24 Août 2016
Elles narrent une partie de l’histoire algéro-palestinienne.
Par Hafida Ameyar, 24 août 2015
L’historien palestinien, Maher El-Charif, vient de publier aux éditions de l'Institut des études palestiniennes (IEP), à Beyrouth, une partie des mémoires du regretté Mahmoud Latrèche, communiste algérien militant au Moyen-Orient et en Algérie.
Dans Chemin de la lutte en Palestine et en Orient arabe : mémoires du leader communiste Mahmoud Latrèche le Maghrébin (1903- 1939), le spécialiste de la pensée arabe contemporaine et membre du Conseil scientifique de l'IEP revisite le parcours de ce “monument du mouvement ouvrier et communiste international” de 1903 — année qui a vu Latrèche naître à El-Qods, en Palestine, dans une famille algérienne ayant fui la colonisation française — à son retour dans son pays d’origine à l’âge de 36 ans.
Sur les 372 pages, l’auteur y raconte la prise de conscience politique de cet Algérien et les nombreuses actions qu’il a menées avec d’autres militants arabes. En fait, l’histoire de la gauche, notamment du mouvement communiste en Orient arabe, de ses luttes initiées en Palestine, au Liban et en Syrie, se mêle à celle du militant algérien, nommé membre du Comité exécutif de la IIIe Internationale communiste en 1935. L’ouvrage réalisé par El-Charif, ex-chercheur à l'Institut français du Proche-Orient et membre du Parti du peuple palestinien (PPP), s’achève avec le chapitre consacré aux derniers jours de Mahmoud Latrèche à Moscou, qui ont précédé son voyage vers l’Algérie.
Maher El-Charif, qui compte à son actuel plusieurs ouvrages et études, dont l’étude consacrée à la compréhension du “conflit arabo-israélien” (2005), a, pour rappel, interviewé Mahmoud Latrèche de son vivant, à Alger, en 1976. Dans la postface du livre, il est question de “véracité des mémoires dans l'écriture de l'histoire”, un thème qui tient à cœur à l’historien, puisque ce dernier a déjà développé ce sujet, il y a des années, lors d’un colloque, en s’appuyant sur le parcours de militants communistes, dont Mahmoud Latrèche.
Maher El-Charif n’est pas le seul à s’intéresser à Latrèche, cet ancien membre du bureau politique du PC palestinien, puis du BP du PC syro-libanais, arrêté dans les années 1930 par les autorités britanniques de Palestine, ensuite par les autorités françaises, à Damas. Plus tard, Latrèche a même été arrêté en France, en 1938, lors de son déplacement à Paris.
Des historiens autres qu’El-Charif ont essayé de retracer son parcours, à l’exemple de Jacques Couland, spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient, et de l’historien marxiste Abderrahim Taleb Bendiab, auteur de Chronologie des faits et mouvements sociaux et politiques en Algérie. C’est ainsi qu’on apprendra que Latrèche, une fois rentré au pays, a été arrêté et sera de nouveau arrêté, pendant la guerre de Libération nationale.
En février 1981, il décède à l’âge de 78 ans et sera enterré au cimetière d’El-Kettar, à Alger, dans la même tombe que son épouse, la martyre et poétesse kabyle, Dahboucha Hadj Ali.
Source: Liberté
Souvenirs du blogueur
(...) A l’automne de 1963, après avoir installé ma famille, j’ai demandé au parti ma mutation du secteur étudiant vers l’organisation de quartier. Cela tombait bien : le parti avait besoin de quelqu’un à la section d’El Biar. C’est ainsi que j’ai été bombardé à la tête de la section du PCA d’El Biar. Je prends les choses comme elles viennent, c’est mon tempérament. De plus, j’avais un adjoint de taille : Mahmoud Latrèche était chargé de la trésorerie, mais en réalité c’était le tuteur du petit nouveau. Tuteur accepté avec plaisir, car Ammi Mahmoud était un blagueur invétéré.
Sa première anecdote : comment il avait adhéré au parti communiste, quand il était jeune maçon à Jérusalem. Jeune croyant il travaillait dans une mosquée de la ville sainte quand il a surpris l’imam, dévorant un casse-croûte, pendant le ramadhan !
Il poursuivait avec une deuxième anecdote. Quelques années plus tard, lorsque le Komintern accepta de l’affecter à Alger pour renforcer le processus d’algérianisation du Pca, il tenait la permanence dans un cercle de la basse Casbah, où les dockers venaient converser avec lui. Ses invités venus à l’improviste, un jour de ramadhan, l’ont surpris en train de savourer un pain large et plat. Pris de panique, Latrèche perd la tête, prend le pain et s’en évente en murmurant : « il fait chaud, hein ». Je ne me rappelle pas la suite du récit, mais j’imagine que les dockers n’ont pas été vraiment surpris de la chose. Je n’ai pas revu Ammi Mahmoud depuis son départ en brancard de la salle 7bis de la prison d’El Harrach. C’était au énième jour de notre grève de la faim. Je garde le souvenir du clin d’œil qu’il m’a lancé et de ses pétillants yeux clairs.
Au bilan positif de notre travail avec Ammi Mahmoud, il faut surtout mentionner le développement de d’implantation de cellules clandestines (le Pca était dissous depuis novembre 1962) dans les établissements d’enseignement secondaire, très nombreux dans le périmètre de la section : lycées de filles et de garçons à Benaknoun, écoles normales de garçons à Bouzaréa et de filles à Chateauneuf.
Extrait d'un témoignage paru sur le blog le 8 juin 2012: SOUVENIRS (1). A El Biar avec Mahmoud Latrèche
REPERES BIOGRAPHIQUES
Mis en ligne sur le blog le 24 août 2015