5 Juin 2014
Ardent défenseur du droit de fracturer, le Pdg de Total, Christophe de Margerie
"C'est haram de ne pas exploiter les gaz de schiste, il faut penser à nos enfants car le jour viendra où nous n'aurons plus de pétrole". C'est, en substance, l'explication simple, définitive mais peu convaincante du Premier ministre. Abdelmalek Sellal a-t-il oublié sa déclaration de novembre 2013 à la conférence tripartite : « On ne va pas le pomper aujourd’hui [le gaz de schiste] mais à échéance très lointaine allant à l’horizon 2040".
La militante écologiste algérienne Sabrina Rahmani demande au Président de la République de prononcer un "moratoire" sur l’exploitation des gaz de schiste, en attendant la mise au point de techniques moins dangereuses. Elle appelle à un « débat national sur la politique économique et énergétique de l’Algérie ». Les praticants d'internet connaissent l'impact considérable de l'adresse publiée le lendemain par Hocine Malti. Sur mon blog, j'ai enregistré à la date d'hier plus de mille lecteurs pour son "Indigner-vous". Le co-fondateur de la compagnie nationale Sonatrach démontre que les pollutions se doubleront d'un grave dommage financier pour notre pays. Le fait que ces deux lettres ouvertes soient destinées au chef de l'Etat élu au suffrage universel indique le caractère essentiel d'un problème qui relève de la souveraineté du peuple algérien.
Ces deux lettres ouvertes font leur chemin parmi les Algériens; elles apportent des éclairages documentés qui mettent à mal l'argumentaire du lobby pétrolier mondial. Il y a quelques mois, WikiLeaks, la plateforme des lanceurs d'alerte, publiait des documents confidentiels qui révèlent que l'industrie pétrolière mettait au point la plus importante campagne environnementale jamais connue. Son objectif est de contrer les oppositions des défenseurs de l'environnement. Ces oppositions sont même classées en catégories allant de "réalistes" à "radicales". Les communicants algériens chargés de vendre le "miracle du gaz de schiste" ont sans doute reçu des copies des "argumentaires" mis au point par leurs collègues du lobby pétrolier mondial. En novembre 2013 un reportage de François Damerval intitulé Voyage au cœur des lobbies du gaz de schiste et du nucléaire donnait une idée concrète sur les arguments et initiatives communicantes pro-gaz de schiste mis au point aux Etats-Unis.
LES REACTIONS DU JOUR
Gaz de ... chut
Digoutage
Par Arris Touffan, 5 juin 2014
En France, l’expérimentation et l’exploitation du gaz de schiste sont interdites. Aux Etats-Unis, après avoir prouvé l’inadéquation entre les dégâts écologiques et sanitaires, et l’enrichissement escompté, on commence à virer sa cuti. C’est pourquoi, on va taper les sous-dev.
Il ne faut pas croire ces ministres qui, n’y pigeant que dalle, ou ne pigeant que trop, viennent jouer les chevaliers blancs du gaz de schiste. Il est nuisible à la terre et à l’homme. Imaginons qu’Abdelaziz Bouteflika ne soit qu’un simple citoyen possédant des terres. Même sur ses propres terres, il n’aurait pas le droit d’autoriser la fracturation de la roche, compte tenu des dégâts qu’elle occasionne notamment sur la nappe phréatique, attaquant irrémédiablement les terres agricoles et l’équilibre écologique éprouvé depuis la nuit des temps.
C’est dire que la décision d’Abdelaziz Bouteflika, chef de l’Etat, prise en Conseil des ministres le 21 mai dernier, ressemble à une abdication. Elle consiste à céder notre souveraineté sur notre sous-sol, notamment à GDF Suez, une multinationale française qui n’a pas le droit de pratiquer chez elle cette expérimentation.
Il y a quelques années, on nous avait vendu la dénationalisation des hydrocarbures comme un acte patriotique. Heureusement, il y avait alors un Chavez pour extirper l’Algérie des griffes des sociétés américaines et la ramener à la conscience de ses intérêts nationaux. Pour le gaz de schiste, il n’y a plus de Chavez. C’est à nous, les Algériens, de nous y coller.
Source : Le Soir d'Algérie
Le mal algérien
Par Akram Belkaïd, Paris, 5 juin 2014
EXTRAIT
Le gouvernement algérien vient donc de prendre l’irresponsable décision d’exploiter les hydrocarbures de schiste qui seraient contenus dans le sous-sol du pays. On notera au passage que l’Algérie va donc permettre à des opérateurs pétroliers étrangers de recourir à des procédés d’extraction -autrement dit la fracturation rocheuse- qui leur sont interdits dans leur propre pays. C’est le cas par exemple du groupe français Total dont le patron expliquait, il y a quelques mois, au quotidien Le Monde qu’il n’y a pas, pour le moment, d’autres méthodes pour récupérer ce type de pétrole ou de gaz. Or, il est prouvé que cette technique est polluante et qu’elle met en danger les réserves aquifères -pour bien le comprendre, il suffit de se reporter à l’actualité du Québec ou des Etats-Unis-. Pour résumer, permettre à autrui de réaliser ce qu’il ne peut se permettre chez lui est peut-être la définition que donne le gouvernement algérien au terme de souveraineté ou à celui de patriotisme. Mais passons.
Une addiction
Quand on évoque l’économie algérienne, un fait s’impose. C’est sa totale dépendance aux hydrocarbures qui représentent entre 95 et 98% des recettes extérieures. Plus de cinquante ans après l’indépendance, ce taux dit à lui seul l’échec des politiques économiques menées depuis 1962. La diversification, qu’il s’agisse de l’industrie ou des services, reste un vœu pieu et c’est peu dire que le peuple algérien mange du pétrole et boit du gaz puisque, sans les hydrocarbures, l’Algérie serait incapable d’honorer sa facture alimentaire. En théorie, cela devrait provoquer un sentiment d’angoisse et d’urgence. Il n’en est rien et le système fonctionne comme si les réserves d’or noir et de gaz étaient éternelles.
En termes imagés, on parle ainsi d’addiction au pétrole. Ce n’est pas exagéré. L’Algérie se conduit comme un camé au pétrole qui promet sans cesse de sortir de sa dépendance mais qui ne fait rien pour. Bien au contraire, l’accoutumance mais aussi la perspective d’un manque prochain pousse le toxicomane à se chercher d’autres substances jugées plus fortes. Dans le cas présent, il s’agit des hydrocarbures de schiste. Des ressources dont l’exploitation, catastrophique sur le plan environnemental -on ne le dira jamais assez-, va prolonger cette addiction et maintenir l’Algérie dans son mal, c’est-à-dire son incapacité à diversifier son économie et donc, à créer suffisamment d’emplois (si le pétrole offre de la richesse, il a peu d’impact direct sur le chômage).
Dans l’arsenal d’expressions convenues à propos de cette situation, on évoque souvent le « mal hollandais », en faisant référence aux conséquences négatives provoquées par l’exploitation des gisements pétro-gaziers de la mer du Nord sur l’économie des Pays-Bas (hausse de l’inflation, appréciation du florin, baisse des exportations hors hydrocarbures, perte de compétitivité…). Concernant l’Algérie, le parallèle n’est pas faux mais il ne suffit pas à décrire la situation. Le « mal hollandais » des années 1960 et 1970 a touché un pays qui était déjà industrialisé et qui, très vite, a pu se sortir de cette nasse (...)
Source: Le Quotidien d'Oran