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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

18 janvier-16 mai 2012. Issad Rebrab impose l'absence de syndicat chez Cevital

Mai 2012. Mouvement de soutien aux grévistes de la faim. Photo DR

Mai 2012. Mouvement de soutien aux grévistes de la faim. Photo DR

Le 18 janvier 2012, au port de Béjaïa, un bras de fer était engagé entre le puissant conglomérat Cevital et les ouvriers des usines Cevital Agro (huile, sucre, margarine). En plus des salaires et primes, un autre enjeu élémentaire : les salariés ont-il le droit de créer un syndicat à Cevital? Au  bout de quatre mois, le pdg-milliardaire a gagné la guerre d'usure. Avec lui, la plupart des grands patrons algériens allergiques au syndicat se sentent confortés. Face au grand patronat solidaire, les travailleurs avaient ... Sidi Saïd et sa paix sociale. Le rapport de force était trop inégal. Même si les leaders du mouvement revendicatif n'ont pas été réintégrés, la lutte des travailleurs de Cevital a sans doute fait mûrir l'exigence nationales des libertés syndicales. Un grand magazine économique titrait alors: "La grève de Cevital révèle la précarité du droit syndical dans le secteur privé". Pour l'heure, les syndicats ne mènent la vie dure à Rebrab qu'en France et en Italie.

L'année 2011 fut très fructueuse pour Cevital-Agro. Des chiffres circulaient dans le complexe de Béjaïa où plus de 4000 salariés trimaient dans les raffineries de sucre, d'huile et la margarinerie. Pour remercier le personnel de sa performance, la famille Rebrab distribue des primes substantielles... aux cadres dirigeants de l’entreprise. Les ouvriers, les employés et les cadres subalterne doivent se contenter de miettes. Dans un contexte de bas salaires, cette injustice supplémentaire fut le facteur déclenchant de la grève engagée le 18 janvier 2012. Elle fut massive, et mit la conglomérat des Rebrab sous les projecteurs de l'actualité.

Issad Rebrab annonce « la fin des injustices au niveau de Cévital »...

Le milliardaire descend alors en personne sur le terrain. Face au cahier de revendications qui lui est soumis le 27 janvier par les délégués des grévistes, Rebrab promet l’octroi d’une prime de 50 mille dinars de prime, l’amélioration des conditions de travail des ouvriers et la « fin des injustices au niveau de Cévital ». Mais c'est un niet catégorique s'agissant de la création d’un syndicat, une des revendications clés des grévistes. Fin mars, même pour les rémunérations, Rebrab ne tient pas ses promesses, la direction annonce des augmentations dérisoires. Et elle refuse toujours la création d'un syndicat. Une nouvelle grève d'un demi journée est alors observée le 1er avril, mais sans la participation massive de janvier.

... puis frappe un grand coup

Après cette faible participation, la famille Rebrab, estimant sans doute le moment propice, engage l'épreuve de force. Les 8 et 9 avril 2012, une "commission ad hoc" jugent 27 meneurs, prononce des suspensions massives, fait durer le suspense pour diviser avant d'annoncer annonce le 23 avril seize licenciements. Les travailleurs licenciés  déclenchent une grève de la faim, à l’entrée même de l’usine, pour réclamer leur réintégration.

Le conflit à Cevital Béjaïa s’enlise, et menace de dégénérer, titre Maghreb Emergent, le 14 mai. "Un comité de solidarité avec les grévistes de la faim a lancé un appel pour un rassemblement, mardi prochain, devant le siège de l’entreprise à Béjaïa, qui appartient à l’homme d’affaires algérien Issad Rebrab pour appuyer les grévistes.

Initié par une formation d’extrême gauche, le Parti Socialiste des Travailleurs (PST), et soutenu par d’autres formations de la même tendance, le comité appelle partis politiques, syndicats, travailleurs, étudiants, chômeurs, membres d’associations diverses et simples citoyens à participer au rassemblement. Le comité veut « exiger la réintégration des travailleurs licenciés », qui observent une grève de la faim devant le siège de l’entreprise".

Issad Rebrab, champion des grands patrons

Deux semaines après le déclenchement de la grève, le  site Maghreb Emergent titrait  : La grève de Cevital révèle la précarité du droit syndical dans le secteur privé". Abdelkader Zahar écrivait : "La grève générale, du 19 janvier dernier, dans les usines de Bejaïa du Groupe de Cevital, a eu pour objet des revendications salariales mais également, à la surprise de l’opinion nationale, la revendication de l’exerce du droit syndical, note  Ce conflit de travail qui a frappé le premier site de production du premier groupe privé algérien a été l’occasion de mesurer, l’immense retard de la syndicalisation en contexte d’entreprises privées en Algérie. De plus en plus de tensions internes à ses entreprises, ont pour revendication première l’instauration d’un syndicat au même titre que les revendications traditionnelles de la hausse des salaires et de l’amélioration des conditions de travail. L’absence d’activité syndicale touche des grands acteurs de l’agro-alimentaire, de la boisson, de la distribution automobile, de la téléphonie mobile, des matériaux de construction et de l’électronique grand public."

Cevital pavoise: ils ne seront pas réintégrés

Liberté, le journal de M. Rebrab  sort du silence observé jusqu’ici. Il titre « Les grévistes mettent fin à leur protestation » et nous explique que son patron, bon prince, en plus du retrait de sa plainte contre les grévistes, « a décidé d’attribuer une aide financière comme mesure humanitaire en solidarité avec les familles des intéressés ». Curieuse manière pour les communicants de M. Rebrab de présenter l’indemnité de licenciement que Cevital a payé aux salariés, licenciés abusivement, en échange de leur signature d'un solde de tout compte. «Sur conseil de notre avocat, nous avons cessé aujourd’hui notre grève, épuisés certes, mais réconfortés par toutes les marques de solidarité qui nous ont été témoignées», déclare à El Watan, Abdellah, un représentant des grévistes.

En novembre 2013, l'envoyé spécial du journal Jeune Afrique faisait le point de la situation à Béjaïa : "Cevital Agro ne compte toujours pas de syndicat, mais un comité de participation de onze membres". Le journaliste rapporte la définition cynique du pdg de Cevital-agro, Francesco Goula-Mallofré, à propos du comité- maison mise en place à la place du syndicat : « La seule différence avec notre comité, c’est qu’un syndicat serait soumis à des syndicalistes externes, qui probablement voudront appliquer à Cevital une politique externe, sans vraiment connaître l’entreprise, qui plus est en y mêlant de la politique". Une sacré différence! 

 

 

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