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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Système rentier, libéralisation de la production et élections présidentielles

Par Arezki Derguini

 

 

Arezki Derguini, député FFS de Bedjaïa

 

A propos de la nouvelle loi sur les hydrocarbures :

« On peut se demander s’il ne s’agit pas là

d’un échec programmé et d’une campagne

qui vise à perpétuer la croyance que le système

a encore suffisamment de réserves devant lui

et que la prédation a encore de beaux jours devant elle ».

 

 

 

 

 

 

Les députés du Front des Forces Socialistes ont refusé de débattre de la loi sur les hydrocarbures au sein de l’APN et leur parti s’est engagé à organiser une convention nationale sur l’énergie au cours de cette année[1]. Je vais pour ma part ici tenter de rendre compte du sens et de l’efficacité d’une telle loi.

 

La première question que je vais me poser se rapporte au contexte où est proposée la loi. Elle part d’une attractivité défaillante de l’investissement étranger au cours des trois dernières années. Elle veut y remédier en assouplissant la fiscalité et en libéralisant davantage l’activité de production. Mais alors on est en droit de se demander, comme l’a fait pour nous le professeur Amor Khelif, chercheur au CREAD spécialisé dans l’économie de l’énergie, lors de sa conférence devant les députés du FFS : quelle est la pertinence et l’urgence de ces réformes étant donné le contexte mondial marqué d’une part par une crise mondiale qui couvre une crise énergétique programmée et d’autre part, par une aisance financière de pouvoirs publics qui prêtent au FMI, constituent des fonds souverains pour investir à l’étranger ? Le moment est donc mal venu pour essayer d’attirer l’investissement étranger ou pour libéraliser la production. Il vaut mieux attendre que passe la récession ou que ne se confirme celle-ci de manière durable pour établir les choix en matière de production, de consommation nationale et d’exportation. Si la crise économique passe, le prix sera alors une incitation suffisante avec une demande énergétique en hausse pour rechercher les nouveaux gisements puisque les coûts de prospection et de production paraîtront relativement plus bas. Si elle dure, il faudra affronter la baisse durable du prix et des recettes d’exportations. Mais l’attente, le flottement, tout cela ne convient peut être pas au pouvoirs publics qui détestent l’incertitude. La loi n’étant pas en adéquation avec le contexte étant donné l’objectif déclaré, nous sommes ainsi justifiés à chercher d’autres raisons à l’origine du choix de ce contexte : l’échec programmé et la tenue des élections présidentielles. Nous devrions être habitués à supposer que ce n’est pas seulement la réussite qui est programmée mais aussi l’échec. Par ailleurs, la production d’électricité a subi un même échec sur une période bien plus longue quand on pensait que l’investissement étranger avec les contrats TOP allait s’occuper de la production. Ensuite, laisser croire que les recettes d’exportations vont s’améliorer dans un futur proche pour faire face à la dégradation du pouvoir d’achat, peut rapporter autrement.

 

La deuxième question se rapporte à la base informationnelle sur laquelle s’effectuent les arbitrages de la politique énergétique : Que savons-nous des réserves réelles et des besoins à long terme ? On cite les mêmes chiffres depuis trente ans : 4500 milliards de m3 de gaz et 1,2 milliards de tonnes de pétrole. Quel pourrait être notre avenir énergétique ? Quelle est la part réservée à la consommation nationale, sur combien d’années, et quelle est la part pour le financement du développement ? La CREG (commission de régulation de l’électricité et du gaz) institution publique sous tutelle du MME en 2009, dans une étude, affirmait qu’en 2017 l’approvisionnement du marché national en gaz naturel ne serait pas assuré du tout, nous rapportait le professeur Khelif. Pourquoi ne fait-on pas comme les Pays-Bas qui malgré les pressions européennes ont dédié le gisement Gruningue à la consommation intérieure, et comme on voulait le faire dans les années 80 ?

 

La troisième question se rapporte à la gestion démocratique du secteur. L’importance de la question énergétique, des choix qu’il faut y faire (exploitation ou non des gaz non conventionnels à titre d’exemple) et de leurs conséquences fait que seule la société doit décider en toute souveraineté de nos choix à court, moyen et long terme. Le Conseil National de l’énergie qui devait éclairer l’opinion et informer la décision publique ne s’est pas réuni depuis dix ans. Pourquoi crée-t-on des institutions pour ensuite suspendre leurs activités ? Quelle gestion à long terme des hydrocarbures oppose-t-on à une extraction accélérée motivée par la recherche du profit maximum (les compagnies étrangères) ou une baisse des prix (afin d’augmenter les recettes fiscales du gouvernement) ? Par qui et comment doivent se faire les arbitrages entre la consommation présente et celle future, entre exportations et consommation, entre prix intérieurs et prix extérieurs ? Quelques individus n’ont pas le droit de décider quels doivent être les choix de la société en matière énergétique.

 

Une quatrième question peut concerner les énergies alternatives : qu’en est-il du projet DESERTEC ? pourquoi repousse-t-on les investissements étrangers dans le solaire et veut-on les attirer dans les hydrocarbures ? Pourquoi des pays comme le Maroc sont plus avancés que nous dans la production d’électricité d’origine solaire ? Jusqu’à quand le prix de l’électricité sera-t-il subventionné et empêchera-t-il la libéralisation de la production et son élargissement aux énergies renouvelables ? Quelle est la stratégie industrielle en matière de production de l’électricité ? Quelle filière faut-il maîtriser ? Rappelons que la loi 2002 sur l’électricité et le gaz qui a conduit à une raréfaction de l’électricité et une surexploitation des installations existantes, a été sanctionné par un échec de la libéralisation de la production électrique, l’Etat s’étant abstenu d’investir au cours de la période 2002-2010 dans la production électrique. Pourquoi espère-t-on obtenir d’une politique de libéralisation de la production des hydrocarbures davantage que la libéralisation de la production électrique ? Cela ne conduira-t-il pas comme avec la production électrique à une surexploitation et une dégradation des gisements ?

 

En guise de conclusion : on peut se demander si l’assouplissement fiscal, la libéralisation de la production des hydrocarbures recherchés par la nouvelle loi des hydrocarbures atteindront leur objectif à savoir attirer l’investissement étranger pour déterminer le niveau de nos réserves réelles et les niveaux de production futurs. On peut se demander s’il ne s’agit pas là d’un échec programmé et d’une campagne qui vise à perpétuer la croyance que le système a encore suffisamment de réserves devant lui et que la prédation a encore de beaux jours devant elle.

 

 

Arezki Derguini, 10 janvier 2013. Ffs-dz.net

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