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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

Interdiction de parole aux boycotteurs. Habib Kharroubi passe outre la directive du ministre Hamid Grine

Habib Kharroubi. Photo DR

Habib Kharroubi. Photo DR

Fermer vos colonnes et vos émissions aux partisans du boycott ! C'est la "directive" aux médias du ministre Hamid Grine, se prévalant de consignes présidentielles. Le Quotidien d'Oran passe outre ce matin. Un des doyens des journalistes politiques, Habib Kharroubi, présentant son long entretien avec Ali Benflis, écrit ce matin : "La franchise de ses propos en fait incontestablement la bête noire du régime qu'il pourfend. Ne pas solliciter son franc-parler serait anti- démocratique. Attitude que le Quotidien d'Oran ne fait pas sienne. Ce qui justifie qu'il lui ouvre ses colonnes."

EXTRAIT

Habib Kharroubi- Le boycott des élections vient d'être puni d'une interdiction de parole dans les médias. Qu'en pensez-vous ?

Ali Benflis. Cette interdiction m'inspire des réflexions très simples. Nos gouvernants ont du mal à se défaire de la mentalité du commissaire du peuple. Ils ne sont pas encore sortis de l'âge de pierre de l'unicité de pensée et d'action. Le pluralisme les effraie. Ils ne savent pas ou ne veulent pas savoir ce qu'il représente et ce qu'il induit.

Hier un ministre menaçait de retrait d'agrément les partis ayant décidé de ne pas prendre part aux élections. Aujourd'hui, c'est un autre ministre qui s'arroge arbitrairement le droit d'interdire de parole ces mêmes partis, y compris dans les médias indépendants.

Le régime politique en place a le mérite de la cohérence. Lorsqu'il viole la Constitution et les lois de la République, il ne s'arrête pas à mi-chemin. Lorsqu'il décide d'exercer ses représailles contre un acte éminemment politique comme la non participation aux élections, il ne le fait pas à moitié. Et lorsqu'il verse dans la forfaiture, l'arbitraire et l'abus de pouvoir pour punir un choix politique, il va jusqu'au bout.

Ce même gouvernement dont les membres font feu de tout bois pour sanctionner des positionnements essentiellement politiques, ne bouge pas le petit doigt pour mettre le holà aux scandales qui entachent de toutes parts les législatives à venir.

Le gouvernement ne se pose pas les bonnes questions et il ne leur apporte donc pas les bonnes réponses. Ce n'est pas cela qui l'intéresse. Ce qui l'intéresse, plus que tout, c'est de sauver les apparences.

Si nos gouvernants se posaient les bonnes questions ils reconnaîtraient humblement qu'ils sont les premiers responsables de cette situation où certains partis et avec eux une grande majorité de nos compatriotes expriment leur rejet d'élections façonnées par la tricherie politique et la fraude électorale.

Si nos gouvernants se posaient les bonnes questions ils conviendraient que certains partis et avec eux beaucoup de nos compatriotes refusent d'être de simples figurants dans un scénario électoral dont ils sont les seuls maîtres de son prologue à son épilogue. Et si nos gouvernants se posaient les bonnes questions, ils sauraient que ces mêmes partis et nos compatriotes ne sont pas dupes et n'entendent pas être des faire-valoir dans une opération électorale dans laquelle le régime politique en place trouve son compte mais qui ne les concerne ni de près ni de loin.

- Les partisans du boycott sont devenus l'objet d'un véritable tir de barrage de la part du pouvoir en place et de ses satellites. Ils sont notamment accusés de manquer à leur devoir patriotique et de vouloir mener le pays vers le chaos. Que leur répondez-vous ?

J'ai déjà connu cela. Aux dernières élections présidentielles, j'ai été présenté au ministre espagnol des Affaires étrangères comme un dangereux terroriste. Et pour faire bonne mesure, j'ai même été accusé de constituer un arsenal de guerre en provenance de Libye.

De telles accusations sont si outrancières qu'elles ne peuvent susciter des sentiments de consternation et d'indignation. Le patriotisme coule dans mes veines. La stabilité de l'Algérie est pour moi une cause sacrée. Je n'ai rien à justifier et rien à prouver. Je continue à m'interdire de suivre le régime en place sur la voie de la division et la violence politique.

Qui peut croire sérieusement que la stabilité du pays est menacée par la non participation aux élections ? Cette stabilité serait bien fragile s'il ne suffisait que de cela pour la remettre en cause. Non, la stabilité du pays est menacée, de manière réelle, par l'impasse politique, par la crise économique et par la montée des tensions sociales. Cette vérité que le régime politique en place ne pourra jamais travestir. Tous nos compatriotes la connaissent parfaitement.

Plus sérieusement, je crois que le régime politique en place et ses thuriféraires devraient se sortir d'un paradoxe. Si nous ne comptions pas, si nous ne représentions rien, si nous n'étions qu'une quantité négligeable, pourquoi sommes-nous devenus leur hantise ? Si le peuple est de leur côté et que nous sommes isolés, pourquoi font-ils de nous leur obsession de chaque instant ? Et si nous ne sommes que de simples empêcheurs de tourner en rond, pourquoi notre non participation les effraie-t-elle à ce point ?

La vérité est que le régime politique en place sait qu'il est dans une impasse ; qu'il y a conduit le pays tout entier avec lui et qu'il ne voit pas par quel bout en sortir.

S'il n'y avait que le boycott à résoudre, le régime politique en place l'aurait fait en un tour de main. C'est une affaire d'écriture, pas plus. Comme d'habitude, d'un trait de plume il aurait fait élever le taux de participation au niveau qu'il souhaite.

Mais, pour lui, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de cette impasse politique totale dont l'échéance électorale à venir ne changera absolument aucune donnée.

Nous ne dérangeons pas le régime politique en place parce que nous ne participons pas aux élections. Nous le dérangeons parce que nous ne voulons pas participer à son propre sauvetage. Nous le dérangeons parce que nous refusons de lui servir d'appoint et que nous sommes porteurs de l'alternative qu'il craint par-dessus tout.

Ce n'est pas notre non participation qui indispose le régime politique en place au plus haut point. C'est l'alternative que nous portons (...).

Texte intégral : Le Quotidien d'Oran

 

 

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