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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

« Frédéric Lordon : « Il faut rendre la fin du capitalisme figurable, et pour commencer pensable »

«Maintenant il va donc falloir le dire, et du seul dire capable d’armer une réponse à la hauteur : dans la dévastation en cours, c’est le capitalisme qui est en cause, et c’est du capitalisme qu’il faut sortir.

Toute solution d’atermoiement, toute solution de compromis avec la puissance destructrice nous reconduira à la destruction. Le plus souvent elle sera répétée, le plus tôt l’idée s’imposera, et le plus vite la résolution se formera. C’est dire la responsabilité, ou l’irresponsabilité de ceux qui, en position de le dire, éludent plus souvent qu’à leur tour. La glorification du « vivant » qui ne débouche pas immédiatement sur une mise en cause de la puissance biocide est une collaboration qui s’ignore.(…)

Pourquoi faut-il « le dire » ? — ce qu’aucun des lauréats ne dit. Parce que c’est la seule chance d’échapper à la malédiction de Fredric Jameson, au terme de laquelle « il est plus facile de penser la fin du monde que la fin du capitalisme ».

C’était vrai. Il faut que ça ne le soit plus. Et nous vivons peut-être un intéressant moment où c’est en train de commencer à ne plus l’être. Mais pour qu’il en soit pleinement ainsi, il faut rendre la fin du capitalisme figurable, et pour commencer pensable — c’est-à-dire la tirer de la forclusion radicale où l’enferme toute l’organisation du débat public par les puissances capitalistes ou para-capitalistes : politiciens, médias, experts, éditorialistes, etc. Or ici on ne fera sauter la forclusion que par la répétition, caparaçonnée de conséquence : il y a un écocide ; il est capitaliste ; il est sans solution capitaliste ; donc… (…)

La malédiction de Jameson disait quelque chose d’étrange, et pourtant, nous le savons, de très possible : une entité, ici un groupe humain, et même le groupe humain maximal : l’humanité, désarmant de persévérer dans son être. Contemplant passivement la fin de son monde — sans réaliser tout à fait qu’elle est sa propre fin. C’est que l’effort de la persévérance suppose la possession d’une figure qui l’oriente : d’une idée de quoi faire.

Dans l’alternative, justement posée, de la fin du monde et de la fin du capitalisme, c’est la forclusion de la seconde qui voue inévitablement à la première. Restaurer (ou instaurer) ce qui a été forclos est l’unique moyen de rouvrir une voie à la persévérance : en l’occurrence d’en finir avec ce qui est en train de nous finir.

Frédéric Lordon, 30 novembre 2021. « Maintenant il va falloir le dire »

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