, a minimisé lundi l'importance de l'annulation du contrat, assurant à la radio publique qu'il s'agissait d'un "différend commercial" sans conséquence sur les relations bilatérales.

Professeur en sciences politiques à l'université ouverte d'Israël, Denis Charbit note que "le gouvernement israélien essaie de faire profil bas et de ne pas exploiter l'affaire comme témoignant d'un différend majeur entre les deux pays". Le politologue évoque tout de même les répercussions immédiates d'une telle décision pour Israël, qui achète à l'Égypte 43 % du gaz naturel qu'il consomme. "Israël va devoir trouver un substitut. On annonce déjà que l'électricité (dont 40 % est produit en Israël à partir du gaz, NDLR) et le prix du gaz vont augmenter. Mais on n'annonce pas de crise grave", ajoute-t-il.

Querelle diplomatique

 

Or, le différend commercial a vite tourné à la querelle diplomatique. À l'annonce dimanche soir de la rupture de l'accord gazier, le ministre israélien des Finances, Yuval Steinitz, a déclaré qu'il s'agissait d'un "dangereux précédent qui jette un voile ​​sur les accords de paix entre l'Égypte et Israël", selon Reuters. De son côté, le lieutenant-général Benny Gantz, chef d'état-major de Tsahal, a averti que les troupes israéliennes se tenaient prêtes à toute confrontation dans le cas où l'Égypte se serait transformée en un ennemi", a rapporté lundi le quotidien égyptien al-Youm al-Saba en citant la radio publique israélienne.

Mais les critiques les plus acerbes sont venues de l'opposition israélienne. Nouveau leader du parti centriste Kadima, Shaul Mofaz a décrit la décision égyptienne comme une violation pure et simple des accords économiques inclus dans l'accord de paix de Camp David, rapporte Al Arabiya. Signés le 26 mars 1979 à Washington, ces accords ont permis à l'Égypte de récupérer le territoire du Sinaï en 1982, après le retrait de l'armée israélienne et le démantèlement d'implantations juives. En contrepartie, Israël a obtenu une normalisation des relations diplomatiques et économiques avec son voisin, ainsi que des garanties sur la liberté de circulation sur le canal de Suez. "L'accord gazier, réalisé entre deux sociétés privées, a été appuyé par les deux États dans le cadre de la normalisation économique entre les deux pays", explique Denis Charbit. "Mais sa rupture ne constitue en aucun cas une violation des accords de Camp David."

L'idylle entre Le Caire et Jérusalem a subi de sérieux contrecoups depuis la chute du président Hosni Moubarak. En août 2011, l'armée israélienne, qui poursuivait les auteurs d'attentats commis dans le sud d'Israël, a abattu cinq policiers égyptiens à la frontière, provoquant l'attaque de l'ambassade d'Israël au Caire en septembre, et la réduction de son personnel diplomatique. Autre mésaventure, depuis la révolution égyptienne, le gazoduc par lequel l'Égypte approvisionne Israël et la Jordanie par le biais du Sinaï a été saboté pratiquement une fois par mois.

Aide américaine

 

Un refroidissement qui pourrait s'accentuer avec le départ annoncé de l'armée, au profit des Frères musulmans, grands vainqueurs des élections législatives de novembre, et dont le Hamas palestinien est une émanation. "Les accords de Camp David ne sont absolument pas remis en cause", insiste Jean-Noël Ferrié. "Le principal souci de l'Égypte aujourd'hui est de remettre en place l'économie, massacrée par la période révolutionnaire, pas d'ouvrir un conflit avec Israël." Difficile également d'imaginer le pays renoncer à l'aide militaire annuelle de 1,3 milliard de dollars apportée par les États-Unis, en échange de la paix avec son voisin.

Ainsi, pour le spécialiste de l'Égypte, la rupture de l'accord gazier ne possède en réalité qu'une portée symbolique. "Elle marque une paix froide entre les deux pays tout en permettant au nationalisme égyptien de s'exprimer", note-t-il. "La fin des visites officielles entre les deux pays importe peu à Israël", renchérit de son côté le politologue Denis Charbit. "Si la familiarité qui existait entre les deux pays n'est plus, Israël reste concentré sur les affaires stratégiques."

En tête des préoccupations israéliennes figure actuellement la délicate question du contrôle du Sinaï. Cette vaste péninsule égyptienne demeure particulièrement sensible, en raison des tensions avec la communauté bédouine qui y vit et de multiples trafics avec l'enclave palestinienne de Gaza. Or, son littoral balnéaire demeure particulièrement prisé des touristes israéliens. Averti du risque imminent d'attentats contre ses citoyens, l'État israélien a appelé le 21 avril dernier ses ressortissants à revenir au plus vite au pays. Israël s'emploie actuellement à construire une "barrière de sécurité" qui doit s'étirer sur les 240 kilomètres de sa frontière face au désert du Sinaï.

Armin Arefi, 24 avril 2012. Le Point.fr

 (1) Jean-Noël Ferrié, directeur de recherche au CNRS, Auteur de L'Égypte, entre démocratie et islamisme (éditions Autrement)

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