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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Le prix du pétrole va-t-il chuter ou s’envoler ?

Des experts affirment que le prix actuel du pétrole, à cause de facteurs purement politiques et psychologiques, est très supérieur à ce qu'il devrait être. En sens contraire, dans une étude publiée en mai, les experts du FMI, étudiant les facteurs purement « objectifs » du marché, tablent sur un quasi doublement des cours d'ici à 2020. Qui croire ? Sur son blog Oil Man, le journaliste Matthieu Auzonneau éclaire la question, chiffres à l’appui.

 

 

« Nier l’imminence du pic pétrolier est une erreur tragique », dit l’ancien expert pétrolier de l’AIE

 

Par Matthieu Auzanneau

 

 

« Nier l’imminence du pic pétrolier est une erreur tragique », dit l’ancien expert pétrolier de l’AIE. Olivier Rech, ancien responsable du pétrole au sein de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), démonte le rapport Maugeri, selon lequel le pic pétrolier n'est qu'une chimère. Données inédites et exclusives à l'appui.

 

Qu'y a-t-il dans le rapport publié par Leonardo Maugeri, pour justifier la "révolution" qui, selon cet ancien dirigeant du groupe italien ENI, va dissiper le spectre d'un déclin imminent de la production mondiale d'or noir ?

 

Absolument rien, selon le Français Olivier Rech, qui fut en charge de la prospective pétrolière à l'AIE de 2006 à 2009. Voici ses réponses, en sept points. Elles s'appuient notamment sur son analyse historique du rythme de déclin de la production pétrolière existante, présentée ici pour la première fois.

 

Olivier Rech dirige aujourd'hui Energy Funds Advisors, société qui conseille un fonds d'investissements pour le compte de La Française AM, un important gestionnaire d'actifs parisien. Il a déjà pronostiqué sur ce blog un déclin de la production du pétrole et de ses substituts quelque part entre 2015 et 2020.

 

1- "D'abord une remarque générale : l'analyse proposée par M. Leonardo Maugeri s'arrête en 2020. Il est très confortable de ne pas se préoccuper de ce qui pourrait se passer au-delà de cette date, notamment du point de vue du déclin de la production des champs existants.

 

2- Leonardo Maugeri indique que le taux de déclin de cette production existante est aujourd'hui de "2 à 3 % par an". [NDLR. Ce taux, aussi déterminant que le taux directeur des banques centrales en finance est de 5 % par an selon Shell.] Ce chiffre me paraît correct, tout au moins pour la production non-OPEP. Cependant M. Maugeri suppose, sans aucune justification, que ce taux sera constant au cours du temps. Là encore, l’hypothèse est confortable, mais très probablement fausse. L'analyse historique montre au contraire que le rythme de déclin s'accroît depuis au moins dix ans [voir graphiques exclusifs ci-dessous].

Une telle accélération est cohérente avec l’évolution des ressources. Les nouveaux champs mis en production seront en tendance de taille de plus en plus réduite. Or, a priori, plus un champ est de taille réduite, plus la phase de déclin est marquée. D'autre part, une proportion croissante des nouveaux champs mis en production se situent au large. L'expérience, notamment en mer du Nord (dont M. Maugeri admet que la production décline de façon "apparemment irréversible") montre que les champs offshore déclinent rapidement : les opérateurs cherchent à en accroître la production aussi vite que possible, afin de récupérer plus rapidement leurs lourds investissements. En faisant cela, ils accélèrent très souvent le déclin ultérieur.

 

 

3- M. Maugeri affirme que les nouvelles capacités de production pourraient atteindre 49 Mb/j d'ici à 2020, un chiffre qu'il ramène à 29 Mb/j une fois pris en compte, dit-il certains "risques" et certaines "restrictions". Nulle part il n'explique comment il arrive à 49 Mb/j, et personne ne parvient à comprendre comment il a pu y aboutir. Le chiffre de 29 Mb/j, paraît du coup tout autant sujet à caution.

 

 

4- Pour compenser le déclin de la production, M. Maugeri évoque un "accroissement des réserves" exploitables des champs matures, grâce aux progrès techniques et à de nouveaux investissements en cours. Il se fonde sur le cas de l'accroissement des réserves américaines, pour l'extrapoler à l'ensemble des réserves mondiales. Certes, les techniques de récupération s'améliorent, et des nombreux investissements sur des champs anciens sont en cours. Toutefois, il est clairement établi que l'accroissement des réserves américaines au cours des dernières décennies correspond pour l'essentiel à une illusion statistique : la définition des réserves en vigueur aux Etats-Unis n'a longtemps permis de déclarer que les réserves effectivement en production, et non l'ensemble des réserves extractibles, ceci afin de protéger les intérêts des investisseurs.

 

5- M. Maugeri souligne que seul un tiers des bassins sédimentaires sur Terre a été exploré par l'industrie pétrolière. Si les autres bassins sédimentaires n'ont pas été explorés, c'est tout simplement parce que les géologues ont conclu qu’ils ne présentent pas les caractéristiques susceptibles d’avoir généré des hydrocarbures.

 

6- Pour évaluer l'ensemble des réserves de pétrole conventionnel et non-conventionnel encore récupérables, M. Maugeri se fonde sur les estimations de l'USGS (United States Geological Survey). Celle datant de l'an 2000 avance un chiffre de réserves ultimes de l'ordre 3500 milliards de barils d’hydrocarbures liquides conventionnels. Cette estimation est largement considérée comme étant exagérément optimiste. D'ailleurs, jusqu'ici les découvertes localement très importantes de ressources au large de l'Afrique de l'Ouest et du Brésil ne comblent qu'une petite partie de l'écart entre cette estimation de l'an 2000 et les découvertes cumulées, qui à ce jour sont de l’ordre de 2500 Gb. Et même des réserves ultimes de 3500 milliards de barils ne suffiraient par à maintenir la production au-delà de 2025-2030.

 

7- M. Maugeri affirme que le prix actuel du pétrole est très supérieur à ce qu'il devrait être, à cause de facteurs purement politiques et psychologiques. Une analyse publiée en mai par le Fonds monétaire international confirme au contraire que seule la contrainte exercée sur la demande par les limites d’une production de brut stagnante depuis 2005 permet d'expliquer l'envolée des cours constatée depuis.

[NDLR : les experts du FMI tablent sur un quasi doublement des cours d'ici à 2020.]

Le rapport Maugeri prétend qu'il n'y a pas de pic de la production en vue, et conduit implicitement à envisager qu'il n'y aura pas de contrainte énergétique sur la croissance économique future. C'est là à mon sens répéter une erreur tragique, que de nombreux pays importateurs payent déjà par un endettement insoutenable."

 

 

Matthieu Auzanneau, 9 mai 2012. Oil man

 

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